Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2204584 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Perrot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle, est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et d'un défaut d'examen au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les disposions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme C... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Quillévéré ;
- et les observations de Me Perrot, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, née le 24 décembre 1991, est entrée en France le 19 juillet 2019 sous couvert d'un visa de court séjour pour être présente lors de l'hospitalisation en France de son fils A..., né au Maroc le 14 janvier 2019. Suite au décès de cet enfant à Pessac le 15 août 2019, Mme B... s'est maintenue sur le territoire français et a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique, en 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son état de santé. Par un arrêté du 29 novembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté cette demande et l'a assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 7 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement au décès prématuré de son enfant survenu le 15 août 2019, Mme B... a été rejointe par son compagnon, père de l'enfant, et ils ont pu obtenir pour lui une concession funéraire sur le territoire de la commune de Pessac pour une durée de 10 ans le 14 janvier 2020. Il ressort également des pièces du dossier que cet évènement a causé à Mme B..., comme à son compagnon, un stress post-traumatique se traduisant par une thymie fluctuante, des ruminations et une importante fragilité psychologique, pour lequel elle bénéficie d'un traitement médicamenteux et d'un suivi psychothérapeutique. En outre, le couple justifie avoir entrepris des démarches en France afin de déterminer les causes exactes du décès de leur fils et de rechercher un éventuel manquement lors de sa prise en charge. Dans ces conditions, alors que Mme B... justifie travailler à son insertion dans la société française et que toute rupture de son fragile équilibre familial pourrait être de nature à lui porter préjudice, le préfet de la Loire-Atlantique doit être regardé dans les circonstances très particulières de l'espèce comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de Mme B..., le tribunal administratif de Nantes ayant par ailleurs enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer au compagnon de Mme B... un titre de séjour par un jugement n° 2204147 du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes qui n'a pas été frappé d'appel et le couple ayant accueilli un deuxième enfant né le 18 août 2020. Par suite, la décision contestée portant refus de titre de séjour à Mme B... doit être annulée.
3. Par voie de conséquence de l'annulation de cette décision, il y a lieu également d'annuler les décisions litigieuses du préfet de la Loire-Atlantique obligeant Mme B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens soulevés, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer un titre de séjour en en qualité d'étranger malade à Mme B..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 900 euros à Me Perrot dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2204584 du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 29 novembre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour en en qualité d'étranger malade à Mme B... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Perrot, avocate de la requérante, la somme de 900 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024
Le président-rapporteur
G. QUILLÉVÉRÉ
Le président-assesseur
J.E. GEFFRAY
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT016252
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