La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°23NT02101

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 19 mars 2024, 23NT02101


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Guilguiffin a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2018.



Par un jugement n° 2104087 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 12 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 21 décembre 2023, la SARL Guil

guiffin, représentée par Me Message demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :



1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Guilguiffin a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 2104087 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 21 décembre 2023, la SARL Guilguiffin, représentée par Me Message demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 mai 2023 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation impôt sur les sociétés d'un montant de 665 885 euros acquittée au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2018 ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de Justice administrative au titre des frais de justice ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que :

- l'EURL exerçait une activité commerciale de mise à disposition du château du Guilguiffin antérieurement au décès de M. A..., laquelle a cessé à son décès ;

- la transformation de la société, initialement constituée sous forme d'EURL, en SARL emporte cessation d'activité en raison du changement de régime fiscal, qui constitue le fait générateur de l'imposition de la plus-value latente au titre de l'exercice clos de l'EURL le 31 mars 2018 ; c'est le sens de la doctrine administrative BOI BIC CESS 10-20-30 n° 1 et n° 30, n° 320 et 330 en vigueur au titre de l'exercice en litige ;

- les premiers juges ont méconnu les dispositions légales et la doctrine administrative qui les commente en affirmant que la transformation de la société initialement créée sous forme de SARL ne s'analyse pas en une cessation d'activité de telle sorte que les plus-values latentes n'avaient pas à être imposées au titre de l'exercice clos le 31 mars 2018 ;

- la plus-value de cession devait être déterminée à partir de la valeur réévaluée dans le bilan d'ouverture de la société au 1er avril 2018 et non à partir de la valeur historique comptable ; afin de remédier à une situation de double imposition, elle a déposé une déclaration n° 2065 rectificative dans laquelle la plus-value résultant de la cession du château de Guilguiffin a été recalculée à partir d'un prix de revient égal à la valeur réelle de l'actif au jour de la clôture de l'exercice de la société de l'EURL au 1er avril 2018 ;

- elle a commis une erreur comptable de bonne foi et n'a pas pris de décision de gestion qui lui serait opposable ; l'interprétation de l'administration est contraire à la doctrine BOI-BIC-BASE-40-10.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 4 janvier 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Klein, substituant Me Message, représentant la SARL Guilguiffin.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Guilguiffin dont M. C... A... était l'associé unique exerçait une activité de location de terrains et d'autres biens immobiliers ainsi qu'une activité para-hôtelière et relevait du régime d'imposition des sociétés de personnes. Le 15 décembre 2018, la vente du château du Guilguiffin inscrit à l'actif de l'EURL sis à Landudec (Finistère) a été conclue pour un prix total de 2 146 790 euros. Postérieurement au décès de M. C... A... survenu le 1er avril 2018, les parts de l'EURL Guilguiffin ont été transmises à l'indivision successorale composée de Mme D... et des trois enfants de M. C... A..., ce qui a transformé l'EURL en SARL relevant de l'imposition à l'impôt sur les sociétés. Le 14 mai 2019 ont été déposées, par la SARL Guilguiffin, d'une part, une déclaration de résultat pour l'exercice clos le 31 mars 2018 faisant état d'un résultat déficitaire sans déclaration d'une plus-value, et mentionnant une valeur brute des immobilisations inscrites à l'actif social à l'ouverture et la clôture de l'exercice d'un montant de 699 162 euros, d'autre part, une déclaration de résultat imposable à l'impôt sur les sociétés pour un exercice clos le 1er avril 2018 constatant un résultat nul et mentionnant une valeur brute des immobilisations inscrites à l'actif social à l'ouverture et la clôture de l'exercice d'un montant de 699 162 euros et une déclaration d'impôt sur le revenu pour l'année 2018, établie au nom de M. A... C... ou Mme A... B..., faisant état d'un bénéfice industriel et commercial d'un montant de 504 256 euros et mentionnant une plus-value à long terme imposable de 103 029 euros, au titre de l'exercice clos le 31 mars 2018 ainsi qu'un bénéfice industriel et commercial de 89 253 euros afférent à l'EURL Château du Guilguiffin pour une clôture d'exercice à la même date. Le 15 mai 2019, la SARL Guilguiffin a déposé une déclaration de résultat pour la période du 2 avril 2018 au 31 décembre 2018 mentionnant un résultat taxable résultant de la réalisation d'une plus-value à court terme. La SARL Guilguiffin a présenté une réclamation tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés acquitté au titre de l'exercice qui a couru du 2 avril 1988 au 31 décembre 2018 pour un montant de 665 885 euros accompagnée d'une déclaration rectificative pour la période du 1er janvier 2018 au 31 mars 2018 mentionnant un bénéfice imposable au nom de M. C... A... de 415 003 euros, une plus-value exonérée de 1 357 398 euros, ainsi qu'une plus-value à long terme imposable au taux de 12,8 % de 103 029 euros. Était également jointe une déclaration rectificative de la SARL Guilguiffin pour un exercice allant du 2 avril 2018 au 31 décembre 2018 faisant état d'un déficit de 29 473 euros et constatant une absence de plus-value pour une valeur brute des immobilisations inscrites à l'actif social à l'ouverture de l'exercice de 2 797 439 euros. Par un jugement du 17 mai 2023, le tribunal de Rennes a rejeté la demande de la SARL Guilguiffin tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés acquitté au titre de l'année 2018 pour un montant de 665 885 euros. La société relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, l'article 8 du code général des impôts prévoit que, à moins d'une option en faveur de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, est assujetti à l'impôt sur le revenu, pour les bénéfices qu'il en retire, l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique.

3. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 210-6 du code de commerce, reprenant celles de l'article 1844-3 du code civil, la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Aux termes de l'article 1870 du code civil : " La société n'est pas dissoute par le décès d'un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu'ils doivent être agréés par les associés. Il peut toutefois être convenu que ce décès entraînera la dissolution de la société ou que celle-ci continuera avec les seuls associés survivants. Il peut également être convenu que la société continuera soit avec le conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne désignée par les statuts ou, si ceux-ci l'autorisent, par disposition testamentaire.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 201 du code général des impôts : " 1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale, minière ou agricole, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi (...), 4. Les dispositions du présent article sont applicables dans le cas de décès de l'exploitant. Dans ce cas, les ayants droit du défunt doivent produire les renseignements nécessaires pour l'établissement de l'impôt dans les six mois de la date du décès. ". Aux termes de l'article 202 ter du code général des impôts : " I. L'impôt sur le revenu est établi dans les conditions prévues aux articles 201 et 202 lorsque les sociétés ou organismes placés sous le régime des sociétés de personnes défini aux articles 8 à 8 ter cessent totalement ou partiellement d'être soumis à ce régime ou s'ils changent leur objet social ou leur activité réelle ou lorsque les personnes morales mentionnées aux articles 238 ter, 239 quater A, 239 quater B, 239 quater C, 239 quater D, 239 septies et au paragraphe I des articles 239 quater et 239 quinquies deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés. / Toutefois en l'absence de création d'une personne morale nouvelle, les bénéfices en sursis d'imposition, les plus-values latentes incluses dans l'actif social et les profits non encore imposés sur les stocks ne font pas l'objet d'une imposition immédiate à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux écritures comptables et que l'imposition desdits bénéfices, plus-values et profits demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société ou à l'organisme concerné. / (...) ".

5. D'une part, en application des dispositions combinées rappelées au points 2 à 4, ni le décès de M. C... A..., ni le changement du régime fiscal en raison de la transformation de l'EURL Guilguifin en SARL Guilguifin n'ont entrainé, en l'absence de toute clause civile le prévoyant, la dissolution de la société qui a continué, ainsi que cela résulte de l'instruction, de plein droit la même activité entre les mains des héritiers.

6. D'autre part, les dispositions du II de l'article 202 ter du code général des impôts rappelées au point 4 posent le principe de l'imposition immédiate des revenus et des plus-values à la date du changement du régime d'imposition mais laissent en ce qui concerne les plus-values latentes afférentes aux biens compris dans le patrimoine social le choix entre leur imposition immédiate ou leur inscription des biens concernés au bilan d'ouverture de leur première période d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés pour leur valeur d'origine, en faisant apparaître, d'une part, cette valeur et, d'autre part, les amortissements et provisions qui auraient pu être déduits si l'entreprise avait été soumise à cet impôt depuis leur acquisition. Il résulte de l'instruction que les déclarations modèles n° 2031 et 2065 déposées le 14 mai 2019 font état d'une absence de modification de l'actif social de la société, d'une même valeur brute des immobilisations pour un montant de 699 162 euros, d'un même montant des amortissements déjà pratiqués et n'ont pas constaté de plus-value, la plus-value de cession de l'immeuble ayant été seulement constatée dans la déclaration modèle n° 2065 déposée le 15 mai 2019 au titre de l'exercice clôture au 31 décembre 2018. Ainsi, les éléments contenus dans ces déclarations matérialisent la poursuite de l'activité de la société sous une autre forme juridique et des décisions de gestion prises dans le cadre de l'option opérée pour l'application des dispositions de l'article 202 ter du code général des impôts consistant à n'effectuer aucune modification de ses écritures comptables à la date du changement de son régime fiscal d'imposition, l'allégation selon laquelle cette situation résulterait d'une mésentente entre les héritiers n'étant pas opposable à l'administration. Par ailleurs, la circonstance que la déclaration d'imposition à impôt sur le revenu de M. et Mme A... pour l'année 2018 mentionne une plus-value à long terme n'est pas, à elle seule, de nature à établir la réévaluation de l'actif détenue par l'EURL Guilguiffin au 31 mars 2018. Par suite, en l'absence d'une simple erreur comptable, c'est à bon droit que l'administration a constaté au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2018 une plus-value de court terme de 2 101 025 euros pour une valeur brute des immobilisations inscrites à l'actif social à l'ouverture de l'exercice le 2 avril 2018 de 699 162 euros et mis à la charge de la SARL Guilguiffin la somme de 665 885 euros au titre de l'imposition à l'impôt sur les sociétés.

En ce qui concerne l'application de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Aux termes des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales applicables aux litiges relatifs à une imposition primitive : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".

8. La réponse au député Rochebloine (JO AN 17 avril 1989 p. 1760 n° 6583), les points 320 et 330 du bulletin officiel des finances publiques-impôts publié sous l'identifiant BOI-BIC-CESS-10-20-40 et le point 20 du bulletin officiel des finances publiques-impôts publié sous l'identifiant BOI-BIC-BASE-40-10 dont, au demeurant, il n'est pas établi que la SARL Guilguiffin a fait application antérieurement à l'imposition en litige, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale dérogeant à l'application qui en est fait par le présent arrêt. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à les invoquer.

9. Il résulte de ce tout qui précède que la SARL Guilguiffin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser à la SARL Guilguiffin la somme qu'elle réclame au titre des frais de justice.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Guilguiffin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Guilguiffin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0210102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02101
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23nt02101 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award