Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le préfet du Var l'a expulsée à destination du Nigéria ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cette décision.
Par un jugement n°2303011 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2023, Mme A... représentée par Me Ntsakala, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le préfet du Var l'a expulsée à destination du Nigéria, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cette décision et, par voie de conséquence, la décision explicite de retrait de sa carte de résidente de 10 ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 27 juillet 2022 a été pris par une autorité incompétente ;
- les conditions de notification de cet arrêté sont irrégulières ;
- rien ne permet de vérifier l'existence du bulletin spécial prévu par les articles R. 632-3 et R. 632-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- son recours est recevable dès lors que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ne peut être regardée comme ayant été assortie des voies et délais de recours ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, les infractions reprochées de destruction ou de dégradation de véhicules privés et de conduite de véhicule moteur sans être titulaire de permis de conduire ne sont pas établies et elle s'est éloignée du " milieu du proxénétisme " ;
- l'arrêté du 27 juillet 2022 méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que le 1° et le 3° de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est en France depuis 2010, les dispositions de l'article L 632-2 -3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à l'expulsion des personnes ayant plus de 10 ans de séjours en France.
La requête a été communiquée le 31 octobre 2023 au préfet du Var, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante nigériane, a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en 2016 renouvelée en 2017, puis en 2018. Elle a ensuite obtenu une carte de résident valable du 19 novembre 2019 au18 novembre 2029. Le 22 juillet 2022, le préfet du Var pris à son encontre un arrêté d'expulsion sur le fondement des articles L. 631-1 et L.632-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notifié le 16 janvier 2023. Elle a formé un recours gracieux contre cet arrêté le 14 mars 2023. Ce recours gracieux a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulon l'annulation de ces deux décisions. Par une ordonnance du 23 mai 2023, le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Toulon a renvoyé au tribunal administratif de Rennes la requête Mme A.... Par un jugement du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Mme A... relève appel du jugement du 20 septembre 2023 du tribunal administratif de Rennes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public (...). ". Aux termes de l'article R. 632-1 du même code : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 631-1 est le préfet de département (...). ". Enfin, l'article R. 431-23 du même code prévoit que : " Tout étranger, séjournant en France et titulaire d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an, est tenu, lorsqu'il transfère le lieu de sa résidence effective et permanente, d'en faire la déclaration, dans les trois mois de son arrivée, à l'autorité administrative territorialement compétente ".
3. En premier lieu, Mme A... n'établit pas qu'à la date de l'arrêté contesté, elle résidait toujours dans les Cotes d'Armor. En outre, elle ne soutient ni même n'allègue qu'elle aurait signalé un éventuel changement d'adresse à l'administration. Le préfet du Var était donc territorialement compétent, en application des dispositions précitées, pour prendre la mesure d'expulsion en cause.
4. En deuxième lieu, si Mme A... conteste l'existence du bulletin de notification prévu par les articles R. 632-3 et R. 632-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté contesté vise expressément le bulletin de notification d'engagement d'une procédure d'expulsion prévue aux articles L.632-1 et L.632-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne qu'elle s'est vu notifier ce bulletin le 10 juin 2022, par les forces de l'ordre, à son dernier domicile connu. Elle ne saurait dans ces conditions soutenir que ce bulletin de notification serait inexistant.
5. En troisième lieu, si la requérante conteste les conditions dans lesquelles l'arrêté litigieux lui a été notifié, celles-ci sont sans incidence sur sa légalité.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : / 1° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; / (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "étudiant" (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la requérante n'est pas mère d'un enfant français. En outre, il n'est pas établi qu'elle ait résidé régulièrement sur le territoire depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux. Mme A... ne saurait, dans ces conditions, se prévaloir des dispositions précitées.
8. Il ressort notamment de deux actes de naissance établis par les villes de Compiègne et de Saint-Malo, que la requérante, ressortissante nigériane, est mère de deux enfants mineurs, une fille et un fils, nés respectivement en 2020 et 2021. Il n'est pas contesté que le ressortissant nigérian ayant reconnu la fille de la requérante, née en 2020, réside en Allemagne. Ensuite, il n'est ni soutenu ni même allégué que l'homme de nationalité sierra-léonaise ayant reconnu son fils né en 2021 contribue à l'éducation de son enfant, pas plus d'ailleurs que le père de sa fille. Par conséquent, et dès lors qu'il n'est pas contesté que les enfants de la requérante sont de même nationalité que celle-ci et pourraient donc l'accompagner en cas de retour contraint au Nigéria, le préfet n'a, en adoptant les décisions attaquées, pas commis d'erreur d'appréciation ou méconnu le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le préfet du Var l'a expulsée à destination du Nigéria, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cette décision.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT03122 2
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