Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Luanda (Angola) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de court séjour.
Par un jugement n° 2200264 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de faire délivrer le visa sollicité par Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, demande à la cour d'annuler ce jugement du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que la demande de visa a été faite sans présentation d'éléments probants permettant d'apprécier le bien-fondé de la demande de visa et la réalité de l'intention matrimoniale alors que l'union pouvait se dérouler en Angola.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2022, Mme A... C..., représentée par Me Pereira, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante angolaise née le 5 décembre 2000, a sollicité de l'autorité consulaire française à Luanda (Angola) la délivrance d'un visa d'entrée et de court séjour afin de se marier avec un ressortissant français. Par une décision implicite née le 5 janvier 2022 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre ce refus. Par un jugement du 18 juillet 2022, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et lui a enjoint de faire délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes dit " code frontières Schengen " : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours (...) les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; / (...) 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour. / (...) L'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. (...). ". Aux termes de l'article 14 du même règlement : " 1. L'entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées à l'article 6, paragraphe 1, et qui n'appartient pas à l'une des catégories de personnes visées à l'article 6, paragraphe 5. / (...) 2. L'entrée ne peut être refusée qu'au moyen d'une décision motivée indiquant les raisons précises du refus. (...) ".
3. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
4. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur et des outre-mer que pour refuser le visa de court séjour sollicité par Mme C... afin de se marier en France, la commission s'est fondée sur le caractère complaisant du mariage en l'absence d'éléments probants concernant la relation affective du couple et alors que cette union pouvait être célébrée en Angola.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a sollicité un visa de court séjour afin de s'unir le 23 octobre 2021 avec M. B..., ressortissant français né en 1995, ainsi que l'établit un certificat d'un officier d'état-civil de la commune d'Amiens. Ce projet a été précédé d'une publication des bans à compter du 18 juin 2021 et aucune opposition à ce mariage n'est alors survenue. Cependant il ressort du compte-rendu d'un entretien le 1er juin 2021 entre Mme C... et les services consulaires français en Angola que le couple n'aurait décidé de se marier qu'après s'être aperçu une seule fois en 2018, sans même se parler, et que le mariage aurait ensuite été arrangé entre la famille de Mme C... et M. B.... Ces éléments ne sont pas contredits par l'intéressée qui, en outre, n'établit l'existence d'aucun contact avec M. B... depuis lors en se bornant à se prévaloir de conversations téléphoniques. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme C... contre la décision de refus de visa de court séjour qui lui a été opposée en raison d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
6. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé pour ce motif la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la cour.
8. La décision de refus de visa de court séjour opposée à Mme C... n'a pas pour objet ou pour effet de s'opposer à son mariage avec M. B..., dont il n'est pas établi qu'il ne pourrait la rejoindre en Angola pour ce faire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant son droit à se marier doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme C..., la décision implicite née le 5 janvier 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Luanda refusant de lui délivrer un visa de court séjour.
Sur les frais d'instance :
10. Mme C... étant partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200264 du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions présentées devant la cour au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... C....
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
Le président de la formation de jugement, rapporteur,
C. RIVAS
L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,
C. ODY
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02755