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30/01/2024 | FRANCE | N°23NT00827

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 23NT00827


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.



Par un jugement n° 2211300 du 27 février 2023 le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa de

mande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 23 mars 2023 M. B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2211300 du 27 février 2023 le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2023 M. B... A..., représentée par

Me Roulleau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Roulleau de la somme de

1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2023, le préfet de

Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision 14 avril 2023 le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. B... A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré présentée pour M. B... A... a été enregistrée le 17 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... A..., ressortissant angolais né le 12 février 2003, est entré irrégulièrement en France le 12 août 2020 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 3 février 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 27 juin 2022. Par un arrêté du 18 juillet 2022, le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. M. B... A... relève appel du jugement du 27 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A... est entré récemment en France et a vu sa demande d'asile définitivement rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 27 juin 2022 au motif que les craintes de violence alléguées à l'égard de son père ne pouvaient être regardées comme fondées. Toutefois, il ressort des pièces que sa sœur Vanda née en 2001 a obtenu la protection subsidiaire par un arrêt n° 21055678 du 27 juin 2022 de la Cour nationale du droit d'asile après la reconnaissance des violences notamment sexuelles subies de la part de son père. Par ailleurs, par un arrêt n° 22026305 du 3 octobre 2022 qui, bien que postérieur à l'arrêté contesté, doit être pris en compte pour apprécier sa légalité dès lors qu'il révèle des faits antérieurs à cette décision, la Cour nationale du droit a accordé la protection subsidiaire à son jeune frère Abel né en 2009 dès lors qu'il établit être exposé à des atteintes graves au sens du 2° de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de retour dans son pays, de la part de son père violent, sans être en mesure de bénéficier de la protection effective des autorités. Le requérant, âgé de 19 ans à la date de la décision contestée et dont aucun élément du dossier n'indique qu'il n'aurait pas été exposé aux violences de son père, établit ainsi être dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine et disposer de l'essentiel de ses attaches familiales en France, sa mère vivant en Angola étant contrainte de se cacher chez des proches pour échapper aux violences de leur père. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire a, dans les circonstances particulières de l'espèce, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale en lui faisant obligation de quitter le territoire français, méconnaissant ainsi les stipulations précitées.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. L'annulation, par le présent arrêt, de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... A... implique seulement que sa situation soit réexaminée et que, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui soit délivrée. Il y a lieu, ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative et de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Fréry, conseil de M. B... A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2211300 du 27 février 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 18 juillet 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de se prononcer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sur la situation de M. B... A... et de la munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Roulleau une somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

A. PENHOAT Le président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT008272

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00827
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ROULLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nt00827 ?
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