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02/02/2024 | FRANCE | N°23NT02770

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 02 février 2024, 23NT02770


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados lui fait obligation de quitter le territoire français, avec interdiction de retour d'un an, refuse d'accorder un délai de départ et fixe le pays de destination.



Par un jugement n° 2301088 du 5 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure

devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Ndiay...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados lui fait obligation de quitter le territoire français, avec interdiction de retour d'un an, refuse d'accorder un délai de départ et fixe le pays de destination.

Par un jugement n° 2301088 du 5 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Ndiaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Caen du 5 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 du préfet du Calvados lui faisant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour d'un an, refusant d'accorder un délai de départ et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) d'enjoindre au préfet du Calvados d'effacer du fichier Schengen toute mention le concernant ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur de fait ;

- il n'était pas tenu de formuler une nouvelle demande de titre de séjour auprès du préfet du Calvados dès lors qu'il avait déjà saisi la préfecture du Doubs d'une telle demande ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'interdiction de retour en France :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant sénégalais, né le 2 janvier 1984, déclare être entré irrégulièrement en France en 2008. A compter du 8 novembre 2012, l'intéressé a bénéficié de plusieurs titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le 2 décembre 2021, M. A... a sollicité auprès de la préfecture du Doubs le renouvellement de son titre de séjour ainsi qu'une première demande de carte de résident. Il s'est vu délivrer un récépissé valable du

2 décembre 2021 au 1er juin 2022. Par un arrêté du 26 avril 2023, le préfet du Calvados a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, avec interdiction de retour pendant un an. Puis, par un arrêté du 28 avril 2023, le préfet du Calvados a prononcé une mesure d'assignation à résidence de M. A..., dans le département du Calvados, pendant une durée de quarante-cinq jours. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 5 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient le requérant, le premier juge a répondu, au point 8 du jugement attaqué, au moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en raison d'un défaut de réponse à un moyen doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ".

4. Si à la suite de son emménagement à Caen en avril 2022, le dossier de demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... a été transféré de la préfecture du Doubs à la préfecture du Calvados, il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'un courrier du 25 mars 2022, que la demande qui avait été déposée à la préfecture du Doubs n'était pas complète. En outre, contrairement à ce qu'il soutient, il ne s'agissait pas d'une demande de renouvellement mais d'une première demande de titre de séjour dès lors qu'à la date du dépôt de cette demande, le 2 décembre 2021, le précédent titre de séjour, qu'il n'avait au demeurant pas même retiré à la préfecture, n'était plus valable, sa validité ayant expiré le 25 décembre 2020. Malgré les différents courriels reçus de la part des deux préfectures précitées lui indiquant qu'il devait se présenter à la préfecture du Calvados et compléter son dossier ou déposer une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, l'intéressé n'a pas fait preuve de diligence, en se bornant à envoyer des courriels pour connaître l'avancée de son dossier. Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. A... ne pouvait être regardé comme ayant demandé le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré. Par conséquent, les moyens tirés de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... et de ce qu'il n'était pas tenu de formuler une nouvelle demande de titre de séjour auprès du préfet du Calvados dès lors qu'il avait déjà saisi la préfecture du Doubs d'une telle demande doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 2008 et est célibataire. Il est le père de deux enfants, nés de deux mères différentes en janvier 2009 et juin 2009 mais les quelques photographies produites ne suffisent pas à établir qu'il contribuerait à leur entretien et à leur éducation, ni même qu'il entretiendrait avec eux des liens réguliers. S'il a travaillé dans le cadre de missions d'intérim, cela ne témoigne pas d'une insertion professionnelle durable. Il ressort des pièces du dossier que sa mère et deux de ses frères résident au Sénégal. M. A... a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, en 2011, 2016, 2018 et 2019, pour des faits notamment de conduite sans permis sous l'empire d'un état alcoolique, de filouterie et de vol, ce qui est de nature à relativiser son intégration en France. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le préfet du Calvados, en prenant la décision contestée, n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., si bien que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".

8. Il n'est pas établi, au vu des seules photographies produites, que M. A... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, à les supposer français. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour en France :

9. En premier lieu, il résulte des points 3 à 8 que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour en France doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

11. Si le requérant se prévaut de la circonstance qu'il est le père de deux enfants français qui vivent et sont scolarisés en France, il n'est pas établi, au vu des seules photographies produites, que M. A... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, à les supposer français. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de la situation de l'intéressé, en lui interdisant le retour en France pendant une durée d'un an, doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte des points 3 à 8 que le moyen tiré de ce que la décision portant fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. En second lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée, que M. A... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ndiaye et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Derlange, président,

- Mme Picquet, première conseillère,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2024.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

S. DERLANGELe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02770
Date de la décision : 02/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DERLANGE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : NDIAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-02;23nt02770 ?
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