Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ses maladies professionnelles.
Par un jugement n° 1903078 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à Mme A... la somme de 20 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 mai 2023 et le 18 mars 2024,
Mme A..., représentée par Me Diversay, demande à la cour :
1°) à titre principal, de réformer le jugement du 8 mars 2023 en ce qu'il a limité à 20 000 euros l'indemnité que le CHU de Nantes est condamné à lui verser et de porter cette indemnité à un montant de 100 000 euros ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer ses préjudices en lien avec ses maladies professionnelles ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Nantes la somme de
3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que, d'une part, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas au CHU sa réponse au moyen relevé d'office par cette juridiction et que, d'autre part, il est insuffisamment motivé s'agissant du refus d'ordonner une expertise ;
- l'indemnisation de ses préjudices doit être portée aux sommes de :
* 20 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
* 15 000 euros au titre des souffrances endurées ;
- elle doit être indemnisée, de plus, par l'allocation de sommes de :
* 10 000 euros au titre de son préjudice de carrière,
* 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
* 15 000 euros au titre de l'assistance par une tierce personne,
* 8 000 euros au titre du préjudice esthétique,
* 7 000 euros au titre du préjudice d'établissement,
* 3 000 euros au titre de ses déplacements pour raison de santé,
* 7 000 euros au titre des frais d'adaptation de son logement et de son véhicule.
- une expertise présenterait alors une utilité certaine afin d'apprécier la réalité et la gravité des préjudices subis en relation avec ses maladies professionnelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2023, le centre hospitalier universitaire de Nantes, représenté par Me Lesné, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme A... ;
2°) de mettre à la charge de Mme A..., la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu :
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Larre, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., aide-soignante depuis le 1er février 2005 au service de gériatrie de la maison de Pirmil, relevant du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, souffre depuis le 1er octobre 2007 d'une tendinite du supra-épineux de l'épaule droite, depuis le 15 décembre 2015 d'une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche et, enfin, depuis le 6 avril 2018, d'un syndrome du canal carpien droit. Ces trois pathologies sont en lien direct avec son activité professionnelle et ont été reconnues comme imputables au service par le CHU de Nantes, de même que les soins de suite et les congés de maladie correspondants. La requérante a saisi, le 21 décembre 2018, le CHU de Nantes d'une réclamation tendant à l'indemnisation du préjudice causé par les pathologies des deux épaules reconnues imputables au service. Par une décision du 18 janvier 2019, le centre hospitalier s'est prononcé favorablement sur l'octroi d'une indemnité mais n'a pas accepté l'évaluation proposée par l'intéressée. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le CHU de Nantes à lui verser une indemnité d'un montant total de 100 000 euros ou, à titre subsidiaire de nommer un expert pour évaluer ses préjudices. Par un jugement du 8 mars 2023, dont Mme A... relève appel en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande, le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à Mme A... la somme de 20 000 euros. Le CHU de Nantes, qui ne conteste pas en appel, dans son principe, l'engagement de sa responsabilité, conclut au rejet de cette requête.
2. La cour ne dispose pas en l'état de l'instruction des éléments suffisants pour évaluer certains des préjudices invoqués par Mme A..., notamment les souffrances endurées et le déficit fonctionnel subi, ou pour déterminer si et dans quelle ampleur elle a subi, du fait de ses maladies professionnelles aux épaules droite et gauche, certains préjudices, tels qu'un besoin en assistance par une tierce personne et des frais d'adaptation du logement et du véhicule. Dans ces conditions, il y a lieu pour la cour d'ordonner une expertise médicale aux fins précisées ci-après.
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à la réparation des divers préjudices subis du fait de ses deux pathologies des épaules reconnues comme imputables au service, procédé, par un expert désigné par le président de la cour administrative d'appel, à une expertise médicale en présence de l'ensemble des parties à la présente instance.
Article 2 : L'expert aura pour mission, après avoir convoqué, interrogé et examiné Mme A..., pris connaissance avec son autorisation, de son entier dossier médical, consulté tout document, même détenu par un tiers, et recueilli tout renseignement utile à l'expertise :
- de prendre connaissance des pièces du dossier ;
- de décrire l'état de santé passé et actuel de Mme A... ;
- de se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme A..., de convoquer et d'entendre les parties et tous sachants, de procéder à l'examen sur pièces ainsi qu'éventuellement à l'examen clinique de l'intéressée ;
- d'indiquer à quelle(s) date(s) l'état de Mme A... peut être regardé comme consolidé pour chacune des deux pathologies en cause ;
- de décrire et d'évaluer l'ensemble des préjudices subis par Mme A... en lien direct avec les deux pathologies en cause, à savoir la tendinite de l'épaule droite et la tendinopathie chronique à l'épaule gauche et en particulier de dire si l'état de l'intéressée a entraîné un déficit fonctionnel temporaire résultant de ces pathologies et d'en préciser les dates de début et de fin ainsi que le ou les taux, de préciser s'il subsiste un déficit fonctionnel permanent, incluant les douleurs permanentes, et d'en préciser le ou les taux en fonction de la nature des pathologies, de décrire si l'état de santé de Mme A... rend nécessaire l'assistance d'une tierce personne et d'en quantifier le volume, de dire si celle-ci souffre d'un préjudice esthétique ou d'un préjudice d'établissement en lien direct avec les deux pathologies des épaules et si celles-ci entraînent des frais d'adaptation du logement et du véhicule, d'évaluer les souffrances endurées ;
- de recueillir tous éléments et de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utiles à la solution du litige et de nature à permettre d'apprécier l'étendue des préjudices subis.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il déposera son rapport au greffe de la cour et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier régional et universitaire de Nantes.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Vergne, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 12 avril 2024.
Le rapporteur,
X. CATROUXLe président,
G.-V. VERGNE
Le greffier
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01339