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26/03/2024 | FRANCE | N°23NT00118

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 26 mars 2024, 23NT00118


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Avranches à lui verser la somme de 105 374 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de sa maladie reconnue imputable au service.



Par un jugement n° 2100137 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune d'Avranches à lui verser la somme de 4 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires présentées

par M. D....



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Avranches à lui verser la somme de 105 374 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de sa maladie reconnue imputable au service.

Par un jugement n° 2100137 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune d'Avranches à lui verser la somme de 4 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires présentées par M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 janvier 2023 et 1er février 2024, M. D..., représenté par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 14 novembre 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande ;

2°) de condamner la commune d'Avranches à lui verser la somme de 117 488,20 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et de leur

capitalisation ;

3°) le cas échéant, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale et de mettre les frais à la charge de la commune ;

4°) de condamner la commune d'Avranches à lui verser une allocation provisionnelle de 10 000 euros ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Avranches le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il rejette sa demande d'expertise avant-dire droit ;

- la responsabilité de la commune doit être reconnue dès lors qu'il a alerté oralement à plusieurs reprises sa hiérarchie des problèmes qu'il rencontrait sans qu'aucune mesure ne soit prise ; la commune a ainsi manqué à son obligation de sécurité et de protection à son égard ;

- il peut prétendre à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de sa maladie professionnelle ;

- la maladie professionnelle dont il souffre lui occasionne un préjudice de carrière ainsi qu'un préjudice financier à hauteur de 8 000 euros ;

- la somme de 4 000 euros allouée par le tribunal administratif est insuffisante ;

- ses souffrances morales, en lien direct avec sa maladie, sont certaines, et leur réparation doit être évaluée à 20 000 euros ;

- il a en outre subi un préjudice d'agrément et des troubles dans ses conditions d'existence dès lors qu'il a cessé ses activités de loisirs ; ces préjudices doivent être évalués à 20 000 euros ;

- à défaut de consolidation de son état de santé, ses déficits fonctionnels temporaire et permanent ne sont pas connus dans toute leur ampleur ; ses conclusions présentées dans son mémoire du 4 juin 2021 n'étaient dès lors pas tardives ; son DFT doit être évalué à 29 488,20 euros et son DFP à 40 000 euros.

Par des mémoires enregistrés les 22 mars et 31 août 2023, la commune d'Avranches, représentée par Me Agostini, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser à M. D... la somme de 4 000 euros. Elle demande à la cour de réduire cette somme à 2 000 euros, de prendre acte de ses réserves sur l'expertise sollicitée par l'intéressé qui devra être ordonnée à ses frais avancés et conclut au rejet de sa demande d'allocation provisionnelle.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Launay, représentant M. D... et de Me Delaunay, substituant Me Agostini, représentant la commune d'Avranches.

Une note en délibéré, enregistrée le 12 mars 2024, a été produite pour la commune d'Avranches.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., agent de maîtrise territorial, exerçait les fonctions d'adjoint au responsable du service voirie-transport-fêtes et cérémonies au sein de la commune d'Avranches. Il a été mis en cause par un agent placé sous sa responsabilité, lequel a fait une tentative de suicide le 3 avril 2015 et l'a accusé de faits de harcèlement moral. La plainte pénale déposée par cet agent a été classée sans suite le 16 juin 2016 mais M. D..., dont le comportement était mis en cause par d'autres agents du service, a été placé en arrêt maladie à compter du 17 décembre 2016. Sa maladie a été reconnue imputable au service par un arrêté du 15 décembre 2017. Par un courrier du 9 novembre 2020, reçu le 12, l'intéressé a présenté une réclamation préalable auprès de la commune, laquelle a implicitement rejeté sa demande. Par un jugement du 14 novembre 2022, le tribunal administratif a condamné la commune d'Avranches à lui verser la somme de 4 000 euros, tous intérêts confondus. M. D..., dont le congé pour maladie professionnelle a été prolongé jusqu'au 30 septembre 2023, relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait droit à sa demande indemnitaire que dans la limite de 4 000 euros et demande à la cour de porter cette somme à 117 488,20 euros. La commune d'Avranches présente des conclusions d'appel incident tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à verser à M. D... la somme de 4 000 euros.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Si aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ", le juge n'est pas tenu d'expliciter son refus de procéder à une mesure d'instruction. Par suite, alors que les juges de première instance ont retenu au point 12 de leur jugement que les conclusions indemnitaires qui leur étaient présentées devaient être accueillies dans la limite de 4 000 euros, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait, dans cette mesure, entaché d'une irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la responsabilité pour faute :

3. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, figurant au titre II du Livre 1er de la quatrième partie de ce code : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". En vertu de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Dans les services des collectivités (...), les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité sont celles définies par les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ".

4. M. D... soutient tout d'abord qu'il a alerté sa hiérarchie les 5 juillet 2013 et 7 octobre 2014 sur le comportement de M. C... à son égard. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce dernier a été reçu le 3 octobre 2014, par le directeur des services techniques. Dans un courrier qui lui a été adressé le 6 octobre 2014, et dont M. D... a reçu une copie, le directeur du service lui reproche son attitude d'opposition systématique à l'égard de son responsable, ainsi que les menaces et intimidations proférées, qu'il qualifie d'intolérables. Une procédure disciplinaire a d'ailleurs été diligentée à l'encontre de M. C..., qui a été convoqué à un entretien préalable fixé au 23 octobre 2014. Si M. D... ajoute qu'il a de nouveau fait part de ses difficultés avec cet agent le 23 mars 2015, il est cependant établi que M. C... a été reçu par le directeur technique, en présence de M. D..., lors d'un entretien qui s'est tenu le 2 avril 2015 à la suite d'un accident alors qu'il conduisant un véhicule de service. M. C... a fait une tentative de suicide sur son lieu de travail le lendemain de cette réunion. Si l'enquête du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail diligentée à la suite de cet acte, a confirmé une incompatibilité de caractère entre les deux agents, elle n'a en revanche révélé aucun dysfonctionnement du service. Le procès-verbal de la réunion de cet organisme en date du 20 avril 2015 indique ainsi que les agents ont fait état de bonnes conditions de travail sans pression particulière, tout en souhaitant que les conflits internes cessent pour retrouver une meilleure ambiance. Enfin, dans la perspective du retour de M. C... dans les services, prévus le 1er février 2016, et à la suite de la réunion du 26 janvier 2016, une réorganisation des services techniques a été décidée par la commune d'Avranches. M. C..., référent de l'équipe maçonnerie, n'était plus ainsi placé sous la responsabilité de M. D..., la réception des chantiers sur lesquels il travaillait était également confiée à un autre responsable d'équipe et les vestiaires de l'équipe maçonnerie étaient installés au sein du service des sports.

5. Si M. D... se prévaut ensuite d'échanges de courriels datant du mois de février 2016, attestant de sa bonne volonté vis-à-vis de M. C..., ils établissent également que la directrice des ressources humaines était vigilante quant aux relations qu'entretenaient ces deux agents et accompagnait M. D... quant à la conduite qu'il devait avoir face aux réticences de M. C.... Si l'intéressée indiquait dans l'un de ses courriels que " tout n'était pas blanc, ou noir ", à cette date, la plainte pour harcèlement moral déposée par M. C... à l'encontre de M. D... était alors toujours en cours et n'a été classée sans suite que le 16 juin 2016. Lors d'une réunion du comité technique du 4 juillet 2016, il a de nouveau été question de l'organisation des services techniques de la commune à l'occasion du départ à la retraite du responsable du service des sports. Il était toutefois précisé que les missions de l'adjoint du service ne changeraient pas. Enfin, M. D... qui se réfère à une lettre adressée au maire d'Avranches, le 22 octobre 2016, par le directeur des services techniques, dont une copie lui a été adressée soutient également que les autres agents du service placés sous sa responsabilité remettaient en cause son propre comportement. Dans ce courrier le directeur du service technique reprochait au maire de " refuser de rétablir la vérité aux yeux des services " " en maintenant les doutes ". Si la commune ne justifie pas avoir répondu à la demande de diffusion de la décision de classement de la plainte déposée par M. C..., cette attitude pour regrettable qu'elle soit dans le contexte évoqué ci-dessus, ne peut cependant à elle seule être regardée comme constituant une faute suffisante de nature à engager la responsabilité de la commune.

6. Il suit de tout ce qui vient d'être dit aux points 4 et 5, que M. D..., qui a été placé en arrêt de travail à compter du 17 décembre 2016, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejetées ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité pour faute.

Sur la responsabilité sans faute :

7. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

En ce qui concerne la perte de revenus et l'incidence professionnelle :

8. Si ainsi qu'il a été dit au point 5, l'allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité est destinée à réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de d'une maladie professionnelle, l'incidence professionnelle d'un dommage corporel peut comporter les conséquences de toute nature qui, au-delà des pertes de revenus professionnel, y compris futurs, résultent directement de l'impossibilité de poursuivre un projet professionnel.

9. Il n'est pas contesté que pendant son arrêt maladie prolongé jusqu'en septembre 2023, M. D..., n'a pas reçu d'allocation temporaire d'invalidité mais a continué de percevoir son traitement d'agent de maîtrise territorial. Il a en outre bénéficié d'avancements d'échelons réguliers dans son grade ainsi qu'en atteste les documents produits par la commune d'Avranches. M. D..., qui est né en 1970 évoque cependant l'impossibilité de poursuivre son projet professionnel. Dans son rapport du 24 mai 2017, le psychiatre qui l'a examiné a en effet précisé qu'il devra prendre " un long recul ", ce qui rendra plus difficile ses chances de réinsertion professionnelle. Il est toutefois constant qu'à ce jour l'état de santé de M. D... n'est pas consolidé. Par suite, ce préjudice de carrière ne peut être regardé comme présentant un caractère certain. Les conclusions présentées par l'intéressé tendant à la condamnation de la commune d'Avranches à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation de ces différents préjudices financiers ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :

10. Si une fois expiré le délai de deux mois pendant lequel le rejet d'une réclamation préalable peut être contesté, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. Il n'est fait exception à ce principe, dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a sollicité pour la première fois l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire (DFT) dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Caen le 4 juin 2021, soit après l'expiration du délai de recours dont il disposait pour contester la décision rejetant sa réclamation préalable présentée le 9 novembre 2020. Il est toutefois constant que l'arrêt de travail pour maladie professionnelle qui lui a été prescrit le 17 décembre 2016 a été prolongé jusqu'au 30 septembre 2023. Il s'ensuit qu'à la date d'introduction de sa requête devant le tribunal administratif, il ne pouvait être regardé comme ayant une connaissance, dans toute son ampleur, de son DFT. En effet, ce préjudice présente un caractère continue et se poursuit tant que son état de santé n'est pas consolidé. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a écarté comme tardives ses conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué comme irrégulier dans cette mesure et d'évoquer ces conclusions.

12. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, M. D... est placé en arrêt de travail à raison d'une maladie reconnue imputable au service depuis plus de sept ans à la date du présent arrêt. Alors même que l'intéressé n'a fait l'objet d'aucune hospitalisation, sa pathologie est à l'origine d'un repli sur soi très invalidant, le coupant de la plupart des relations sociales qu'il entretenait. Elle génère également à la fois une perte de confiance et un sentiment d'injustice. Par suite, le requérant peut prétendre à une indemnité de 300 euros par mois en réparation de ce préjudice. Dans ces conditions, la commune versera à M. D... une somme de 25 200 euros en réparation de ce préjudice évalué à la date du présent arrêt.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

13. Ainsi qu'il a été dit au point 9, l'état de santé de M. D... n'est à ce jour pas consolidé. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à la réparation de ce préjudice.

En ce qui concerne le préjudice moral :

14. Il ressort des rapports d'expertise du docteur B..., psychiatre, que M. D... présente depuis le mois de décembre 2016, un " état dépressif sévère avec une dimension phobique très importante " et que son état, qui ne s'était pas amélioré à la date du 15 septembre 2022, entraîne un repli sur soi rendant toute relation sociale très difficile. Le docteur A..., également psychiatre, a confirmé, le 24 novembre 2017, que les troubles anxieux et dépressifs caractérisés, d'intensité moyenne que présente l'intéressé, et les risques que cette pathologie peut entraîner. Plus de sept ans après son premier arrêt de travail, l'intéressé est toujours placé en arrêt de travail et astreint à un traitement médicamenteux lourd. Par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments, le tribunal administratif a fait une exacte appréciation du préjudice moral subi à ce jour par M. D... en l'évaluant à 4 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice d'agrément et les troubles dans ses conditions d'existence :

15. Par les seuls témoignages qu'il produit, M. D... ne justifie d'aucune activité spécifique et pratiquée de manière régulière, autre que des loisirs courants qu'il partageait avec sa famille et ses amis, et qui serait de nature à justifier l'indemnisation d'un préjudice d'agrément. Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder une indemnisation en réparation de ce préjudice. En outre, s'il sollicite la réparation des troubles qu'il subit dans ses conditions d'existence en raison de sa maladie d'origine professionnelle, ce préjudice est déjà indemnisé, pour la période antérieure à sa consolidation, au titre du déficit fonctionnel temporaire. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Avranches à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de ces deux préjudices.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale et le versement de l'allocation provisionnelle sollicitées, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 4 000 euros la somme que la commune d'Avranches a été condamnée à lui verser. Cette somme doit être portée à 29 200 euros. Pour les mêmes motifs, les conclusions d'appel incident par la commune doivent être rejetées.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation :

17. La somme de 29 200 euros que la commune d'Avranches doit verser à M. D... sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2020, date de réception de sa réclamation préalable. L'intéressé a demandé la capitalisation de ces intérêts devant le tribunal administratif dans sa requête introductive d'instance présentée le 21 janvier 2021. A cette date, une année d'intérêts n'était pas encore due. La capitalisation des intérêts interviendra dès lors le 12 novembre 2021 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Avranches le versement à M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune d'Avranches versera à M. D... est portée à 29 200 euros. Elle portera intérêt au taux légal à compter du 12 novembre 2020 et sera capitalisée à compter du 12 novembre 2021 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Le jugement n° 2100137 du 14 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a rejeté comme tardives les conclusions de M. D... tendant à l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire et réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête, présentées par M. D..., ainsi que les conclusions incidentes présentées par la commune d'Avranches sont rejetés.

Article 4 : La commune d'Avranches versera à M. E... D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la commune d'Avranches.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

-M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00118
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23nt00118 ?
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