La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2024 | FRANCE | N°23NT01906

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 12 avril 2024, 23NT01906


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... et M. D... B... ont demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 9 novembre 2022 les concernant par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que les décisions implicites, nées le 8 décembre 2020, rejetant leurs demandes d'admission au séjour.




Par un jugement nos 2205533, 2205757 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... et M. D... B... ont demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 9 novembre 2022 les concernant par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que les décisions implicites, nées le 8 décembre 2020, rejetant leurs demandes d'admission au séjour.

Par un jugement nos 2205533, 2205757 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, M. B... et Mme C..., représentés par Me Baudet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 mars 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine du 9 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leurs situations, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de les munir dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de 48 heures à compter de cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés et n'ont pas été pris après un examen particulier de leur situation ;

- les refus de titre de séjour sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une méconnaissance de l'article L. 435-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur de droit au regard de ces dispositions ;

- l'arrêté concernant Mme C... méconnaît l'article 3 de la convention

franco-marocaine du 9 octobre 1987 ;

- les obligations de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées et n'ont pas été prises après un examen particulier de leur situation ;

- elles se trouvent privées de base légale dès lors qu'elles sont fondées sur des décisions de refus de séjour illégales ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent

l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions fixant le pays de destination n'ont pas été prises après un examen particulier de leur situation ;

- elles se trouvent privées de base légale dès lors qu'elles sont fondées sur des décisions de refus de séjour illégales ;

- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.

M. B... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention franco-marocaine du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien né le 1er décembre 1983, et Mme C..., ressortissante marocaine née le 23 mars 1981, son épouse, sont entrés en France le 8 juillet 2016. Ils ont été déboutés de l'asile par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 décembre 2016, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 24 octobre 2017. Par deux arrêtés du 20 décembre 2017, ils ont fait l'objet de décisions portant obligation de quitter le territoire français. Le préfet d'Ille-et-Vilaine les a obligés, par deux nouveaux arrêtés du 24 juillet 2019, à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 6 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés en tant seulement qu'ils fixaient le pays de renvoi. M. B... et Mme C... ont alors déposé, le 7 août 2020, des demandes d'admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ont été implicitement rejetées le 8 décembre 2020. Par des arrêtés du 9 novembre 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté les demandes de délivrance de titre de séjour présentées par les intéressés et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Maroc ou de l'Egypte ou de tout autre pays dans lequel ils sont légalement admissibles. Mme C... et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation des décisions implicites, nées le 8 décembre 2020, rejetant leurs demandes d'admission au séjour et des arrêtés du 9 novembre 2022 rejetant expressément ces demandes.

M. B... et Mme C... relèvent appel du jugement du 3 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions et arrêtés.

2. En premier lieu, les arrêtés contestés comportent, s'agissant des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant des pays de destination, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui les fondent. Ils sont, par suite, suffisamment motivés. Il ressort de leurs termes mêmes que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation des requérants avant de les prendre.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

4. M. B... et Mme C... séjournaient en France, avec leurs deux enfants nés dans ce pays le 12 septembre 2016 et le 27 juin 2019, depuis environ six ans à la date des arrêtés contestés. Leur séjour sur ce territoire n'était donc pas ancien et la durée de ce séjour résulte de celle de l'instruction de leurs demandes d'asile et d'admission au séjour, et du maintien des intéressés sur le territoire en dépit de mesures d'éloignement prises à leur encontre. S'ils font valoir qu'ils sont insérés en France en insistant notamment sur leurs engagements associatifs et sur l'emploi salarié de Mme C..., les éléments qu'ils produisent ne permettent toutefois pas d'établir une insertion significative, notamment professionnelle, dans ce pays, le travail de l'intéressée n'étant qu'à temps très partiel et faiblement rémunéré. De même, les promesses d'embauche consenties aux requérants n'établissent pas non plus une telle intégration. Il ressort des pièces du dossier que les intéressés se trouvaient, à la date des arrêtés contestés, sans revenus significatifs et sans logement. Contrairement, à ce qu'ils soutiennent, il ne ressort pas, de plus, des pièces du dossier que, bien qu'étant de nationalités différentes, ils ne pourraient pas maintenir leur cellule familiale ailleurs qu'en France, ou qu'ils auraient sur ce territoire des attaches personnelles ou familiales d'une particulière intensité. En revanche, ils ne sont pas dépourvus de toute attache familiale au Maroc où vivent leurs deux filles aînées, âgées de 11 ans et 7 ans. Dans ces conditions, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces arrêtés ont été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article

L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, les éléments que font valoir les intéressés ne constituant pas des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de les admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article 3 de la convention franco-marocaine du 9 octobre 1987, au titre d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de ces stipulations ne peut, dès lors, qu'être écarté comme inopérant, alors même que le préfet a visé cette convention dans l'arrêté concernant la requérante.

6. En quatrième lieu, les moyens tirés de ce que les obligations de quitter le territoire français en litige et les décisions fixant les pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes raisons que celles exposées au point 4.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte des stipulations précitées que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Les décisions fixant le pays d'éloignement ont tenu compte de la nationalité de chacun des parents en prévoyant une possibilité d'éloignement de ce couple accompagné de leurs enfants soit au Maroc, soit en Egypte ou encore dans tout autre pays dans lequel ils sont légalement admissibles. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les membres de cette famille. Ainsi, ni ces décisions ni les obligations de quitter le territoire français contestées ne peuvent être regardées comme ayant, par elles-mêmes, pour effet de séparer les enfants d'un de leurs parents. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces enfants ne pourraient pas poursuivre une scolarité normale en cas de renvoi dans l'un ou l'autre des pays d'éloignement retenus par l'autorité administrative pour cette famille. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

9. En dernier lieu, les refus de séjour en litige n'étant pas annulés par le présent arrêt, les moyens tirés de ce que les autres décisions contestées devraient être annulées par voie de conséquence ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 9 novembre 2022. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

Le rapporteur

X. CATROUXLe président

G.-V. VERGNE

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT1906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01906
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BAUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;23nt01906 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award