Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 18 août 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de départ de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2202645 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2023, M. B..., représenté par
Me Renard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des nombreuses pièces qu'il a pu déposer devant le tribunal administratif ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et a été pris sans un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision refusant de l'admettre au séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est illégale du fait de l'illégalité de décision refusant de l'admettre au séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de Me Lejosne, substituant Me Renard, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant congolais, né le 23 août 1992 et entré en France le 2 septembre 2017 en étant muni d'un visa de court séjour, a sollicité, après le rejet de sa demande d'asile et l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 28 novembre 2019, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 août 2021, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 17 janvier 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, qu'elles aient pour objet de régler leur situation personnelle ou pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour démontrer qu'il pourvoit, dans la mesure de ses moyens, à l'entretien et à l'éducation de son enfant français mineur, né le 3 novembre 2019 en France, dont il n'est pas contesté qu'elle a la nationalité française, M. B..., qui l'a reconnue avant sa naissance, a produit en particulier des bordereaux de transfert d'argent.
En effet, et alors même qu'il ne partage plus sa résidence avec son enfant depuis 2020, date de la séparation avec sa mère, le montant des virements d'argent effectués au profit de cette dernière, soit 150 euros, chacun, durant la période allant de la date de la naissance à celle de l'arrêté contesté est proportionné à ses capacités contributives, et est donc de nature à établir qu'il a contribué effectivement à l'entretien de sa fille depuis sa naissance. En outre, les factures qui portent son nom établissent que les achats ont été effectués pour subvenir aux besoins de son enfant. Il en est de même de l'attestation médicale selon laquelle il s'investirait de manière régulière dans son éducation, des photographies produites, des captures d'écran de conversations écrites et des témoignages. Enfin, par un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Angers du 7 novembre 2023, qui a homologué " un accord intervenu entre les parties conformément à l'intérêt de l'enfant " en matière d'exercice de l'autorité parentale, de fixation de la résidence habituelle de l'enfant au domicile maternel et de l'octroi à M. B... d'un droit d'accueil, l'intéressé bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement d'une manière régulière. Compte tenu de ces éléments démontrant l'existence d'une relation familiale suivie du requérant auprès de sa fille, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour a pour effet de porter atteinte à cette relation, et est donc contraire à l'intérêt supérieur de cette dernière, en méconnaissance de stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 la convention internationale relative aux droits de l'enfant
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination.
5. Eu égard au motif d'annulation, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Renard, conseil de M. B..., d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202645 du tribunal administratif de Nantes du 17 janvier 2023 et l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 18 août 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, à M. B... un titre de séjour portant la ,mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me Renard, conseil de M. B....
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président de chambre
Guy QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT0178302