Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2301944 du 7 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juin 2023, M. A... C..., représenté par Me Roulleau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Quillevéré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant syrien né le 20 mars 1961, déclare être entré irrégulièrement en France le 1er mars 2022 et a sollicité son admission au statut de réfugié le 21 mars suivant. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 août 2022, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 3 janvier 2023. Par un arrêté du 9 janvier 2023, le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. A... C... relève appel du jugement du 29 juin 2023 la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. M. A... C... soutient qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique complexe pour lequel il bénéfice d'un suivi médical et d'un traitement médicamenteux en France. Il produit d'une part, plusieurs certificats médicaux, une attestation médicale et une ordonnance du 28 juin 2023 d'une psychiatre qui sont peu circonstanciés, et, d'autre part, un certificat du 28 juin 2023 établi par un docteur du centre hospitalier universitaire d'Angers selon lequel M. A... C... souffre effectivement d'un syndrome dépressif post-traumatique nécessitant un traitement continu ainsi qu'un compte rendu d'examen clinique du 7 septembre 2023 et une ordonnance du 23 juin 2023 qui sont postérieurs à l'arrêté contesté. L'ensemble de ces éléments ne suffit cependant pas à établir que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles anxiodépressifs dont souffre M. A... C... peuvent être imputés à des expériences traumatiques dont il aurait été victime en Syrie et qui rendraient de ce fait inefficace tout traitement médical qui pourrait lui être administré dans ce pays. Par suite, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
4. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, si M. A... C..., qui fait état de risques encourus en cas de retour en Syrie en raison de son opposition notoire au régime en place, a vu sa demande d'asile rejetée par l'OFPRA puis par la Cour nationale du droit d'asile, en raison notamment de ce que, selon cette dernière, " au vu de son absence de responsabilité et de visibilité politique, il est apparu peu vraisemblable que l'intéressé ait été personnellement ciblé par des opposants politiques ", et qu'il " n'a pas su exprimer la nature et l'actualité de ses craintes à cet égard ", M. A... C... produit pour la première fois en appel un jugement rendu le 16 mars 2023 par un juge militaire de Damas, le condamnant à une peine de cinq ans d'emprisonnement, notamment parce qu'il a été reconnu coupable de " création d'association secrète, organisation de réunions illégales afin de changer l'entité politique de l'Etat, diffusion de nouvelles mensongères dans le but de démoraliser la nation et d'affaiblir le sentiment nationaliste ". Dès lors, au regard de ces éléments, l'intéressé, identifié comme un opposant politique, est exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Syrie. Il suit de là que M. A... C... est fondé à soutenir que la décision fixant la Syrie comme pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision doit, par suite, être annulée.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision fixant la Syrie comme pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'annulation de la décision fixant le pays de destination n'impliquant pas nécessairement de mesure d'exécution, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. A... C... à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... C... qui n'est pas pour l'essentiel la partie gagnante, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 juin 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M A... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2023 du préfet de Maine-et-Loire fixant la Syrie comme pays de destination.
Article 2 : L'arrêté du 9 janvier 2023 du préfet de Maine-et-Loire fixant la Syrie comme pays de destination est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de la chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
Le président-rapporteur,
G. QUILLÉVÉRÉ
Le président-assesseur,
J. E. GEFFRAY
La greffière,
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT019662