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05/04/2024 | FRANCE | N°23NT00692

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 05 avril 2024, 23NT00692


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet du Morbihan a déféré au tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. B... A... et a demandé au tribunal de le condamner, en application de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, au paiement de l'amende maximale prévue par ces dispositions au titre de l'occupation sans titre du domaine public maritime en dehors de

s ports et de lui enjoindre de procéder à l'enlèvement de son embarcation dans un dél...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Morbihan a déféré au tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. B... A... et a demandé au tribunal de le condamner, en application de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, au paiement de l'amende maximale prévue par ces dispositions au titre de l'occupation sans titre du domaine public maritime en dehors des ports et de lui enjoindre de procéder à l'enlèvement de son embarcation dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'autoriser l'administration à y procéder, aux frais et risques du contrevenant.

Par un jugement n° 2200514 du 29 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a condamné M. A... à payer une amende de 1 500 euros (article 1er), a enjoint à M. A... de procéder à l'enlèvement de son embarcation du domaine public maritime dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard (article 2), et a autorisé le préfet du Morbihan, passé ce délai, à procéder d'office aux opérations d'enlèvement aux frais et risques de M. A... (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2023, M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 29 décembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il le condamne à payer une amende de 1 500 euros et, à titre subsidiaire, de moduler le montant de l'amende qui lui a été infligé.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le préfet n'a pas motivé son refus de de médiation ; la magistrate désignée a insuffisamment motivé le montant de l'amende mis à sa charge ; le préfet n'a pas présenté d'observations devant la magistrate désignée, contrairement à ce qui est mentionné sur le jugement attaqué ;

- le montant de l'amende qui lui a été infligé est disproportionné ; il a déjà payé une amende pour les mêmes faits avant de vendre son bateau au printemps 2021 ;

- le préfet ne pouvait lui notifier un procès-verbal de contravention le 25 octobre 2021 alors qu'il avait vendu son bateau au printemps 2021, après l'avoir stocké dans son jardin à compter d'octobre 2020 ;

-il n'a pas eu notification de deux courriers envoyés par recommandé avec accusé de réception pendant la période du confinement lié à la Covid ; il aurait dû recevoir des lettres par courrier ordinaire en accompagnement " comme cela est la coutume " ;

- il reconnaît une occupation occasionnelle du domaine public maritime dans la zone d'échouage autorisée sur la commune de l'Île-aux-Moines, au lieu-dit " Brouel " ; son bateau était échoué pour des nécessités d'entretien et de réparation qui ne pouvaient être effectuées sur bouées et non mouillé dans cette zone qui peut être assimilée au statut de port et relevait de l'autorité du maire de l'Île-aux-Moines ; l'entretien de son bateau ne pouvait pas davantage être effectué " en embarquement ou débarquement " pour la sécurité des enfants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour de rejeter la requête de M. A....

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 25 octobre 2021 et notifié le 13 janvier 2022, il a été constaté qu'un navire dénommé " Jour de fête ", dont M. A... est propriétaire, occupait irrégulièrement le domaine public maritime au lieu-dit " Brouel ", sur le territoire de la commune de l'Île-aux-Moines. Le préfet du Morbihan a déféré au tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. A... et a demandé au tribunal de le condamner, en application de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, au paiement de l'amende maximale prévue par ces dispositions et de lui enjoindre de procéder à l'enlèvement de son embarcation dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'autoriser l'administration à y procéder, aux frais et risques du contrevenant. Par un jugement du 29 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a condamné M. A... à payer une amende de 1 500 euros, lui a enjoint de procéder à l'enlèvement de son embarcation du domaine public maritime dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et a autorisé le préfet du Morbihan, passé ce délai, à procéder d'office aux opérations d'enlèvement aux frais et risques de M. A.... Ce dernier fait appel de ce jugement en tant qu'il le condamne à payer une amende de 1 500 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 213-1 du code de justice administrative : " La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ". La proposition d'une médiation, quelle que soit la date à laquelle elle intervient, est étrangère à l'instruction du litige par le juge. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que le préfet du Morbihan aurait dû suffisamment motiver son refus de recourir à une médiation, dans son courrier du 1er avril 2022, pas davantage que le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur ce point.

3. En second lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la première juge a suffisamment motivé son jugement, aux points 2 et 3, s'agissant de la détermination du montant de l'amende à laquelle il a été condamné.

4. En dernier lieu, les mentions d'un jugement font foi jusqu'à preuve du contraire. En l'absence de tout commencement de preuve, le moyen tiré de ce que le représentant du préfet du Morbihan n'a pas présenté d'observations devant la magistrate désignée ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...). ". Aux termes de l'article L. 2132-26 du même code : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. (...). ". Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " (...) / Le montant de l'amende est le suivant : (...) / 5°) 1 500 euros au plus pour les contraventions de la cinquième classe (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / (...) ".

7. En premier lieu, le représentant de l'Etat dans le département est tenu, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale du domaine public et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'il tient de la législation en vigueur, notamment de l'article L. 774-2 du code de justice administrative. Or, il résulte des dispositions du premier alinéa de cet article que le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour déférer au tribunal administratif une contravention de grande voirie.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de contravention de grande voirie du 25 octobre 2021 et de l'extrait du schéma de mise en valeur de la mer du Golfe du Morbihan, que M. A... n'a pas amarré son navire dans la zone de mouillage et d'équipements légers (ZMEL) du lieu-dit " Bruel " mais en dehors de cette zone, sur le domaine public maritime. Le préfet du Morbihan était ainsi seul compétent pour notifier à M. A... la copie du procès-verbal de contravention du 25 octobre 2021, contrairement à ce qu'il soutient.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que des lettres de mise en demeure de libérer le domaine public maritime ont régulièrement été notifiées à M. A... en dehors des périodes de confinement pour la Covid 19, notamment les 18 décembre 2019 et 15 décembre 2020 mais que les plis n'ont pas été retirés au bureau de poste. Le préfet a également sollicité en vain le maire de la commune de l'Île-aux-Moines par courrier du 7 février 2020 pour remettre en main propre à M. A... une mise en demeure du 15 janvier 2020. En tout état de cause, le moyen tiré de l'absence de notification de mises en demeure de libérer le domaine public maritime est inopérant à l'encontre de l'amende en litige qui résulte du procès-verbal de contravention de grande voirie du 25 octobre 2021 dont il résulte de l'instruction que M. A..., qui ne conteste pas sérieusement le caractère contradictoire de la procédure menée par le préfet du Morbihan, a accusé réception le 13 janvier 2022.

10. En troisième lieu, il résulte du constat du 29 juillet 2021 d'un agent assermenté de la direction départementale des territoires et de la mer du Morbihan que l'annexe du navire de M. A... était présente, sans autorisation, sur le domaine public maritime, au lieu-dit " Brouel " de la commune de l'Île-aux-Moines. L'intéressé n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur de fait en ce qu'" il avait vendu son bateau au printemps 2021, après l'avoir stocké dans son jardin à compter d'octobre 2020 ".

11. En quatrième lieu, M. A..., qui a reconnu " une occupation occasionnelle " du domaine public maritime sur la commune de l'Île-aux-Moines, au lieu-dit " Brouel ", ne peut utilement se prévaloir des nécessités d'entretien et de réparation de son navire pour demander l'absence de mise en œuvre des dispositions relatives aux contraventions de grande voirie.

12. En dernier lieu, lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant. Alors même que les dispositions citées au point 5 ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois, dans le cadre de ce contentieux répressif, moduler leur montant dans la limite du plafond prévu par la loi et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences.

13. Il est constant que M. A... s'est amarré, sans autorisation, à plusieurs reprises entre 2018 et 2021, sur le domaine public maritime au lieu-dit " Bruel ", en dépit des mises en demeure lui enjoignant de le libérer. Le ministre fait valoir sans être contredit que le mouillage ou l'échouage en dehors des zones prévues à cet effet est susceptible de nuire à l'environnement littoral et maritime, qu'il s'agisse des fonds marins fragiles, de la proximité de colonies d'oiseaux, de la qualité des eaux ou des conséquences à terre, telles que encombrement des accès, présence des annexes, gestion de déchets. Dans ces conditions, compte tenu de la répétition d'un tel manquement, l'amende de 1 500 euros, qui respecte le montant du plafond prévu par la loi, n'est pas disproportionnée. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait déjà acquitté une amende pour ces faits au titre de la même infraction.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes l'a condamné à payer une amende de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2024.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00692
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-05;23nt00692 ?
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