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22/03/2024 | FRANCE | N°23NT00104

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 22 mars 2024, 23NT00104


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SASU Assurances Pilliot a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de recette exécutoire n° 5 du 16 janvier 2020 émis à son encontre par la commune des Ponts-de-Cé pour avoir paiement de la somme de 128 593,73 euros.



Par un jugement n° 2002666 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé ce titre exécutoire.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregis

trée le 13 janvier 2023, la commune des Ponts-de-Cé, représentée par Me Meunier, demande à la cour :



1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Assurances Pilliot a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de recette exécutoire n° 5 du 16 janvier 2020 émis à son encontre par la commune des Ponts-de-Cé pour avoir paiement de la somme de 128 593,73 euros.

Par un jugement n° 2002666 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé ce titre exécutoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2023, la commune des Ponts-de-Cé, représentée par Me Meunier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de la SASU Assurances Pilliot ;

3°) de condamner la SASU Assurances Pilliot à lui verser une somme de 128 593,73 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la SASU Assurances Pilliot une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité contractuelle de la SASU Assurances Pilliot peut être recherchée au titre d'une faute, imprudence ou négligence commise dans ses fonctions de mandataire ;

- elle n'a pas transmis à la société CBL Insurance Europe Dac, dans les délais requis, les déclarations de créances de 103 342,72 euros et 14 775,06 euros dont les termes ont été précisés par courrier du 26 novembre 2019 ;

- lorsqu'elle a transmis ses créances au courtier, la société débitrice était " in boni " ; elle l'était au moins jusqu'à la date du 11 décembre 2019 ; aux termes de l'annexe à l'acte d'engagement, il appartenait à la SASU Assurances Pilliot de réceptionner les déclarations de créances et d'en assurer la communication à la société CBL Insurance Europe Dac ;

- la SASU Assurances Pilliot a fait preuve d'une imprudence fautive en lui adressant, moins de six mois avant le prononcé des mesures coercitives à l'encontre de la société CBL Insurance Europe Dac, une correspondance sur la bonne santé financière de l'assureur et sa capacité à honorer ses contrats à terme ;

- la SASU Assurances Pilliot a manqué à son devoir d'information et de conseil dès lors qu'elle ne l'a jamais alertée sur les difficultés rencontrées par cette société et lui a transmis des informations tronquées voire erronées ; elle n'a pas répondu à son courrier du 26 novembre 2019 alors qu'elle était informée des risques de défaillance de la société CBL Insurance Europe Dac ; malgré une relance du 20 décembre 2019, elle ne l'a jamais informée d'une défaillance de la société CBL Insurance Europe à compter du 11 décembre 2019 ;

- la responsabilité extracontractuelle de la SASU Assurances Pilliot est également engagée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2023, la SASU Assurances Pilliot, représentée par Me Deloziere, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la commune des Ponts-de-Cé, à titre subsidiaire, à la réduction du montant du titre exécutoire litigieux et à ce que la cour mette à la charge de celle-ci une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la commune des Ponts-de-Cé ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Meunier, pour la commune des Ponts-de-Cé.

Considérant ce qui suit :

1. La commune des Ponts-de-Cé a conclu, le 20 octobre 2016, avec la société CBL Insurance Europe DAC, dont le siège est situé en Irlande, un contrat d'assurance pour la prise en charge de ses risques statutaires " décès, incapacité de travail et congés particuliers ", pour une durée de quatre ans à compter du 1er janvier 2017. La gestion du contrat a été confiée à la SASU Assurances Pilliot, courtier, en vertu du mandat attribué à celle-ci par l'assureur. Le courtier a informé la commune, le 5 octobre 2018, que ce contrat devait être résilié avec effet au 31 décembre 2018 sur injonction de l'autorité de contrôle irlandaise et, par courrier du 3 janvier 2020, qu'elle n'était plus autorisée à régler les frais en cours liés à ce contrat dès lors que la Banque centrale d'Irlande avait interdit, le 9 décembre 2019, à la société CBL Insurance Europe DAC de poursuivre le règlement des sinistres. Le 16 janvier 2020, le maire de la commune a émis à l'encontre de la SASU Assurances Pilliot un titre de recette exécutoire pour le recouvrement de la somme de 128 593,73 euros correspondant au versement d'indemnités journalières aux agents de la commune pour la période 2018-2020. Sur la demande de la SASU Assurances Pilliot, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 16 novembre 2022 a annulé ce titre. La commune des Ponts-de-Cé fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour contester le jugement attaqué et fonder sa créance, la commune des Ponts-de-Cé se prévaut de fautes commises par la SASU Assurances Pilliot, d'une part, dans la transmission de ses déclarations de sinistre à la société CBL Insurance Europe DAC et, d'autre part, dans son devoir de conseil et d'information.

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. - L'intermédiation en assurance ou en réassurance est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion. (...). Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance (...) / II. - Les dispositions du second alinéa du I ne s'appliquent ni aux entreprises d'assurance et de réassurance, ni aux personnes physiques salariées d'une entreprise d'assurance ou de réassurance (...) / III. - Pour cette activité d'intermédiation, l'employeur ou mandant est civilement responsable, dans les termes de l'article 1242 du code civil, du dommage causé par la faute, l'imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l'application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire. ". En vertu de l'article R. 511-2 du même code, l'activité d'intermédiation en assurance peut être assurée par un courtier d'assurances. Dans le cadre de la conclusion et de l'exécution d'un marché public d'assurance, le courtier se trouve dans la position de mandataire de l'assureur.

4. D'une part, s'il peut être déduit de sa qualité de mandataire qu'il appartenait à la SASU Assurances Pilliot de communiquer à la société CBL Insurance Europe DAC les déclarations de sinistre de la commune des Ponts-de-Cé, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait tardé à le faire s'agissant des créances en litige ni, en tout état de cause, qu'un tel retard aurait fait obstacle à lui seul au versement des indemnités attendues. La seule demande précise dont se prévaut à cet égard la commune résulte d'un courrier du 26 novembre 2019, réitéré le 20 décembre 2019, relatif à des prestations portant sur une période comprise entre les mois de mars 2018 et février 2020. Or, la société CBL Insurance Europe DAC s'est vu interdire dès le 9 décembre 2019, par la Banque centrale d'Irlande, de poursuivre le règlement des sinistres qu'elle couvrait et elle était sous administration judiciaire depuis le 26 février 2018. Dans ces conditions, la commune des Ponts-de-Cé n'établit pas que la SASU Assurances Pilliot aurait commis une faute dans la transmission de ses déclarations de sinistre à la société CBL Insurance Europe DAC.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'en réponse à un courrier de la commune s'inquiétant d'un risque de défaillance de la société CBL Insurance Europe DAC à la suite d'un communiqué de la Banque centrale d'Irlande indiquant que cette société ne pouvait plus souscrire de contrat depuis le 19 février 2018, la SASU Assurances Pilliot a soutenu auprès de la commune que les indemnités seraient payées, les difficultés financières de l'assureur étant présentées comme pouvant être réglées par une réorganisation de son activité. Toutefois, la SASU Assurances Pilliot produit divers documents institutionnels, tels que rapports d'activité, notation financière, certificat, quitus fiscal, de nature à démontrer qu'elle n'avait pas connaissance de la mauvaise santé financière de l'assureur et encore moins de son risque de faillite. La commune des Ponts-de-Cé n'apporte aucune contestation précise sur ce point, si bien que le comportement de la SASU Assurances Pilliot, dont il résulte de l'instruction qu'elle l'a informée en temps utile de l'évolution de la situation de la société CBL Insurance Europe DAC, ne peut être regardé comme fautif. D'ailleurs, il résulte de l'instruction qu'alors que la SASU Assurances Pilliot lui avait notifié la résiliation du contrat à compter du 31 décembre 2018, la commune, par un courrier du 2 octobre 2018, avait elle-même refusé une telle résiliation et souhaité poursuivre le contrat. Dans ces conditions, la commune des Ponts-de-Cé ne saurait soutenir que c'est un défaut de conseil et d'information imputable à la SASU Assurances Pilliot qui serait à l'origine du défaut de versement des indemnités d'assurance dues par la société CBL Insurance Europe DAC.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune des Ponts-de-Cé n'établit pas que la SASU Assurances Pilliot aurait commis une faute sur laquelle elle pourrait fonder sa créance. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé le titre exécutoire n°5, bordereau n°2, exercice 2020, budget n°40000 du 16 janvier 2020 pour avoir paiement de la somme de 128 593,73 euros au motif que l'obligation de payer cette somme était dépourvue de tout fondement. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué, de rejet de la demande de la SASU Assurances Pilliot et de condamnation de celle-ci à lui verser une somme de 128 593,73 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les conclusions présentées par la commune des Ponts-de-Cé au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors qu'elle a la qualité de partie perdante.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune des Ponts-de-Cé une somme de 1 500 euros, à verser à la SASU Assurances Pilliot, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune des Ponts-de-Cé est rejetée.

Article 2 : La commune des Ponts-de-Cé versera une somme de 1 500 euros à la SASU Assurances Pilliot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Assurances Pilliot et à la commune des Ponts-de-Cé.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00104
Date de la décision : 22/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : DECOSTER CORRET DELOZIERE LECLERCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-22;23nt00104 ?
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