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20/02/2024 | FRANCE | N°22NT02536

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 20 février 2024, 22NT02536


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'abord, d'annuler les décisions des 12 juillet et 4 novembre 2019 par lesquelles le recteur de l'académie de Rennes a refusé sa demande d'utilisation de son compte personnel de formation et réitéré son refus de la dispenser de ses obligations de service durant son congé de formation, ensuite, d'enjoindre au recteur d'académie de Rennes de prendre en charge les frais pédagogiques de sa formation, enfin, de mettre à

la charge de l'Etat une somme de 1000 euros en application de l'article L. 761-1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'abord, d'annuler les décisions des 12 juillet et 4 novembre 2019 par lesquelles le recteur de l'académie de Rennes a refusé sa demande d'utilisation de son compte personnel de formation et réitéré son refus de la dispenser de ses obligations de service durant son congé de formation, ensuite, d'enjoindre au recteur d'académie de Rennes de prendre en charge les frais pédagogiques de sa formation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1906317 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 3 août 2022 et le 3 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Piperaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2022 ;

2°) d'annuler les décisions des 12 juillet et 4 novembre 2019 du recteur de l'académie de Rennes ;

3°) d'enjoindre au recteur d'académie de Rennes de prendre en charge les frais pédagogiques de sa formation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du recteur est entachée d'une erreur de droit ; le motif invoqué pour lui refuser de mobiliser son compte personnel de formation (CFP) afin de financer, à concurrence de 1500 euros pour l'année 2019-2020 et de 1500 euros pour l'année 2020-2021, les frais pédagogiques engagés pour la formation de moniteur d'atelier, c'est-à-dire le manque de crédits disponibles est entaché d'illégalité ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le refus qui lui était opposé était justifié dès lors que la formation dont la prise en charge est sollicitée n'est pas indispensable pour lui permettre à assurer ses fonctions d'AESH ; le compte personnel de formation a, en effet, notamment pour objet de suivre des formations permettant une reconversion professionnelle et permet d'accéder à toute action de formation hormis celles relatives à l'adaptation aux fonctions avancées ;

- l'article 9 du décret du 6 mai 2017 relatif à la mise en œuvre du compte personnel de formation dispose que " l'employeur prend en charge les frais pédagogiques qui se rattachent à la formation suivie au titre de ce compte " ; l'indicatif présent signifie que cette prise en charge est obligatoire pour l'employeur ; et si le même article 9 indique que la prise en compte des frais peut faire l'objet de plafonds déterminés par arrêté ministériel, en particulier pour l'Education nationale par un arrêté du 21 novembre 2018, la mise en œuvre de tels plafonds ne l'autorise pas en tout état de cause à refuser totalement la mobilisation des droits acquis par les intéressés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, la rectrice de l'Académie de Rennes conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens présentés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2017-928 du 6 mai 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... était employée en qualité d'accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH) en contrat à durée indéterminée (CDI) par le rectorat de l'académie de Rennes depuis le 18 août 2015. Elle a sollicité en 2019 un congé de formation professionnelle (CFP) afin de suivre une formation de moniteur d'atelier dispensée par un organisme privé. Par une décision du 20 juin 2019, ce congé a été accordé pour une durée de 10 mois du 1er septembre 2019 au 30 juin 2020. Par un courrier du 27 juin 2019, elle a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision précitée afin d'obtenir une modification des dates du congé de formation professionnelle, une dérogation à la durée d'obligation de service minimale ainsi que le financement de la formation par la mobilisation de son compte personnel de formation (CPF) à concurrence de 1 500 euros pour l'année 2019-2020 et de la même somme pour l'année 2020-2021. Le 12 juillet 2019, son congé de formation professionnelle lui a été accordé du 1er octobre 2019 au 31 août 2020, tout en lui précisant qu'il n'était pas possible de lui accorder une dispense d'obligation de service ni de donner suite à la mobilisation de son compte personnel de formation, en raison de l'absence de pièces justificatives. Mme B... a alors adressé, le 20 juillet 2019, les pièces justificatives demandées, renouvelé sa demande de dérogation à l'obligation de servir et demandé à mobiliser son compte personnel de formation à concurrence de 141 heures. Le 11 septembre 2019, le recteur de l'académie de Rennes a confirmé son refus à la demande de dérogation à l'obligation de servir et indiqué à Mme B... que les modalités de mise en œuvre de son compte personnel de formation ne lui assuraient pas un maximum de prise en charge à concurrence de 3 000 euros mais lui permettait d'envisager un versement maximum de 1 500 euros correspondant à une mobilisation sur une année pleine de son compte. L'intéressée était alors invitée à confirmer la demande de mobilisation de son CPF. Le 4 novembre 2019, en réponse à sa demande du 14 octobre 2019 le recteur de l'académie de Rennes informait Mme B... qu'il n'était pas possible de donner suite à sa demande de mobilisation de son CPF " en raison d'un défaut de crédits disponibles ".

2. Mme B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes en vue d'obtenir la suspension de la décision implicite de rejet du 12 juillet 2019, née le 27 août 2019 et de celle du 4 novembre 2019 ; cette requête a été rejetée pour défaut d'urgence par une ordonnance du 6 janvier 2020. Mme B... a, le 18 décembre 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation des décisions des 12 juillet et 4 novembre 2019 par lesquelles le recteur de l'académie de Rennes a, d'une part, refusé sa demande d'utilisation de son compte personnel de formation et, d'autre part, a réitéré son refus. Elle relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article 22 quater de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, en vigueur à la date de la décision contestée : " I. - Le compte personnel de formation permet au fonctionnaire d'accéder à une qualification ou de développer ses compétences dans le cadre d'un projet d'évolution professionnelle. / Le fonctionnaire utilise, à son initiative et sous réserve de l'accord de son administration, les heures qu'il a acquises sur ce compte en vue de suivre des actions de formation (...) II. La mobilisation du compte personnel de formation fait l'objet d'un accord entre le fonctionnaire et son administration. Toute décision de refus opposée à une demande de mobilisation du compte personnel de formation doit être motivée et peut être contestée à l'initiative de l'agent devant l'instance paritaire compétente. L'administration ne peut s'opposer à une demande de formation relevant du socle de connaissances et de compétences mentionné à l'article 6121-2 du code du travail. Le cas échéant, le bénéfice de cette formation peut être différé dans l'année qui suit la demande ". Aux termes de l'article 2 du décret du 6 mai 2017 relatif à la mise en œuvre du compte personnel d'activité dans la fonction publique : " L'utilisation du compte personnel de formation porte sur toute action de formation, hors celles relatives à l'adaptation aux fonctions exercées, ayant pour objet l'acquisition d'un diplôme, d'un titre, d'un certificat de qualification professionnelle ou le développement des compétences nécessaires à la mise en œuvre du projet d'évolution professionnelle (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 9 du décret du 6 mai 2017 précité : " Sans préjudice des actions de mutualisation de la gestion ou du financement du compte personnel de formation engagées entre administrations, l'employeur prend en charge les frais pédagogiques qui se rattachent à la formation suivie au titre du compte personnel de formation. Il peut prendre en charge les frais occasionnés par leurs déplacements. La prise en charge des frais peut faire l'objet de plafonds déterminés par arrêtés ministériels pour la fonction publique de l'Etat, une délibération de l'organe délibérant pour la fonction publique territoriale, une décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination pour la fonction publique hospitalière et par délibération du conseil d'administration dans un établissement public. En cas de constat d'absence de suivi de tout ou partie de la formation sans motif valable, l'agent doit rembourser les frais mentionnés au premier alinéa ".

5. Il ne résulte ni des dispositions citées au point 3., ni d'aucune autre disposition ou principe applicable que l'autorité administrative soit tenue de faire droit à une demande de mobilisation du compte personnel de formation présentée par un agent dès lors que celui-ci a acquis un nombre d'heures suffisant. En effet, l'autorité administrative ne se trouve dans une telle situation de compétence liée que lorsque la formation demandée correspond au socle de connaissances et de compétences défini par les articles D. 6113-29 et suivants du code du travail, lesquelles visent à lutter contre l'illettrisme. Pour l'ensemble des autres formations, il appartient seulement à l'autorité administrative, dans les limites de ses ressources budgétaires, de départager les demandes dont elle est saisie au vu de critères de priorité éventuellement préalablement définis et de l'intérêt des projets des différents candidats.

6. Il est constant que la formation de moniteur d'atelier choisie par Mme B... dans un projet de reconversion professionnelle ne vise pas à l'acquisition du socle de connaissances et de compétences défini par les articles D. 6113-29 et suivants du code du travail. Le recteur de l'académie de Rennes a pu ainsi légalement, pour refuser de faire droit à la demande présentée par Mme B... de mobilisation de son compte personnel de formation, se fonder sur le motif tiré d'" un défaut de crédits disponibles ".

7. Enfin, le refus opposé à Mme B... à sa demande de mobilisation de son compte de formation professionnelle pour suivre l'action de formation retenue étant justifié légalement, elle ne saurait, en conséquence, utilement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 9 du décret du 6 mai 2017, rappelées au point 4., pour soutenir que son administration était tenue de prendre en charge les frais pédagogiques impliqués par la formation souhaitée.

8. Il résulte l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre les décisions des 12 juillet et 4 novembre 2019 du recteur de l'académie de Rennes.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la rectrice de l'Académie de Rennes.

Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne à la ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°22NT02536 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02536
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : PIPERAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;22nt02536 ?
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