Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et Mme A... D... ont, sous les n° 2303525 et n° 2303526, respectivement demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler les arrêtés du 21 juin 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant leur transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de leur demande d'asile, et les assignant à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable trois fois, ensuite, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de leur permettre de solliciter l'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai de 15 jours et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 2400 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour ledit conseil de renoncer à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2303525, 2303526 du 18 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par des requêtes, enregistrées les 18 août et 25 août 2023, M. C... et Mme D..., représentés par Me Delilaj, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette leurs demandes d'annulation des arrêtés de transfert du 21 juin 2023 aux autorités allemandes ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 21 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui permettre de solliciter l'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés de transfert sont insuffisamment motivés ;
- les dispositions des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- les arrêtés de transfert sont entachés d'un défaut d'examen approfondi de sa situation ;
- les arrêtés de transfert méconnaissent l'article 3 de la CEDH et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les arrêtés de transfert sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet des requêtes et renvoie à ses écritures de première instance.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... et Mme D... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... et Mme D..., ressortissants géorgiens, sont entrés irrégulièrement en France le 17 janvier 2023 accompagnés de leurs trois enfants mineurs. Leurs demandes d'asile ont été enregistrées le 26 janvier 2023 par les services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'ils avaient sollicité l'asile auprès des autorités allemandes préalablement au dépôt de leur demande d'asile en France. Consécutivement à leur saisine le 13 mars 2023 sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les autorités allemandes ont le 15 mars suivant accepté de reprendre en charge les intéressés. Par des arrêtés du 21 juin 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné le transfert de M. C... et de Mme D... aux autorités allemandes. Ils ont sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes l'annulation de ces arrêtés ainsi que des arrêtés du même jour qui les auraient assignés à résidence. Ils relèvent appel du jugement du 18 juillet 2023 du magistrat désigné en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 21 juin 2023 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé leur transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de leurs demandes d'asile.
2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. C... et Mme D... vers l'Allemagne a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 18 juillet 2023 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 rappelées ci-dessus. Par suite, les conclusions de M. C... et Mme D... tendant à l'annulation des arrêtés de transfert et du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre ces arrêtés sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen des demandes d'asile présentées par M. C... et Mme D..., le présent arrêt, n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... et Mme D... au profit de son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation en tant qu'elles se rapportent aux arrêtés du 21 juin 2023 du préfet de Maine-et-Loire décidant du transfert de M. C... et Mme D... aux autorités allemandes.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... et Mme D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2024.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23NT02511 2