La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2024 | FRANCE | N°23NT02846

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 05 avril 2024, 23NT02846


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 juillet 2022 des autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'enfants français.



Par un jugement n° 2213021 du 24 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande, regardée comme dirigée contre la décision implicite de la commission de recours contre les dé

cisions de refus de visa d'entrée en France née le 15 novembre 2022 rejetant le recours formé contre l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 juillet 2022 des autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'enfants français.

Par un jugement n° 2213021 du 24 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande, regardée comme dirigée contre la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née le 15 novembre 2022 rejetant le recours formé contre la décision consulaire du 26 juillet 2022.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Mongis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 juillet 2023 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France intervenue le 15 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer à M. A... le visa sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de visa de long séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que la minute du jugement serait signée ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- la délivrance du visa sollicité lui permettrait d'assumer pleinement ses obligations parentales ; en dépit de la distance qui le sépare de ses enfants, il contribue à leur entretien et à leur éducation ; ses ressources ne lui permettent pas d'envoyer de l'argent en France pour ses enfants mais il communique chaque soir avec eux et est associé aux décisions les concernant ; ils leur offre des cadeaux ; sa présence aux côtés de ses enfants s'avère nécessaire compte tenu de l'âge de son beau-père ; par suite, le motif tiré de ce qu'il ne justifie pas de l'autorité parentale ou d'une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le motif tiré du caractère incomplet ou non fiables des informations communiquées pour justifier de ses conditions de séjour est insuffisamment motivé et entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision contestée, qui a pour effet de le séparer durablement de son épouse et de leurs enfants, est contraire aux stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, 7 et 9.1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.

La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais, relève appel du jugement du 24 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 15 novembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision du 26 juillet 2022 des autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'enfants de nationalité française.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort du dossier de procédure que la minute du jugement attaqué a été signée, conformément aux dispositions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative, par la magistrate rapporteure, la présidente de la formation de jugement et par la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

5. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. Le sous-directeur des visas, au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, est chargé d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de court séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". L'article D 312-8-1 du même code, applicable, en vertu de l'article 3 du même décret, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours ".

6. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.

7. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.

8. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement. Si, dans l'hypothèse où la décision consulaire était motivée, une telle demande a néanmoins été présentée et l'autorité administrative y a explicitement répondu, cette réponse doit être regardée comme une décision explicite se substituant à la décision implicite de rejet initiale du recours administratif préalable obligatoire.

9. Il ressort de l'accusé de réception du recours formé par M. A... devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France que celui-ci a été informé de ce qu'en l'absence de réponse expresse sur celui-ci, le recours est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. En l'espèce, la décision consulaire se réfère, d'une part, aux articles L.423-7 à L.423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et retient, d'autre part, que M. A... ne peut justifier détenir l'autorité parentale ou contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants et que les informations communiquées pour justifier de ses conditions de séjour n'étaient pas complètes et/ou pas fiables. Ainsi, elle comporte de façon suffisamment précise l'énoncé des motifs de droit et des considérations de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

10. En deuxième lieu, en vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Il suit de là qu'il appartient seulement à l'autorité administrative d'apprécier compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des ressources de chacun des deux parents et des besoins de l'enfant, la contribution financière de l'intéressé à l'entretien de son enfant français et son implication dans son éducation.

11. Si M. A... soutient avoir épousé le 7 décembre 2012 à Douala, Mme B..., ressortissante française, désormais placée sous la curatelle de M. C..., son beau-père, il ressort des pièces du dossier que par une décision du 16 octobre 2019 les autorités consulaires françaises de cette ville, ont rejeté sa demande de transcription de son acte de mariage sur les registres de l'état civil français. Il n'est toutefois pas contesté que M. A..., est le père des trois enfants de nationalité française nés de cette union, prénommés Yvann et Yvanna et Jean-Luc. Le requérant soutient que la mère de ses enfants bénéficie de l'allocation adulte handicapé et d'allocations logement lui permettant de subvenir aux besoins de leurs trois enfants et que de son côté, ses faibles ressources ne lui permettent pas de participer financièrement à leur entretien. Il produit plusieurs autorisations parentales datées du 18 avril 2018, autorisant M. C..., tuteur de Mme B..., à s'occuper de ses deux enfants nés en 2015 et de son fils né en 2018 ainsi qu'une procuration du 23 septembre 2019 donnée à également M. C... pour établir tout document administratif concernant ses trois enfants. Il se prévaut par ailleurs, d'une attestation de son beau-père indiquant qu'il s'entretient régulièrement sur WhatsApp avec ses enfants et d'une attestation de sa belle-mère précisant que lorsqu'elle se rend au Cameroun, il lui donne des cadeaux pour ses enfants. Toutefois ces seuls documents, en raison notamment de leur caractère imprécis, ne suffisent pas à établir la réalité des liens que M. A... entretient avec ses trois enfants. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu légalement se fonder sur le motif tiré de ce qu'il n'était pas établi que l'intéressé contribuait à l'entretien et à l'éducation de ses enfants pour rejeter le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité de parent d'enfants français. Il ressort des pièces du dossier qu'elle aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.

12. En troisième lieu, et ainsi qu'il vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants, ni que ces derniers ne pourraient se rendre au Cameroun pour y rendre visite au requérant. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs la décision contestée n'est pas contraire aux stipulations de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02846
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SCP OMNIA LEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-05;23nt02846 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award