Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 janvier 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre les décisions du 13 septembre 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à Mme A... C... et à l'enfant D... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n°s 2201276 et 2204141 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 5 janvier 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer à l'enfant D... B... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 novembre 2022 et 22 mars 2023, M. E... B... et Mme A... C..., représentés par Me Arnal, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2022 refusant de délivrer à Mme A... C... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié ;
2°) d'annuler la décision du 5 janvier 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer à Mme A... C... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Arnal, leur avocate, de la somme de 1 500 euros hors taxes au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'identité de Mme C... est établie par les actes d'état civil produits et que Mme C... et M. B... étaient en situation de concubinage stable et continue avant la date d'introduction de la demande d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- et les observations de Me Arnal, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 5 janvier 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à Mme C... et à l'enfant D... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié. Par un jugement du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé à la demande de M. B... et Mme C... la décision en tant qu'elle refuse la délivrance du visa demandé à l'enfant, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa demandé à l'intéressée et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. B... et Mme C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2022 de la commission de recours refusant de délivrer à Mme C... le visa de long séjour demandé.
2. En premier lieu, la décision contestée fait référence aux articles L. 311-1 et L. 561-2 à L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que les actes de naissance produits à l'appui des demandes de visa ne sont pas conformes à la loi locale et ne permettent pas d'établir l'identité des demandeurs ni leurs liens familiaux avec M. B.... La décision contestée relève également des déclarations discordantes et indique que la réalité de la vie commune n'est pas établie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit dès lors être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue (...) ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. " Aux termes de l'article L. 561-5 dudit code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant guinéen, a obtenu le statut de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 9 janvier 2020, laquelle fait état de la relation de concubinage de l'intéressé avec Mme C... à partir d'août 2014, de la naissance de leur fille D... en novembre 2016 et de la circonstance qu'après avoir découvert que M. B... entretenait une relation extraconjugale homosexuelle depuis plusieurs années, des membres de sa famille ont saccagé le domicile du couple tout en proférant des menaces de mort à son encontre. Toutefois, M. B... a déclaré, dans son formulaire de demande de visa, être célibataire. S'il soutient qu'il se trouvait alors sans nouvelles de Mme C... et de sa fille à la suite de la dénonciation de sa relation extraconjugale et de son départ précipité de la Guinée, il ressort toutefois des pièces du dossier que la relation de couple était rompue lorsque M. B... a formulé sa demande d'asile et qu'avant la date d'introduction de la demande d'asile, la vie commune des intéressés n'était pas suffisamment stable et continue au sens des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que M. B... travaille depuis juillet 2020 et envoie tous les mois de l'argent à Mme C..., avec laquelle il est régulièrement en communication par téléphone ou par messages électroniques, est sans incidence sur l'analyse de la relation de concubinage avant la demande d'asile. Dans ces conditions, en estimant que la relation de concubinage entre M. B... et Mme C... n'était pas établie, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une exacte application des dispositions précitées aux points 2 et 3 du présent arrêt. Il résulte en outre de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder sur ce seul motif.
5. En troisième lieu, eu égard au motif fondant la décision contestée et dès lors que la séparation de l'enfant avec l'un ou l'autre de ses parents résulte de ce que la vie commune de M. B... et Mme C... ne peut être regardée comme suffisamment stable et continue avant la demande d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à Mme C... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... et de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03519