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19/03/2024 | FRANCE | N°23NT00846

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 19 mars 2024, 23NT00846


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Groupe Polyclinique du Parc a demandé au tribunal administratif de Nantes d'admettre en réduction de son résultat au titre de l'exercice clos en 2014 un déficit complémentaire de 237 692 euros et de prononcer la décharge des majorations correspondant au rehaussement prononcé dans cette mesure au titre de ce même exercice ainsi que des amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts au titre de cet exercice.

Par un jugement n° 2001220 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Groupe Polyclinique du Parc a demandé au tribunal administratif de Nantes d'admettre en réduction de son résultat au titre de l'exercice clos en 2014 un déficit complémentaire de 237 692 euros et de prononcer la décharge des majorations correspondant au rehaussement prononcé dans cette mesure au titre de ce même exercice ainsi que des amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts au titre de cet exercice.

Par un jugement n° 2001220 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté, pour irrecevabilité, ses conclusions aux fins de réduction de ces majorations et, au fond, le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 mars et le 28 octobre 2023, la SA Groupe Polyclinique du Parc, représentée par Me Daniel-Thézard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté au fond le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des amendes mises à sa charge, d'un montant de 282 455 euros, pour non-présentation du registre des plus-values sur éléments non-amortissables et pour manquement à la tenue de l'état de suivi des plus-values ;

3°) d'annuler les rectifications d'impôt sur les sociétés prononcées au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014 ;

4°) subsidiairement, de poser à la Cour de Justice de l'Union Européenne la question préjudicielle suivante : " L'obligation, prévue par le droit français aux fins de bénéficier du régime de faveur de sursis d'imposition en cas de fusion, de scission ou d'apport partiel d'actif suite à la transposition de la directive 2009/133/CE, de tenue d'un état de suivi des plus-values en sursis d'imposition et d'un registre des plus-values en sursis d'imposition ou en report d'imposition sur les biens non amortissables est-elle conforme au droit de l'Union Européenne, compte tenu des sanctions applicables, à savoir une amende de 5% des résultats omis pour chaque manquement du contribuable aux obligations de suivi ci-avant ' " ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle était fondée à déduire de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2014 les frais liés à la restructuration exposés par la société Holding Polyclinique du Parc, dans la mesure où elle en a supporté la charge définitive ;

- les amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts, à raison de l'absence de présentation des éléments prévus par l'article 54 septies du même code sont inconstitutionnelles : il existe une disproportion entre le montant des amendes et l'avantage résultant du manquement ; le montant des amendes n'est pas plafonné ni modulable en fonction du risque de déperdition fiscale ; l'article 1763 du code général des impôts, applicable aux années du litige, ne prend pas en compte l'élément intentionnel du manquement ; ces amendes conduisent à une discrimination à rebours prohibée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ;

- les amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts, à raison de l'absence de présentation des éléments prévus par l'article 54 septies du même code, méconnaissent l'article 4 de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 et la directive 90/434/CEE du Conseil, selon lesquels une opération de fusion ne doit pas constituer, directement ou indirectement, un fait générateur d'imposition ; elles méconnaissent également le principe de proportionnalité consacré par le droit de l'Union européenne ainsi que le principe non bis in idem reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les principes généraux du droit de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, et un mémoire enregistré le 29 novembre 2023, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct du 10 novembre 2023, la SA Groupe Polyclinique du Parc a demandé, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État la question de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 54 septies et 1763 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à la date des rectifications appliquées par l'administration.

Par une ordonnance du 11 janvier 2024, cette demande de transmission a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupe Polyclinique du Parc, qui exploite deux établissements de santé à Cholet (Maine-et-Loire), a procédé, au cours de l'année 2014, à une opération de restructuration afin de séparer la gestion opérationnelle de son activité de celle de son patrimoine immobilier. Dans ce cadre, la société anonyme (SA) Holding Polyclinique du Parc a, le 31 mars 2014, d'une part, apporté à la société par actions simplifiée (SAS) Chauvelière l'essentiel des titres qu'elle détenait au capital de la société civile immobilière (SCI) Polyclinique du Parc et, d'autre part, été absorbée par la SA Polyclinique du Parc dans le cadre d'une opération de fusion-absorption prenant effet rétroactivement à compter du 1er octobre 2013. Cette dernière société, devenue la SA Groupe Polyclinique du Parc, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment remis en cause la déduction des frais exposés pour la réalisation de l'opération de restructuration à laquelle la société a procédé au titre de l'exercice clos en 2014. A cette occasion, le service a également estimé que la société avait manqué à ses obligations déclaratives au regard de l'article 54 septies du code général des impôts, faute d'avoir produit, au titre de l'ensemble de la période vérifiée, l'état de suivi des sursis et reports d'imposition et le registre des plus-values sur éléments non amortissables prévus par ces dispositions. Elle lui a, par suite, notifié, par deux propositions de rectification des 18 décembre 2017 et 27 février 2018, d'une part, des rehaussements de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2014 ainsi que, par conséquent, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts au titre de l'exercice clos en 2014, et, d'autre part, l'amende prévue par l'article 1763 de ce code au titre de la période du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2016. A la suite du recours hiérarchique formé par la SA Groupe Polyclinique du Parc, de l'intervention de l'interlocuteur interdépartemental et de la décision d'acceptation partielle de la réclamation préalable de l'intéressée du 27 novembre 2019, l'administration fiscale a limité à la somme de 270 364 euros le rehaussement du résultat de la société au titre de l'exercice clos en 2014, la conduisant à tenir compte d'un résultat déficitaire à hauteur de 171 763 euros, et par conséquent, à abandonner les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les majorations initialement mises à sa charge, et a limité l'application de l'amende prévue par l'article 1763 du code général des impôts à la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014. La SA Groupe Polyclinique du Parc a demandé au tribunal administratif de Nantes d'admettre en réduction de son résultat au titre de l'exercice clos en 2014 un déficit complémentaire de 237 692 euros et de prononcer la décharge des majorations correspondant au rehaussement prononcé dans cette mesure au titre de ce même exercice ainsi que des amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts au titre de cet exercice. Par un jugement du 27 janvier 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions aux fins de décharge des majorations et a rejeté au fond le surplus de sa demande. La SA Groupe Polyclinique du Parc relève appel du jugement du 27 janvier 2023 en tant qu'il a rejeté au fond le surplus de sa demande.

Sur le résultat de l'exercice clos en 2014 :

2. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " (...) II. - 1. En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs, les charges financières nettes non déduites mentionnées au 1 du VIII de l'article 212 bis et la capacité de déduction inemployée mentionnée au 2 du même VIII par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I du présent article et aux 1 et 2 du VIII de l'article 212 bis. (...) ". Aux termes de l'article 1649 nonies du même code : " I. - Nonobstant toute disposition contraire, les agréments auxquels est subordonné l'octroi d'avantages fiscaux prévus par la loi sont délivrés par le ministre chargé du budget. Sauf disposition expresse contraire, toute demande d'agrément auquel est subordonnée l'application d'un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motive. ".

3. Il résulte de l'instruction qu'au titre de l'exercice clos en 2014, la SA Groupe Polyclinique du Parc a déduit extra-comptablement de son résultat une somme de 237 692 euros correspondant, selon elle, à des frais exposés pour le compte de la SA Holding Polyclinique du Parc dans le cadre de la restructuration du groupe, et qui n'auraient pu lui être refacturés à raison de l'opération de fusion-absorption intervenue au cours de cet exercice. Toutefois, d'une part, il est constant que la SA Groupe Polyclinique du Parc n'a pas obtenu, préalablement à l'opération de fusion-absorption en cause, la délivrance de l'agrément prévu par l'article 1649 nonies du code général des impôts. D'autre part, les dépenses en cause correspondent à des factures comptabilisées antérieurement à l'exercice clos en 2014 et ne pouvaient en application du principe de spécialité des exercices être portées en déduction du résultat de l'intéressée au titre de l'exercice clos en 2014. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme en cause de 237 692 euros dans le résultat de la SA Groupe Polyclinique du Parc au titre de l'exercice clos en 2014.

Sur l'application de l'amende prévue par l'article 1763 du code général des impôts :

4. Aux termes de l'article 54 septies du code général des impôts : " I. - Les entreprises placées sous l'un des régimes prévus par (...) les articles (...) 210 A, 210 B (...) du présent code doivent joindre à leur déclaration de résultat un état conforme au modèle fourni par l'administration faisant apparaître, pour chaque nature d'élément, les renseignements nécessaires au calcul du résultat imposable de la cession ultérieure des éléments considérés (...) / II. - Les plus-values dégagées sur des éléments d'actif non amortissables à l'occasion d'opérations d'échange, de cessions, de fusion, d'apport, de scission, de transformation et dont l'imposition a été reportée, par application des dispositions (...) des articles (...) 210 A, 210 B (...) sont portées sur un registre tenu par l'entreprise qui a inscrit ces biens à l'actif de son bilan. (...) ". Aux termes de l'article 1763 du même code : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 5 % des sommes omises le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet des documents suivants : (...) / d. Registre mentionné au II de l'article 54 septies ; / e. Etat prévu (...) au I de l'article 54 septies (...) au titre de l'exercice au cours duquel est réalisée l'opération visée par ces dispositions ou au titre des exercices ultérieurs (...) ".

5. En premier lieu, l'administration fiscale a mis à la charge de la SA Groupe Polyclinique du Parc l'amende prévue par l'article 1763 du code général des impôts au titre de l'exercice clos en 2014, aux motifs que l'intéressée n'a pas joint à sa déclaration de résultat de cet exercice, au cours duquel l'opération de fusion-absorption est intervenue, l'état de suivi prévu au I de l'article 54 septies du code général des impôts, et qu'elle n'a, par ailleurs, pas porté les plus-values dégagées sur des éléments d'actif non amortissables à l'occasion de l'opération de fusion sur le registre prévu au II de ce même article 54 septies. La société requérante ne conteste pas davantage en appel qu'en première instance les manquements ainsi retenus à son encontre et fondant les amendes en litige. Par ailleurs, la SA Groupe Polyclinique du Parc ayant été sanctionnée sur le fondement de la loi, elle ne saurait utilement alléguer, sans respecter à ce titre les formes prévues pour une question prioritaire de constitutionnalité, que cette amende conduirait à une discrimination à rebours prohibée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les autres moyens d'inconstitutionnalité présentés par la société requérante, dans un mémoire distinct, à l'encontre des dispositions des articles 54 septies et 1763 du code général des impôts, ayant été examinés par l'ordonnance visée ci-dessus du 11 janvier 2024, refusant de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

6. En deuxième lieu, l'opération de fusion dont procède la plus-value litigieuse étant une opération de fusion interne, qui concernait deux sociétés françaises, la société requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par les dispositions des articles 54 septies et 1763 du code général des impôts, qui ne constituent pas des mesures de transposition de cette directive, de l'impératif de neutralité fiscale résultant de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009, qui régit les opérations intéressant des sociétés d'Etats membres différents, lesquelles sont seules susceptibles d'entrer dans le champ de la directive. De même, le principe de proportionnalité, issu du droit de l'Union européenne, ne trouvant à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique en cause est régie par le droit de l'Union européenne, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe doit être écarté comme inopérant.

7. En troisième lieu, la société requérante invoque le principe " non bis in idem " et soutient que deux amendes lui ont été infligées à raison des mêmes faits. Toutefois, il résulte de l'instruction et il est constant que les amendes mises à sa charge sur le fondement de l'article 1763 du code général des impôts sanctionnent des obligations déclaratives différentes tenant, d'une part, au défaut de production de l'état de suivi des sursis et reports d'imposition prévu au d du I de l'article 1763 du code général des impôts et, d'autre part, au défaut de tenue du registre des plus-values sur éléments d'actif non amortissables prévue au e du I du même article.

8. Enfin, il n'est pas besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la question préjudicielle suggérée par la société requérante n'est pas pertinente pour trancher le présent litige, qui ne porte pas sur la mise en œuvre de dispositions du droit de l'Union européenne.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Groupe Polyclinique du Parc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a refusé de faire droit à sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Groupe Polyclinique du Parc est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Groupe Polyclinique du Parc et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

O. COUVERT-CASTÉRA

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 23NT008462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00846
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL DANIEL-THEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23nt00846 ?
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