Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Par une demande, enregistrée le 13 décembre 2021, sous le n°2110214, Mme K... B... U... et M. G... S..., en leurs noms propres et en qualité de représentants légaux de leurs enfants L... M..., J... D..., K... B..., N... C..., et E... H..., M. V... F..., M. Q... I... et M. O... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 avril 2021 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à M. V... F..., à M. Q... I..., à M. O... A..., à M. J... D..., à M. L... M..., à Mme K... B..., à Mme N... C... et à M. E... H..., des visas de long séjour en qualité de membres de famille d'une réfugiée.
Par une demande distincte, enregistrée le 13 décembre 2021, sous le n°2113984,
Mme B... U... et autres ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 avril 2021 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à M. V... F..., à M. Q... I..., à M. O... A..., à M. J... D..., à M. L... M..., à Mme K... B..., à Mme N... C... et à M. E... H..., des visas de long séjour en qualité de membres de famille d'une réfugiée.
Par un jugement n° 2110214, 2113984 du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a refusé de délivrer des visas de long séjour à M. O... A..., à M. J... D..., à M. L... M..., à Mme K... B..., à Mme N... C... et à M. E... H..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à ces derniers les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 mai 2022, M. T... et M. Q... I..., représentés par Me Bailly-Colliard, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 13 octobre 2021 en ce qu'elle porte refus de délivrance des visas qu'ils ont sollicités ;
2°) d'annuler, dans cette mesure, la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ainsi que les refus de visas qui leur ont été opposés par les autorités consulaires françaises à Kinshasa ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de leur délivrer les visas sollicités dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer les demandes de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ; ils avaient moins de 19 ans lorsqu'ils ont engagé les premières démarches en vue de rejoindre leur mère en France ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistrés le 11 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B... U... et autres, la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a refusé de délivrer des visas de long séjour à M. O... A..., à M. J... D..., à M. L... M..., à Mme K... B..., à Mme N... C... et à M. E... H..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à ces derniers les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des demandes présentées par Mme B... U... dirigées contre les refus de visas opposés à M. F... et à M. I.... Ces derniers relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ces conclusions dirigées contre la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours en tant qu'elle porte refus de leur délivrer les visas sollicités.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions consulaires du 5 mai 2021 :
2. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Il résulte de ces dispositions que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prise sur recours préalable obligatoire se substitue à la décision initiale de refus prise par les autorités consulaires. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 mai 2021 des autorités consulaires présentées par les requérants doivent être regardées comme dirigées exclusivement contre la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'âge de l'enfant pour lequel il est demandé qu'il puisse rejoindre son parent réfugié sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être apprécié à la date de la demande de réunification familiale, c'est-à-dire à la date à laquelle est présentée la demande de visa à cette fin, sans qu'aucune condition de délai ne puisse être opposée. La circonstance que cette demande de visa ne peut être regardée comme effective qu'après son enregistrement par l'autorité consulaire, qui peut intervenir à une date postérieure, est sans incidence à cet égard. Par ailleurs, lorsqu'une nouvelle demande de visa est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge de l'enfant, de tenir compte de cette demande, et non de la première demande.
5. Doit être regardée comme date de présentation de la demande de visa, la date à laquelle le demandeur effectue auprès de l'administration toute première démarche tendant à obtenir un visa au titre de la réunification familiale.
6. Il ressort des motifs de la décision contestée que, pour rejeter les recours dont elle était saisie, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur ce que M. F... et M. I..., issus d'une union antérieure de Mme R..., n'étaient plus, compte tenu de leur âge, éligibles à la procédure de réunification familiale.
7. D'une part, le courrier du 3 octobre 2016, versé au dossier, par lequel Mme B... U... a fait connaître à l'OFPRA " son souhait d'être rejointe en France par les membres de sa famille " et dont le directeur général de l'Office a accusé réception, par un courrier du 24 octobre 2016, versé au dossier, précisant à l'intéressée qu'il appartenait aux membres de sa famille de déposer leurs demandes de visas directement auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa ne s'analyse pas comme une démarche des demandeurs tendant à obtenir un visa au titre de la réunification familiale. D'autre part, les requérants versent également au dossier une attestation sur l'honneur, rédigée le 1er février 2022, par un avocat inscrit au barreau de Kinshasa indiquant que Mme B... U... l'a chargé, dès le mois de décembre 2016, d'accompagner ses enfants dans le cadre de leurs démarches auprès du poste consulaire français à Kinshasa. En dépit de la mesure d'instruction diligentée par la Cour, Mme B... U... et autres n'ont produit aucun justificatif permettant d'établir et de dater les démarches mentionnées dans cette attestation, établie postérieurement à la décision contestée. Dans ces conditions, la date des premières démarches des requérants tendant à obtenir des visas au titre de la réunification familiale doit être fixée au 22 janvier 2020, date du dépôt des demandes de visas auprès des autorités consulaires, dont le ministre de l'intérieur a accusé réception le 24 janvier suivant. A la date du 22 janvier 2020,
M. F... et M. I... nés, respectivement, les 18 avril 1998 et 24 novembre 2000, étaient âgés, respectivement, de 21 ans et de 19 ans et 2 mois. Dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées que la commission de recours a estimé que les requérants n'étaient pas éligibles à la procédure de réunification familiale.
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... et M. I... âgés, respectivement, de 23 ans et 21 ans seraient dépourvus d'attaches personnelles et familiales en République Démocratique du Congo où, compte tenu de leur âge, ils ont vocation à constituer leur propre cellule familiale. Dans ces circonstances et quand bien même leurs parents vivent en France, ainsi que leurs six frères et sœurs, les refus de visas qui leur ont été opposés n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui les fondent. Le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale doit, par suite, être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... et M. I... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours en tant qu'elle porte refus de leur délivrer les visas sollicités.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. F... et M. I..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. F... et M. I... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. F... et M. I... au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... et de M. I... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. T..., à M. Q... I... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLe greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01594