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09/04/2024 | FRANCE | N°22NT03221

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 09 avril 2024, 22NT03221


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 2003903 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 6 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Le Br

un, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 mai 2022 ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 2003903 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Le Brun, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2020 du ministre de l'intérieur constatant l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B... soutient que :

- la décision contestée ne pouvait mentionner les condamnations judiciaires prononcées à son encontre, dès lors qu'il a fait l'objet d'une réhabilitation de plein droit en application des dispositions de l'article 133-12 du code pénal ; elle est donc entachée d'erreur de droit ;

- la décision contestée, qui est fondée sur la circonstance qu'il n'est pas de bonnes vie et mœurs, est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 4 mai 1963, a présenté une demande de naturalisation qui a été rejetée comme irrecevable par décision du 30 avril 2019 du préfet de police. M. B... a formé contre cette décision un recours préalable devant le ministre de l'intérieur lequel, par une décision du 14 janvier 2020, a confirmé l'irrecevabilité de la demande. Par un jugement du 24 mai 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 21-23 de ce code : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'est pas de bonnes vie et mœurs ou s'il a fait l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 21-27 du présent code. (...). ". Aux termes de l'article 21-27 du même code : " Nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s'il a été l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l'infraction considérée, s'il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis. / (...) Les dispositions du présent article ne sont pas applicables (...) au condamné ayant bénéficié d'une réhabilitation de plein droit ou d'une réhabilitation judiciaire conformément aux dispositions de l'article 133-12 du code pénal, ou dont la mention de la condamnation a été exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire, conformément aux dispositions des articles 775-1 et 775-2 du code de procédure pénale. ". Aux termes de l'article 133-12 du code pénal : " Toute personne frappée d'une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut bénéficier, soit d'une réhabilitation de plein droit dans les conditions prévues à la présente section, soit d'une réhabilitation judiciaire accordée dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. ". Aux termes de l'article 133-13 de ce dernier code dans sa rédaction applicable au litige : " La réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée qui n'a, dans les délais ci-après déterminés, subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle : 1° Pour la condamnation à l'amende ou à la peine de jours-amende après un délai de trois ans à compter du jour du paiement de l'amende ou du montant global des jours-amende, de l'expiration de la contrainte judiciaire ou du délai de l'incarcération prévue par l'article 131-25 ou de la prescription accomplie ; 2° Pour la condamnation unique soit à un emprisonnement n'excédant pas un an, soit à une peine autre que la réclusion criminelle, la détention criminelle, l'emprisonnement, l'amende ou le jour-amende, après un délai de cinq ans à compter soit de l'exécution de la peine, soit de la prescription accomplie ; 3° Pour la condamnation unique à un emprisonnement n'excédant pas dix ans ou pour les condamnations multiples à l'emprisonnement dont l'ensemble ne dépasse pas cinq ans, après un délai de dix ans à compter soit de l'expiration de la peine subie, soit de la prescription accomplie. Les délais prévus au présent article sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale. Lorsqu'il s'agit de condamnations assorties en tout ou partie du sursis, du sursis avec mise à l'épreuve ou du sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, les délais de réhabilitation courent, pour chacune de ces condamnations et y compris en cas de condamnations multiples, à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue. ".

3. En premier lieu, M. B... a été condamné le 26 juillet 2003 à une peine d'emprisonnement de 2 ans et 6 mois dont 1 an et 3 mois avec sursis. Si M. B... pouvait faire l'objet d'une réhabilitation de plein droit après un délai de 10 ans à compter de l'expiration de sa peine ou de l'accomplissement de la prescription, les condamnations correctionnelles dont il a fait l'objet les 10 septembre 2005 et 17 septembre 2007, y ont toutefois fait obstacle. Ainsi, en l'absence de réhabilitation de plein droit de M. B... et alors que celui-ci ne démontre pas avoir fait l'objet d'une réhabilitation judiciaire ou de ce que ses condamnations auraient été exclues du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, le ministre pouvait, sans entacher sa décision d'erreur de droit, opposer à sa demande de naturalisation les condamnations dont il a fait l'objet en application de l'article 21-27 cité au point précédent. Le moyen doit, par suite, être écarté.

4. En second lieu, le ministre, dont la décision comporte également une référence à l'article 21-23 du code civil, s'est également fondé sur la circonstance que, compte tenu des faits dont l'intéressé a été l'auteur, il ne peut être regardé comme étant de bonnes vie et mœurs au sens de ces dispositions. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet de trois condamnations correctionnelles pour des faits de complicité d'escroquerie et de recel de biens provenant d'un vol commis entre mai et juin 1999, ainsi que de conduite d'un véhicule sans permis en septembre 2005 puis en septembre 2007. En dépit de leur ancienneté, de tels faits, dont la matérialité n'est pas contestée, étaient, eu égard à leur nature, à leur réitération et à leur gravité, propres à faire regarder l'intéressé comme n'étant pas, à la date de la décision contestée, de bonnes vie et mœurs, au sens des dispositions de l'article 21-23 du code civil. Par ailleurs, si M. B... fait valoir que sa mère était de nationalité française, que son casier judiciaire aux Etats-Unis ne comporte aucune mention et qu'il réside sur le territoire français depuis 40 ans, ces circonstances ne permettent pas d'établir l'erreur d'appréciation dont il se prévaut. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions citées au point 2 du présent arrêt que le ministre de l'intérieur a opposé à M. B... l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation et le moyen doit donc être écarté.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de M. B... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03221


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03221
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22nt03221 ?
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