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02/02/2024 | FRANCE | N°23NT02548

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 02 février 2024, 23NT02548


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'une part d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Orne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et d'autre part d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 du préfet de l'Orne portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement nos 2302019, 2

302020 du 1er août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'une part d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Orne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et d'autre part d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 du préfet de l'Orne portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement nos 2302019, 2302020 du 1er août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2023 du préfet de l'Orne en tant qu'il porte refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2023, Mme A..., représentée par Me Landolsi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 1er août 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 25 juillet 2023 du préfet de l'Orne pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé s'agissant de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision litigieuse méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait la circulaire dite " Valls " du 28 novembre 2012 ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'assignation à résidence :

- elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- cette décision constitue une mesure abusive et injustifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2023, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les observations de Me Landolsi pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., de nationalité tunisienne, est entrée en France le 3 février 2019 munie d'un visa de court séjour valable jusqu'au 15 mars 2019. Elle a déposé le 12 juillet 2021 une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 septembre 2021, le préfet de l'Orne a rejeté sa demande d'admission au séjour et lui a notifié une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... s'est maintenue sur le territoire français et a sollicité, le 16 juin 2022, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juillet 2023, le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé son pays de destination. Par un arrêté du même jour, le préfet de l'Orne a prononcé à son encontre une assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de ces arrêtés. Par un jugement du 1er août 2023 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2023 du préfet de l'Orne en tant qu'il porte refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Mme A... fait appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a, en application des dispositions de l'article L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, statué sur les conclusions de la requérante dirigées contre les décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français et assignation à résidence, n'examinant pas les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus du titre de séjour qui relèvent de la compétence d'une formation collégiale du tribunal. Par suite, les conclusions de Mme A... présentées en appel tendant à l'annulation de la décision rejetant sa demande de titre de séjour contenue dans l'arrêté préfectoral du 25 juillet 2023 et ses conclusions accessoires, étrangères au présent litige, doivent être regardées comme dénuées de portée devant la cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Mme A... est entrée en France le 3 février 2019, accompagnée de son enfant né le 18 février 2017. Elle est mariée avec un ressortissant tunisien depuis le 17 août 2013, titulaire d'une carte de résident de plein droit valable du 30 avril 2014 au 29 avril 2024. Ils ont eu un deuxième enfant, né en France le 11 janvier 2020. Elle produit des factures et documents administratifs établis à leurs deux noms en France. Ces éléments, dans les circonstances de l'espèce, suffisent à établir une communauté de vie des époux, le préfet se bornant à indiquer que ces derniers ont vécu dans deux pays distincts de 2014 à 2019. Ainsi, alors même que l'intéressée peut bénéficier du regroupement familial, l'arrêté contesté d'obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris et a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant assignation à résidence.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français et l'assignation à résidence litigieuses.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de l'Orne de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire dans les circonstances de l'espèce de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Mme A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 2302019, 2302020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 1er août 2023 est annulé en tant qu'il porte sur l'obligation de quitter le territoire français et l'assignation à résidence prises à l'encontre de Mme A....

Article 2 : Les décisions du 25 juillet 2023 par lesquelles le préfet de l'Orne a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Orne de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Derlange, président,

- Mme Picquet, première conseillère,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2024.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

S. DERLANGELe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02548


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02548
Date de la décision : 02/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DERLANGE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LANDOLSI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-02;23nt02548 ?
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