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06/02/2024 | FRANCE | N°23NT00449

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 06 février 2024, 23NT00449


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2216473 du 30 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et

un mémoire, enregistrés les 17 février et 27 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2216473 du 30 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 février et 27 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le simple enregistrement de ses empreintes digitales en Autriche ne vaut pas dépôt d'une demande d'asile ; le seul pays dans lequel il a déposé une demande d'asile est la France ;

- il n'est pas établi que les autorités françaises auraient saisi les autorités autrichiennes d'une demande de reprise en charge ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;

- le jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré de ce que la préfecture de Paris n'a pas fait droit à sa demande d'interprète en langue pachto ;

- cette décision méconnaît les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le premier juge n'a pas examiné les risques directs et indirectes qu'il encourt en cas de transfert en Autriche ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;

- le préfet n'apporte aucune preuve attestant de sa fuite justifiant la prorogation du délai de validité de l'arrêté de transfert contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur l'exception de non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation l'arrêté du 29 novembre 2022 portant transfert en Autriche :

2. L'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui fixe les conditions de transfert du demandeur d'asile ayant introduit une demande dans un autre Etat membre, dispose, au paragraphe 1, que : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 de cet article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article L. 742-3 de ce code prévoit que l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ce transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, susceptible d'être portée à dix-huit mois dans les conditions prévues à l'article 29 précité de ce règlement si l'intéressé " prend la fuite ". Il résulte clairement des dispositions de l'article 29 que la notion de fuite doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.

4. Dans son mémoire du 11 juillet 2023, le préfet de Maine-et-Loire indique que M. A... doit être regardé comme étant en fuite au sens des dispositions précitées de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, et qu'en conséquence, le délai de six mois prévu par ce texte est prorogé jusqu'au 30 juin 2024. Alors que le requérant a contesté cette allégation, le préfet s'est borné à produire un document informant les autorités autrichiennes de sa fuite, sans préciser ni les circonstances, ni les raisons pour lesquelles il estime que l'intéressé se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'il ne peut être regardé comme étant en fuite.

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de remise. Quel que soit le sens de la décision rendue par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution.

6. Il ressort des pièces du dossier que le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. A... aux autorités autrichiennes a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 30 décembre 2022 rendu par ce dernier et n'a fait l'objet d'aucune prolongation ainsi qu'il a été dit au point 5. Par suite, l'arrêté de transfert du 29 novembre 2022 est devenu caduc sans avoir reçu de commencement d'exécution et les conclusions de M. A... aux fins d'annulation de cette décision sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de la demande d'asile présentée par M. A..., qui se verra automatiquement délivrer l'attestation de demande d'asile prévue par l'article R. 521-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès le dépôt du formulaire prévu à cet effet. Par suite, le présent arrêt, qui se borne à prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert présentées par ce dernier, n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Néraudau, avocate du requérant, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 décembre 2022.

Article 2 : L'Etat versera à Me Néraudau, conseil de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00449
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23nt00449 ?
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