Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 juillet 2020 par laquelle le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2105987 du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2023 et un mémoire enregistré le 20 décembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Chaumette demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision prise par le Préfet de la Sarthe le 15 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au Préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte fixée à 75 euros par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au Préfet de la Sarthe de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du Code de la Justice Administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de répondre aux moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, du défaut de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen de sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- le signataire de la décision n'est pas compétent ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen ;
- il revient à l'administration de démontrer le caractère frauduleux des actes d'état civil produits à l'occasion d'une demande de délivrance d'un titre de séjour ; les constatations du tribunal correctionnel du 24 mars 2017 s'imposent à l'autorité administrative ; l'acte de naissance produit est exact ; la légalisation de l'acte n'est pas nécessaire ; la fiabilité des tests osseux n'est pas avérée ; s'agissant du fichier Visabio, celui-ci a été consulté par un agent qui n'était pas compétent, ce fichier ne présente pas de caractère probant à lui seul pour déterminer la majorité ;
- la décision méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions du 7° de l'article L.313-11 et des articles L. 313-14 et L. 313-15 du même code ;
- la décision viole le droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 31 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense en date du 30 novembre 2023, le préfet de la Sarthe Loire- Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
Par décision du 13 décembre 2023, M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville, rapporteur ;
- et les observations de Me Chaumette représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., se disant ressortissant de la République démocratique du Congo et être né le 11 novembre 1999, indique être entré en France le 10 février 2016. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Sarthe puis a été confié sous tutelle à ce même département. Par un arrêté du 9 février 2017, le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 1701298 du 13 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête formée contre cet arrêté. Le 5 avril 2017, le préfet de la Sarthe a néanmoins retiré l'arrêté du 13 février 2017 au motif que le tribunal correctionnel du Mans s'était déclaré incompétent pour statuer sur les faits de faux et usage de faux documents administratifs dont il était saisi à l'encontre de M. B.... L'intéressé a sollicité auprès du préfet de la Sarthe la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 6° ou du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 de ce code. Par une décision du 15 juillet 2020, le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B.... Le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement du 21 juillet 2023, rejeté la requête tendant à l'annulation de cette décision. M. B... demande à la cour d'annuler ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi que le soutient M. B..., les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés d'une part de ce que la décision attaquée a été signée par une autorité compétente et, d'autre part, qu'elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, qu'ils ont pourtant visés et qui n'étaient pas inopérants. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé comme entaché de l'omission d'examiner ces moyens, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres irrégularités invoquées à l'encontre de ce jugement.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B... sur les fondements demandés, le préfet de la Sarthe s'est fondé sur l'unique motif tiré de ce que l'intéressé ne justifie pas de son état civil, en méconnaissance de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. D'une part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. D'autre part, l'autorité de la chose jugée dont sont revêtues les décisions devenues définitives des juges répressifs qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans la décision juridictionnelle et qui sont le support nécessaire du dispositif.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 24 mars 2017, le tribunal correctionnel s'est déclaré incompétent pour se prononcer notamment sur des faits de détention frauduleuse de faux documents administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation et usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation. Si ce jugement ne précise par le motif pour lequel cette incompétence a été déclarée, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision de retrait du 5 avril 2017 que l'incompétence du tribunal a été retenue au motif qu'il n'était pas établi que la copie intégrale de l'acte de naissance non légalisée présentée serait un faux. Cependant, et ce faisant, ce jugement pénal n'est pas de nature à démontrer ou à infirmer cette minorité.
8. Cependant, pour justifier de son identité, M. B... a également produit une copie intégrale d'acte de naissance délivrée par le service de l'état-civil de la commune de Lingwala de la ville de Kinshasa de laquelle il ressort qu'il est né le 11 novembre 1999. L'incohérence entre le numéro du volume du registre d'état-civil et le numéro d'acte de naissance, relevée par les services de la police aux frontières n'est pas de nature à établir que les informations mentionnées dans cet acte de naissance seraient erronées alors que le requérant fait valoir que ce document a été légalisé. Par ailleurs, si M. B... ne conteste pas qu'il a obtenu la délivrance d'un visa le 27 octobre 2015 auprès des autorités consulaires italiennes à Kinshasa en présentant un passeport selon lequel il serait né le 11 novembre 1988, soit une date de naissance différente de celle figurant sur l'acte de naissance susmentionné et sur le passeport délivré le 19 septembre 2019, il fait valoir que ce visa a été obtenu à la demande et au vu des informations délivrées par un passeur. Dans ces conditions, et alors que la fiabilité des tests osseux est discutable ou à tout le moins comporte une marge d'erreur non négligeable dans laquelle se situe l'âge allégué de M. B... et qu'au demeurant, l'analyse pratiquée le 3 février 2017 sur M. B... avait été écartée comme non probante, le préfet de la Sarthe, a, compte tenu de l'ensemble de ces éléments commis une erreur d'appréciation en estimant que M. B... ne justifiait pas de son état civil pour refuser de lui délivrer, pour ce seul motif, un titre de séjour.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du 15 juillet 2020 du préfet de la Loire-Atlantique et ce sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.
Sur l'injonction :
10. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Sarthe de réexaminer la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois suivant la mise à disposition du présent arrêt. Il y a également d'enjoindre au préfet de munir M. B... d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours suivant la mise à disposition du présent arrêt.
Sur les frais de justice :
11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme 1500 euros à verser au conseil de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2105987 du 21 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 15 juillet 2020 du préfet de la Sarthe sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois suivant la mise à disposition du présent arrêt et de munir M. B... d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours suivant la mise à disposition du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chaumette une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié, à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT02377 2