Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision du 22 mars 2022 de l'autorité consulaire française à Casablanca (Maroc) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleur salarié et la décision du 4 août 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre cette décision consulaire, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visas sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2212044 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2023, M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 22 mars 2022 de l'autorité consulaire française à Casablanca lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleur salarié et la décision du 4 août 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre cette décision consulaire ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation en fait et en droit ; le consul ne mentionne aucun article du code du travail dans sa décision de refus du 22 mars 2022 ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et méconnait l'article L.421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de sa qualification et dispose d'un contrat à durée indéterminée au sein de la société LFO technologie en qualité de " technicien " et justifie d'une autorisation préalable de travail auprès des autorités compétentes ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain, né le 19 novembre 1995, a déposé auprès de l'autorité consulaire française à Casablanca (Maroc) une demande de visa d'entrée et de long séjour en France, comme travailleur salarié au sein de la société LFO Technologie en qualité de technicien d'installation de réseaux câblés de communication en fibre optique dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Par une décision du 22 mars 2022, cette autorité a refusé de lui délivrer le visa sollicité. Par une décision implicite puis par une décision expresse du 4 août 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision consulaire.
2. M. B... a, le 15 septembre 2022, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 22 mars 2022 de l'autorité consulaire française à Casablanca et de la décision du 4 août 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée et de long séjour et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours, sous astreinte. Par un jugement du 10 octobre 2023, cette juridiction a rejeté sa demande. Il relève appel de ce jugement et maintient ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours :
3. Pour rejeter la demande de visa de long séjour comme salarié présentée par M. B..., la commission de recours, dans la seule décision restant en litige, s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que M. B... ne justifie pas de la qualification ni de l'expérience professionnelle requises pour l'emploi auquel il postule, d'autre part, de ce que l'intéressé, n'ayant produit ni au dossier ni au recours de contrat de travail dûment complété et signé par les deux parties, il existe un doute sérieux sur son intention d'établir une relation contractuelle réelle avec l'entreprise à l'origine de son recrutement, ce qui constitue un risque de détournement de l'objet du visa, à d'autres fins, notamment migratoires.
4. En premier lieu, la décision du 4 août 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée et de long séjour, qui se réfère expressément au code du travail, notamment ses articles L. 522-1 et suivants, au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 311-1 et L. 421-1, est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de l'inadéquation entre l'expérience professionnelle du demandeur et l'emploi proposé, d'autre part, de ce qu'il existe un doute sérieux sur l'intention de l'intéressé quant au détournement de l'objet du visa, dès lors qu'il ne produit pas de contrat de travail signé des deux parties. Cette décision du 4 août 2022, qui comporte de façon suffisamment précise et circonstanciée l'énoncé des motifs de droit et des considérations de fait qui en constituent le fondement, satisfait ainsi aux exigences légales de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée, que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne se serait pas livrée, contrairement à ce qui est avancé de nouveau en appel, à un examen particulier du recours formé devant elle par M. B... contre la décision du 22 mars 2022 de l'autorité consulaire française à Casablanca.
6. En troisième lieu aux termes de l'article L.421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". M. B..., qui a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de salarié et demande l'annulation de la décision de refus qui lui a été opposée le 4 août 2022 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée et de long séjour, ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L.421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la seule délivrance d'une carte de séjour. Le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. / Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial, en qualité de visiteur, d'étudiant, de stagiaire ou au titre d'une activité professionnelle, et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24. ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié est subordonnée à la production d'une autorisation de travail ou d'un contrat de travail visés par l'autorité administrative.
8. La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ou d'une autorisation de travail, ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente refuse de lui délivrer un visa d'entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur tout motif d'intérêt général. Constitue un tel motif l'inadéquation entre l'expérience professionnelle et l'emploi sollicité et, par suite, le détournement de la procédure de visa à des fins migratoires.
9. Ainsi que rappelé au point l, M. B..., qui a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour afin de venir travailler en France en qualité de technicien d'installation de réseaux câblés de communication en fibre optique dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, soutient que, contrairement à ce qui est retenu, il justifie de la qualification et de l'expérience professionnelles requises pour l'emploi auquel il a postulé. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier qu'il est effectivement titulaire d'un diplôme de technicien en gestion informatisée obtenu à l'école technique d'informatique de gestion et d'électronique au Maroc en 2018, il ne verse aux débats qu'une " attestation de salaire " établie le 1er février 2022 par une société marocaine, selon laquelle il a exercé une " activité technique multidisciplinaire " du 20 février 2021 au 31 janvier 2022, ainsi que deux bulletins de paye de cette société pour les mois de décembre 2021 et janvier 2022. Par ailleurs, s'il avance qu'il possède une expérience de plus de trois ans dans le domaine de la fibre optique aux Emirats arabes unis avec la société Dubaï Télécoms et cela depuis le 19 octobre 2018, il ne l'établit en aucune façon. Les pièces du dossier ne permettent pas d'établir un lien entre, d'une part, son diplôme et l'expérience professionnelle invoquée, et d'autre part le domaine professionnel dans lequel il souhaite exercer en France une activité salariée. Au surplus, le ministre de l'intérieur a fait valoir en première instance, sans qu'aucun élément ne soit apporté par le requérant pour contredire cette affirmation, que l'entreprise susceptible de procéder au recrutement de ce dernier n'installe pas de la fibre optique mais assure du " conseil en systèmes et logiciels informatiques ", ce qui est de nature à faire douter de la réalité des besoins de cette société et à caractériser un recrutement de complaisance. Dans ces conditions, en rejetant le recours dirigé contre la décision refusant à M. B... la délivrance un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de l'inadéquation de la qualification et l'expérience professionnelle de l'intéressé avec l'emploi proposé, et a pu valablement en déduire l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa dans le but de favoriser l'entrée du demandeur de visa sur le territoire français. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant seulement sur le premier motif, qui suffisait à justifier la décision contestée du 4 août 2022.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions d'injonction :
11. Les conclusions aux fins d'annulation de la décision contestée du 4 août 2022 étant rejetées, les conclusions présentées par M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à M. B..., qui succombe dans la présente espèce, de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23NT03245 2