Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 25 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable formé contre la décision du 28 mai 2018 du préfet de l'Essonne rejetant sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1900782 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 avril et 27 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Andrez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur née le 25 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de publier son décret de naturalisation ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à son lien d'allégeance vis-à-vis de son Etat d'origine.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juin et 17 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen invoqué par Mme A... n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante congolaise née en 1967, a sollicité sa naturalisation. Par une décision du 28 mai 2018, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande. Mme A... a formé auprès du ministre de l'intérieur contre cette décision le recours hiérarchique prévu par l'article 45 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. Ce recours a fait l'objet d'un rejet implicite, dont l'intéressée a demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes. Mme A... relève appel du jugement du 22 février 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, ainsi que les renseignements de tous ordres recueillis sur son loyalisme.
3. La seule circonstance qu'un postulant à la nationalité française ait conservé des liens, même importants, avec son pays d'origine, ne permet pas, en elle-même, d'en déduire un défaut de loyalisme propre à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, le rejet d'une demande de naturalisation. Un tel défaut de loyalisme, pouvant justifier un tel rejet sans une telle erreur, peut en revanche résulter de la nature des liens conservés avec le pays d'origine, notamment lorsque sont en cause des liens particuliers entretenus par le postulant avec un Etat ou des autorités publiques étrangères, dont des représentations diplomatiques ou consulaires en France du pays d'origine.
4. Pour rejeter la demande de naturalisation présentée par Mme A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur ce que ses liens avec son pays d'origine, du fait de l'emploi qu'elle exerce au sein de l'ambassade de la République du Congo en France, sont incompatibles avec l'allégeance à la France.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est, depuis 2010, employée en qualité " d'employé polyvalent " par l'ambassade de la République du Congo en France, où elle exerce les fonctions de chauffeur et de secrétaire bureautique, sous couvert de contrats de travail de droit français. Ses revenus proviennent ainsi de l'Etat de son pays d'origine. Ni la circonstance qu'elle aurait eu un différend avec son employeur sur la déclaration de ses salaires auprès des organismes de sécurité sociale, ni celle qu'une enquête judiciaire menée sur un trafic de faux documents aurait révélé des complicités au sein de cette ambassade, enquête dans laquelle Mme A... n'établit d'ailleurs pas avoir joué un rôle, ne sont de nature à révéler des dissensions avec sa hiérarchie qui seraient de nature à modifier la nature de ses liens avec son pays d'origine. Enfin, la circonstance que quatre de ses collègues placés, selon la requérante, dans une situation similaire, auraient obtenu la nationalité française, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
6. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le ministre de l'intérieur, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que Mme A... conservait avec son pays d'origine des liens dont la nature était incompatible avec l'allégeance avec la France et rejeté sa demande de naturalisation pour ce motif.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme A... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au ministre de l'intérieur et des
outre-mer.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01232