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27/02/2024 | FRANCE | N°23NT01926

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 27 février 2024, 23NT01926


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2210196 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 27 juin 2023, M. B... C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2210196 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2023, M. B... C..., représenté par

Me Le Roy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile ; la fiche pays sur laquelle s'est appuyé le préfet est obsolète et la pathologie dont il souffre n'y est pas mentionnée et indique que les états de stress post traumatiques ne sont pas pris en charge au Cameroun ; la fiche Medcoi ne permet d'établir qu'il pourrait effectivement bénéficier des soins nécessités par son état de santé ; le traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine et le préfet ne rapporte pas la preuve du caractère substituable par d'autres molécules ;

- la décision porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense en date du 14 novembre 2023, le préfet de la

Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... C... n'est fondé.

M. B... C... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville ;

- et les observations de Me Le Roy représentant M. B... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant camerounais, né le 30 décembre 2000, a déclaré être entré irrégulièrement en France en 2016. Après avoir été pris en charge par le département de la Loire-Atlantique au titre de l'aide sociale à l'enfance, il a sollicité le 22 février 2021 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 23 mars 2022 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, le préfet de ce département a rejeté sa demande. Par un jugement du 5 avril 2023, dont M. B... C... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2022.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour qu'elles prévoient, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut également refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptées, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... présente des troubles anxieux et schizophréniques, résultant d'un syndrome post-traumatique en lien avec son parcours migratoire et a fait l'objet de trois internements en service psychiatrique au CHU de Nantes.

Il a bénéficié d'un traitement par Haldol, auquel a été substitué depuis mai 2020 un traitement par Abilify, sous forme d'injections toutes les quatre semaines.

6. L'appelant soutient que la fiche pays sur l'état sanitaire de son pays d'origine sur laquelle s'est fondé le préfet de la Loire-Atlantique est obsolète dans la mesure où la pathologie dont il souffre n'y est pas mentionnée. Il ajoute que les états de stress post-traumatiques ne sont pas pris en charge au Cameroun et que la fiche Medcoi produite par le préfet ne permet pas d'établir qu'il pourrait effectivement bénéficier des soins nécessités par son état de santé.

7. Si le requérant se prévaut d'articles émanant d'un site internet pointant le manque de psychiatres en activité au Cameroun, le préfet de la Loire-Atlantique a produit en défense la fiche pays datant de 2006 et une fiche Medcoi de la même année établissant que les troubles mentaux et du comportement sont pris en charge au Cameroun et que, en particulier, l'hôpital central de Yaoundé dispose de plusieurs services spécialisés dans la prise en charge de ces pathologies, d'une pharmacie et d'un laboratoire. S'il soutient que les informations mentionnées sur la fiche pays seraient obsolètes eu égard à l'ancienneté de cette fiche, il ne le démontre pas en se prévalant seulement d'un rapport IGA/IGAS de mars 2013 sur l'admission au séjour des étrangers malades et d'articles de presse sur l'état général de la psychiatrie au Cameroun.

Enfin, si la fiche pays mentionne que la prise en charge spécialisée des troubles mentaux et du comportement n'est pas assurée notamment pour les syndromes de stress post-traumatiques, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le requérant fait l'objet d'une prise en charge et d'un suivi régulier par un spécialiste pour un tel syndrome alors que M. B... C... établit s'être rendu à seulement quelques rendez-vous au centre médico-psychologique Jules Verne de Nantes et que les attestations médicales dont il se prévaut n'abordent aucunement la nécessité d'un suivi spécialisé.

8. Ensuite, le préfet de la Loire-Atlantique verse à l'instance la liste nationale des médicaments et produits pharmaceutiques essentiels du Cameroun, établie en 2017, dont il ressort que plusieurs médicaments antipsychotiques sont disponibles dans ce pays, notamment le Rispéridone et l'Haldol. Si l'appelant se prévaut d'attestations postérieures à la décision attaquée de laboratoires pharmaceutiques établis en France, lesquels se bornent à affirmer qu'ils ne commercialisent pas leurs produits à destination du Cameroun, il ne démontre pas que les médicaments nécessités par son état de santé n'y seraient pas disponibles. Par ailleurs, l'attestation du docteur A... du 23 mai 2023 faisant état de ce que le traitement par Abilify constitue le meilleur traitement pour M B... C... n'est pas de nature à établir l'absence d'un traitement approprié au Cameroun. M. B... C... n'est, dès lors pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... résidait depuis six ans sur le territoire français et qu'il était célibataire et sans enfant à charge à la date de l'arrêté contesté. Les attestations produites, émanant notamment de l'association " Solidarité Estuaire " pour laquelle il est bénévole, et de personnes faisant état de son caractère sociable, ne permettent pas d'établir que le requérant aurait noué sur le territoire national des liens particulièrement intenses, anciens et stables. Il n'établit pas davantage être dépourvu de toute attache familiale au Cameroun, où résident encore, selon ses propres déclarations, ses parents, un frère et une sœur. Il ne justifie enfin d'aucune intégration socio-professionnelle en France. Par suite, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... C... au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2022. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié, à M. D... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 9 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Penhoat premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

J.E. GEFFRAY

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0192602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01926
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : LE ROY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;23nt01926 ?
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