Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... F..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de E... G... A... et de D... G... A..., ses filles mineures, a, dans le dernier état de ses écritures, demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision du 17 août 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone refusant de délivrer à D... G... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale, ensuite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de faire procéder au réexamen de la demande dans les mêmes conditions de délai, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1800 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2209275 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 septembre et 8 novembre 2023, Mme Camara, agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de E... G... A... et de D... G... A..., représentée par Me Poulard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision la décision du 17 août 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone refusant de délivrer à D... G... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de faire procéder au réexamen de la demande dans les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision explicite contestée, intervenue le 22 août 2022 à la suite d'une demande de communication des motifs, soit postérieurement au délai d'un mois prescrit par l'article 211-6 du code des relations entre le public et l'administration méconnait cet article ; cette circonstance révèle, en outre, qu'elle est entachée d'un défaut d'examen précis et approfondi de la situation individuelle de sa fille D... G... A... ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la demandeuse a droit à la procédure de réunification familiale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme Camara n'est fondé.
Mme Camara a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme Camara, ressortissante guinéenne, réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résidente en qualité de mère de E... G... A..., née le 26 octobre 2015, laquelle s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 juin 2018. Mme Camara a demandé à l'autorité consulaire française à Conakry de délivrer un visa de long séjour à D... G... A..., sa fille aînée et sœur de la jeune E..., au titre de la réunification familiale. Cette autorité a rejeté sa demande. Par une décision du 17 août 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé à l'encontre de la décision consulaire.
2. Mme Camara a, le 15 juillet 2022, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande qui a été regardée comme tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 17 août 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée et de long séjour et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours, sous astreinte. Par un jugement du 30 mai 2023, cette juridiction a rejeté sa demande. Mme Camara relève appel de ce jugement.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Pour rejeter le recours préalable formé à l'encontre de la décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a relevé dans la décision contestée du 17 août 2022 que " - L'enfant D... G... A..., mineur, qui n'est accompagné d'aucun de ses parents, n'entre pas dans le cadre du droit à la réunification familiale selon les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) (...) ".
4. En premier lieu, aux termes de l'article 211-6 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) : " Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité cette décision. Toutefois, si l'intéressé en fait la demande, dans les délais du recours contentieux, l'autorité qui a pris la décision devra, dans un délai d'un mois, lui en communiquer les motifs. Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret. ". Mme Camara soutient que la décision explicite contestée, " intervenue le 22 août 2022 à la suite de sa demande de communication des motifs ", soit postérieurement au délai d'un mois prescrit par l'article 211-6 du CRPA, méconnait cet article et est, en conséquence, entachée d'illégalité.
5. Il ressort des pièces versées au dossier que, par un courrier en date du 22 août 2022 reçu le 26 août 2022 par le conseil de Mme Camara, le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée et de long séjour a notifié à l'intéressée la décision expresse prise le 17 août par cette commission, laquelle s'est substituée à la décision implicite de la commission. Par suite, Mme Camara ne saurait, et en tout état de cause, utilement invoquer la méconnaissance prétendue du délai d'un mois imparti à l'administration pour communiquer les motifs d'une décision intervenue implicitement pour soutenir que la décision contestée du 17 août 2022 serait entachée d'illégalité. En outre, il ne ressort pas des éléments du dossier, ni de ses termes que cette décision serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation individuelle de sa fille D... G... A....
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". Mme Camara soutient que la décision contestée du 17 août 2022 méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la demandeuse -sa fille D... G... A... a droit à la procédure de réunification familiale.
7. Il résulte des dispositions énoncées au point précédent que les ascendants directs d'une enfant mineure non mariée réfugiée en France ou bénéficiaire de la protection subsidiaire peuvent demander à la rejoindre au titre de la réunification familiale. Ces mêmes dispositions prévoient que ces derniers peuvent être accompagnés, le cas échéant, par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. La circonstance que l'un des deux parents réside déjà en France ne fait pas obstacle à la délivrance d'un visa de long séjour au profit de ces enfants s'ils sont accompagnés par l'autre parent.
8. Au cas d'espèce, il est constant que les parents de la demandeuse - l'enfant D... G... A... - résident déjà en France. Dans ces conditions, la jeune D... G... A... ne peut prétendre à la délivrance d'un visa de long séjour au titre de la réunification familiale dès lors qu'elle n'est pas accompagnée par un des ascendants directs au premier degré de sa sœur refugiée mineure. Par suite, Mme Camara n'est pas fondée à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen sera écarté.
9. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces versées au dossier que, de l'année 2017 au mois de novembre 2021, D... G... A... n'était pas à la charge de ses père et mère et était confiée à un oncle de la famille, M. B... A..., vivant à Conakry (Guinée). Mme Camara n'établit ni d'ailleurs ne soutient qu'elle aurait, au cours de cette période, participé à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Il n'est pas davantage établi que la jeune D... serait menacée ou isolée en Guinée où elle a toujours vécu. Les justificatifs d'échanges par messagerie électronique et les photographies versées au dossier ne suffisent pas à démontrer que Mme Camara prendrait depuis lors en charge l'éducation et l'entretien de sa fille. Enfin, il est constant que Mme Camara n'est pas, en droit, empêchée de rendre visite à l'intéressée dans son pays d'origine ou de solliciter une autorisation de regroupement familial. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme Camara n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions d'injonction :
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme Camara ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Mme Camara, qui succombe dans la présente espèce, de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Camara est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... F....
Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23NT02862 2