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02/02/2024 | FRANCE | N°23NT02024

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 02 février 2024, 23NT02024


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 24 février 2023 par lequel le préfet de la Manche a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300835 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, M. F..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :



1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 24 février 2023 par lequel le préfet de la Manche a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300835 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, M. F..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 14 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2023 du préfet de la Manche lui refusant un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, un certificat de résidence d'un an ou de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision litigieuse méconnait l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision litigieuse méconnait l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de la Manche qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... F..., ressortissant guinéen né le 29 décembre 1982, est entré en France le 3 août 2017 muni d'un visa délivré par les autorités espagnoles et expirant le 15 août 2017. Il a présenté, en septembre 2021, une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 24 février 2023 dont l'intéressé a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer l'annulation, le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 14 juin 2023 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. F... fait appel de ce jugement.

Sur le moyen commun aux différentes décisions contestées :

2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. F..., que ce dernier reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

Sur le refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est père de trois enfants français, B..., A... et C... nés respectivement les 24 septembre 2020, 2 décembre 2020 et 4 novembre 2022. Son premier enfant a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance, au regard notamment des problèmes psychiatriques de sa mère. Si le requérant bénéficie d'un droit de visite et allègue le voir une à deux fois par mois, il n'apporte aucun élément permettant de l'établir, l'attestation de visite produite mentionnant qu'il a annulé plusieurs visites. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a suspendu le versement de sa pension, n'ayant plus de revenus. Par ailleurs, M. F... n'a pas obtenu l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de son deuxième enfant et l'enquête sociale a mis en avant un manque d'implication de sa part dans le quotidien de cet enfant. Enfin, il n'est pas établi qu'il résiderait avec la mère de son troisième enfant, alors qu'à la date de la décision contestée, il était logé à l'Association pour la formation professionnelle des adultes de Coutances depuis le 4 juillet 2022, ce que ne suffit pas à contredire la seule attestation établie le 6 avril 2023 par Mme E.... Si le requérant se prévaut de deux photographies des parents et de l'enfant, aucun document supplémentaire ne vient attester des relations qu'il entretiendrait avec son fils depuis sa naissance. Par ailleurs, les factures et tickets de caisse mentionnant l'achat d'aliments et de vêtements pour enfants ainsi que de divers articles de puériculture, au titre des mois de septembre à novembre 2021, janvier et février 2022, juin à août 2022 et février 2023, qui ne sont au demeurant pas tous établis de manière nominative, ne suffisent pas à établir une contribution de M. F... à l'entretien de l'un ou l'autre de ses enfants depuis sa naissance. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le préfet de la Manche aurait méconnu les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".

6. Les photographies, factures d'achats de vêtements et de nourriture et l'attestation non circonstanciée de la mère de son dernier enfant datée du 6 avril 2023 sont insuffisantes pour établir la contribution effective du requérant à l'entretien et à l'éducation d'au moins l'un de ses trois enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. S'il soutient vivre avec la mère de son troisième enfant depuis la naissance de ce dernier, les éléments précités ne suffisent pas à l'établir. Le préfet de la Manche n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant obligation à M. F... de quitter le territoire français. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1 - Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Si M. F... est entré en France le 3 août 2017 et est le père de trois enfants français, il n'établit pas avoir des liens réguliers avec ses enfants. S'il soutient vivre avec la mère de son troisième enfant français, il ne l'établit pas par une attestation peu étayée de cette dernière et cette relation, débutée en février 2022, reste récente. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, il venait de terminer une formation professionnelle de plombier-chauffagiste et il ne bénéficiait pas d'une promesse d'embauche. Son emploi de manutentionnaire avicole, de mars 2019 à avril 2022, était à temps partiel. Il a deux enfants vivant en Espagne et est pris en charge par une tante. Ainsi, alors même que certains membres de sa famille vivent en France, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à Me Cavelier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Derlange, président,

- Mme Picquet, première conseillère,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2024.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

S. DERLANGELe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02024
Date de la décision : 02/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DERLANGE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-02;23nt02024 ?
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