Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'abord, d'annuler la décision du 23 août 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du statut d'apatride, ensuite, d'enjoindre à cette autorité de lui reconnaître le statut d'apatride et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2000730 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Baudet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 23 août 2019 ;
3°) d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui reconnaître la qualité d'apatride ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 et les dispositions de l'article L. 812-1 du code du séjour de l'étranger et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée, pour ce motif, d'une erreur d'appréciation. Il est arrivé en France à l'âge de 16 ans et y vit depuis plus de 23 ans, pays dans lequel il a construit l'ensemble de sa vie avec son fils, qui a la qualité de réfugié, et sa compagne Mme D... avec laquelle il vit depuis plus de 10 ans et qui est en situation régulière.
Par un mémoire enregistré le 26 décembre 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par Me Laymond, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New-York du 28 septembre 1954 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet ;
- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 29 août 1983 à Tcheliabinsk (Russie) est entré en France en 1999 selon ses déclarations. Sa demande d'asile, formulée sous l'identité d'Ismaïl Khassanov a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 28 juin 2002 et le 19 juillet 2013, puis par la commission de recours des réfugiés le 26 octobre 2004. Il a, le 9 janvier 2018, sollicité la reconnaissance de la qualité d'apatride. Par une décision du 23 août 2019, le directeur général de l'Office a rejeté cette demande. M. C... a, le 13 février 2020, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Il relève appel du jugement du 16 septembre 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, Aux termes du premier alinéa de l'article L. 812-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides notifie par écrit sa décision au demandeur du statut d'apatride. Toute décision de rejet est motivée en fait et en droit (...) ". La décision contestée du 23 août 2019 vise l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et fait référence à l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. Elle rappelle également la situation personnelle et administrative de M. C..., notamment le rejet de sa demande d'asile par les autorités compétentes. Elle indique également que le requérant est connu sous différentes identités et que la loi russe permettrait de le reconnaitre comme un national de cet Etat. La décision refusant à l'intéressé la qualité d'apatride comporte ainsi de façon suffisamment précise et circonstanciée les considérations de fait et les motifs de droit qui lui servent de fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". L'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 citée ci-dessus stipule que : " 1. Aux fins de la présente convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. (...) ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit des démarches répétées et assidues, le ou les Etats de la nationalité desquels elle se prévaut ont refusé de donner suite à ses démarches.
4. Il ressort des pièces versées au dossier, d'une part, en particulier, d'une attestation délivrée le 6 juin 2014, par le consulat de la Fédération de Russie à Strasbourg " que Ilia Vyacheslavovich C..., né le 29 août 1983 à Tcheliabinsk est inscrit dans la base de données du service d'immigration russe en sa qualité de citoyen de la Fédération de Russie ". D'autre part, M. C... n'établit pas davantage en appel qu'en première instance qu'il n'aurait pas pu déposer une demande de certificat de nationalité russe sur le fondement de l'article 13 de la loi sur la nationalité russe n° 62-FZ du 31 mai 2002 au titre de sa qualité d'ancien ressortissant soviétique. Enfin, et nonobstant la circonstance que les autorités russes auraient refusé de délivrer un laissez-passer pour l'exécution d'une mesure d'éloignement le concernant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'entre le 6 juin 2014 et la date de la décision contestée du 23 août 2019, le requérant aurait accompli de nouvelles démarches pour faire reconnaître sa nationalité russe, alors qu'il ressort des pièces que de telles démarches ont pris place au cours de l'année 2021. Dans ces conditions, l'OFPRA n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant, faute de telles démarches répétées et assidues, de reconnaître le statut d'apatride à M. C....
5. En troisième et dernier lieu, M. C... pour soutenir que la décision contestée méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale avance qu'il est arrivé en France à l'âge de 16 ans et qu'il y vit depuis plus de 23 ans, pays dans lequel il a construit l'ensemble de sa vie avec son fils A..., désormais majeur et qui a la qualité de réfugié, et sa compagne depuis plus de 10 ans, Mme D..., qui est en situation régulière. Toutefois, la décision qui attribue ou refuse d'attribuer la qualité d'apatride n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de conférer ou de retirer au demandeur le droit de séjourner en France. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision attaquée aurait porté à son droit de mener une vie familiale normale une atteinte de nature à violer l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen qui est inopérant sera écarté.
6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
7. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22NT03933 2