Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 885,48 euros en réparation du préjudice financier et moral qu'elle estime avoir subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2019, date de réception de sa demande préalable par l'administration, et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement no1902545 du 2 août 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme correspondant au montant du supplément familial de traitement qui aurait dû lui être versé pendant son contrat à durée déterminée, entre le 1er septembre 2017 et le 31 août 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2019, assortie des intérêts échus à compter du 14 janvier 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et capitalisation des intérêts. Il a également condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 septembre 2022 et le 12 janvier 2024, Mme A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 août 2022, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) à titre principal, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 451,56 euros en réparation du préjudice financier et moral qu'elle estime avoir subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2019, date de réception de sa demande préalable par l'administration, et de la capitalisation des intérêts ou, à titre subsidiaire, la somme de 10 451,56 euros dans les mêmes conditions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- le retard pris dans le versement de l'aide au retour à l'emploi est fautif et imputable au rectorat de l'académie de Nantes :
* dans le formulaire qu'elle a rempli et signé le 16 mai 2018, elle a clairement exprimé en première intention sa volonté de renouveler son contrat à durée déterminée pour l'année 2018-2019 et elle ne peut être regardée comme étant à l'initiative de cette rupture ;
* elle n'a perçu aucune aide de retour à l'emploi malgré le non-renouvellement de son contrat le 31 août dernier, avant finalement de bénéficier d'un début de régularisation seulement à la fin du mois décembre 2018 ;
* l'administration a fait parvenir à Pôle Emploi une attestation d'employeur faisant ressortir le motif de rupture du contrat de travail comme étant à l'initiative du salarié alors qu'elle avait précisé qu'elle souhaitait le renouvellement de son contrat ;
* le rectorat de l'Académie de Nantes a commis une faute en considérant que la rupture du contrat de travail était à l'initiative du salarié et en la qualifiant d'anticipée, alors même qu'il s'agit d'un non-renouvellement de contrat, celui-ci étant arrivé à son terme ;
* le recteur de l'Académie de Nantes a admis sa responsabilité dans un courrier du 28 janvier 2019 ;
* les différés d'indemnisation prévus par l'article 21 du règlement de l'assurance chômage ne lui étaient pas applicables, car elle n'a perçu aucune indemnité compensatrice de congés payés, ni indemnité de rupture de contrat supra-légales, à la suite de la fin de son contrat de travail ;
* seul un délai d'attente de 7 jours pouvait s'appliquer à sa situation et non pas un retard de plus de 4 mois.
- elle a subi un préjudice financier qui peut être évalué à la somme de 5 000 euros et un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence pouvant être évalués à 5 000 euros ;
- le montant du supplément familial de traitement qui lui a été versé est erroné et elle est fondée, à titre subsidiaire, à demander le versement complémentaire de la somme de 164,88 euros au titre du supplément familial de traitement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 novembre 2023 et le 31 janvier 2024, la rectrice de l'académie de Nantes conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
L'instruction a été close au 13 février 2024, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour Mme A... a été enregistré le 13 février 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code du travail ;
- la loi n°2019-828 du 6 août 2019 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019
- le décret n°2020-731 du 16 juin 2020 ;
- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée par contrat à durée déterminée, en qualité d'accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH), entre le 1er septembre 2017 et le 31 août 2018. Par une demande indemnitaire du 11 janvier 2019, reçue par l'administration le 14 janvier 2019, elle a sollicité auprès du recteur de l'académie la réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis, du fait de l'absence de versement du supplément familial de traitement pendant sa période d'engagement, ainsi que du versement tardif des allocations d'aide au retour à l'emploi à l'issue de son contrat. Par un courrier du 28 janvier 2019, la rectrice de l'académie de Nantes a refusé de faire droit à sa demande. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 août 2022, en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande en ne retenant pas le préjudice né du retard à verser l'aide de retour à l'emploi.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le supplément familial de traitement :
2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme correspondant au montant du supplément familial de traitement qui aurait dû lui être versé pendant son contrat à durée déterminée, entre le 1er septembre 2017 et le 31 août 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2019, assortie des intérêts échus à compter du 14 janvier 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et capitalisation des intérêts et a renvoyé l'intéressée devant l'administration pour procéder à la liquidation de cette somme. Il n'est pas contesté que Mme A... a perçu la somme de 433,92 euros au titre du supplément familial de traitement qui aurait dû lui être versé pendant son contrat à durée déterminée, entre le 1er septembre 2017 et le 31 août 2018. En se bornant à se référer aux indications du " guide sur les modalités de calcul et de versement du supplément familial de traitement " et à un " simulateur de calcul du supplément familial de traitement ", la requérante n'établit pas que la liquidation de la somme qui lui a été versé par l'administration à ce titre serait erronée.
En ce qui concerne les allocations d'aide au retour à l'emploi :
3. Aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants du présent code ou à l'article L. 421-12-2 du code de la construction et de l'habitation, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ". Aux termes de l'article L. 5424-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : / (...) 2° Les agents non titulaires des collectivités territoriales et les agents non statutaires des établissements publics administratifs autres que ceux de l'Etat et ceux mentionnés au 4° ainsi que les agents non statutaires des groupements d'intérêt public (...) ".
4. Lorsqu'une personne a été employée par contrat à durée déterminée par un employeur public qui n'est pas affilié au régime d'assurance dans le cadre d'un contrat à durée déterminée venu à échéance, cet employeur public est redevable du versement de l'aide au retour à l'emploi. Pour l'application des dispositions précitées, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de déterminer si les circonstances dans lesquelles un contrat de travail à durée déterminée n'a pas été renouvelé permettent de l'assimiler à une perte involontaire d'emploi.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A... a fait part aux services du rectorat de l'Académie de Nantes, par un formulaire du 16 mai 2018, de son intention de renouveler son contrat expirant le 31 août 2018 pour l'année scolaire 2018-2019 et de sa volonté d'augmenter son service hebdomadaire. Sur ce même imprimé, elle a également mentionné " qu'elle souhaitait faire une formation avec Pôle emploi ". Dans ces circonstances, la décision du recteur de l'académie de Nantes de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée qui la liait à Mme A... permet de l'assimiler à une perte involontaire d'emploi. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que le recteur ne pouvait être regardé comme ayant commis une faute en considérant que cette dernière ne souhaitait pas renouveler son contrat et en indiquant, en conséquence, sur l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi, que le motif de rupture de ce contrat était une rupture anticipée à l'initiative du salarié. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 août 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du rectorat de l'académie de Nantes à réparer ses préjudices résultant du retard pris dans le versement de l'aide au retour à l'emploi.
Sur les préjudices :
6. Il n'est pas contesté que la requérante a effectivement perçu à compter de décembre 2018, pour partie de façon rétroactive, les allocations d'aide au retour à l'emploi auxquelles elle avait droit. La circonstance qu'une commission d'intervention d'un montant de 7,65 euros a été facturée à la requérante et que d'autres commissions d'intervention lui ont été facturées entre le 21 novembre et le 29 novembre 2018 pour un montant total de 53,55 euros, en lien avec sa situation de découvert bancaire et qu'elle ait été en position débitrice sur son compte courant pour un montant de 600 à 1 000 euros est dénuée de lien de causalité direct et certain avec la faute du recteur de l'académie de Nantes. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi un préjudice financier en lien avec le retard pris dans le versement de l'aide au retour à l'emploi, imputable au rectorat de l'Académie de Nantes.
7. En l'espèce, le retard de versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour Mme A... est à l'origine d'un accroissement de son instabilité financière, cette allocation étant constitutive d'un revenu de remplacement pour les personnes involontairement privées d'emploi. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'intéressée sur la période concernée en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 1 000 euros, tous intérêts confondus, en réparation du préjudice moral qu'elle a subi.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 août 2022 est annulé, en tant qu'il a rejeté la demande de Mme A... tendant à la condamnation du rectorat de l'académie de Nantes à réparer ses préjudices résultant du retard pris dans le versement de l'aide au retour à l'emploi.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 1 000 euros, tous intérêts confondus, en réparation du préjudice moral subi.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Une copie en sera adressée, pour information, à la rectrice de l'académie de Nantes.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M.Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
Le président-rapporteur
O. COIFFET La greffière,
I.PETTON
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22NT02990 2