Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates, ensuite, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans les meilleurs délais, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2302916 du 20 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 13 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Renaud, demande à la cour :
1°) avant dire droit de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante :
- La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le règlement européen n°603/2013 du 26 juin 2013, s'opposent-ils à ce qu'il puisse être procédé à la consultation du fichier EURODAC aux fins d'édiction d'un arrêté de transfert en application du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 par un agent de Préfecture sans qu'il ne soit possible pour l'étranger destinataire de l'arrêté de transfert d'obtenir des garanties quant à l'habilitation de l'agent procédant à la consultation du fichier Eurodac '
- Les règlements 604//2013 et 603/2013 du 26 juin 2013 s'opposent-ils à ce qu'un Etat membre puisse édicter un arrêté de transfert reposant sur la consultation du fichier Eurodac sans que cet Etat membre ne puisse justifier de la régularité de cette consultation et notamment du cadre dans lequel elle intervient '
2°) avant dire droit, dans le cadre d'une mesure d'instruction, solliciter la transmission, d'une part, des relevés de prestation ISM Interprétariat pour la journée du 10 janvier 2023, d'autre part, des documents eurodatés via Dublinet justifiant de l'envoi d'une demande de comparaison d'empreintes ainsi que la preuve d'une réponse du point d'accès national.
3°) d'annuler ce jugement du 20 mars 2023 ;
4°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités croates ;
5°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de délivrer une attestation de demande d'asile et d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, et subsidiairement de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il y a lieu de prononcer un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de l'arrêté de transfert en raison de son caractère caduc et ce, dès lors qu'elle ne saurait être considérée comme étant en fuite ;
- l'arrêté portant transfert méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et les dispositions de l'article L.141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté portant transfert repose sur le traitement irrégulier des données personnelles le concernant en raison de l'absence d'habilitation de la personne ayant procédé à l'enregistrement de ses empreintes dans un fichier ainsi que l'absence d'habilitation de l'auteur de la consultation du fichier Eurodac ;
- l'arrêté portant transfert aux autorités croates méconnait les stipulations 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ont été reprises par l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés les 5 octobre, 23 octobre, 27 octobre et 9 novembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et informe la cour que Mme B... a été déclarée en fuite et que le délai d'exécution du transfert est reporté au 20 septembre 2024.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (INTV1909588A) ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les observations de Me Prélaud, substituant Me Renaud, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne, née le 29 mars 1999 et entrée irrégulièrement en France le 29 décembre 2022, a sollicité l'asile le 10 janvier 2023. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Croatie le 16 novembre 2022. Saisies le 13 janvier 2023 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, les autorités croates ont, le 27 janvier suivant, expressément donné leur accord sur le fondement du c) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 9 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de Mme B... aux autorités croates. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 20 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. Mme B... relève appel de ce jugement. Par un mémoire du 5 octobre 2023, le préfet informe la cour que Mme B... a été déclarée en fuite et que le délai d'exécution du transfert est reporté au 20 septembre 2024.
Sur l'exception de non-lieu à statuer sur l'arrêté du 9 février 2023 portant transfert en Croatie :
2. L'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui fixe les conditions de transfert du demandeur d'asile ayant introduit une demande dans un autre Etat membre, dispose, au paragraphe 1, que : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 de cet article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Pour estimer qu'il y aurait lieu de constater que son transfert décidé le 9 février 2023 n'a pas été exécuté dans le délai de 6 mois prescrit par les dispositions citées ci-dessus du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, Mme B... soutient, en premier lieu, qu'elle ne saurait être regardée comme étant en fuite par le seul fait de ne pas avoir déféré à sa convocation le 20 septembre 2023 en vue de son éloignement vers la Croatie alors que cette attitude ne saurait être comprise comme l'expression de sa part de se soustraire de façon systématique à l'exécution de son transfert.
4. La notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. Dans l'hypothèse d'un départ contrôlé dont l'Etat responsable du transfert assure l'organisation matérielle, en prenant en charge le titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français ainsi que, le cas échéant, le pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination, le demandeur d'asile qui se soustrait délibérément à l'exécution de son transfert ainsi organisé doit être regardé comme en fuite, au sens de ces dispositions.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., ainsi qu'elle l'admet elle-même, ne s'est pas présentée à l'aéroport Charles-de-Gaulle pour un départ organisé le 20 septembre 2023 afin de rejoindre Zagreb, alors qu'il est établi que, par un courrier du 15 juin 2023 du Pôle Régional Dublin-Pays de la Loire, une convocation, pour le mercredi 20 septembre 2023 avant 4H45, au poste de police aux frontières du terminal 1 de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle lui avait été régulièrement notifiée. Si Mme B... fait valoir, dans ses écritures d'appel, " qu'elle présentait un état grippal la veille de sa convocation pour prendre un vol pour Zagreb et s'est rendue alors chez son médecin ", elle n'apporte toutefois aucun élément permettant d'étayer cette affirmation. Dans ces conditions, elle doit ainsi être regardée comme s'étant soustraite délibérément à l'exécution de son transfert qui avait été organisé et comme étant en fuite, au sens des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. La circonstance invoquée par Mme B... qu'elle respecte ses obligations de pointage demeure, à cet égard, sans incidence sur cette appréciation.
6. Mme B... soutient, en second lieu, que le délai de six mois fixé par l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 était expiré à la date de la décision de transfert.
7. Aux termes de l'article 9.2 du règlement 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers : " Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés l'article 19, paragraphe 4, et à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) no 343/2003, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois prévu à l'article 19, paragraphe 3, et à l'article 20, paragraphe 1, point d), dudit règlement, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande d'asile et les autres obligations découlant du règlement (CE) no 343/2003 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 19, paragraphe 4, et de l'article 20, paragraphe 2, dudit règlement. ".
8. Au cas d'espèce, d'une part, il ressort des pièces versées au dossier à l'appui de son mémoire présenté le 5 octobre 2023, que le préfet de Maine-et-Loire a, se conformant à l'obligation posée par l'article 9.2 du règlement 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 rappelé au point précédent, informé le 20 septembre 2023 à 23h59 via le réseau " Dublinet " les autorités croates de la prorogation de 18 mois - soit jusqu'au 20 septembre 2024 - du délai de transfert au motif que Mme B... était en fuite. D'autre part, il ressort également du document transmis par la préfecture le 5 octobre 2023 que les autorités croates ont confirmé, par une communication du 21 septembre 2023 valant réponse automatique, la réception ce même jour à 10H17- après vérification - du courriel provenant du point d'accès national français les informant de la prorogation du délai de transfert de l'intéressée au plus tard dans un délai de 18 mois et de la nouvelle date limite de celui-ci fixée au 20 septembre 2024, à raison de sa fuite, en application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que l'exception de non-lieu doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté de transfert :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
11. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision (...) de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. (...) ". Selon l'article L. 141-3 du même code : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à (...) un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration (...) ".
12. D'une part, il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par Mme B... qu'elle a bénéficié le 10 janvier 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, d'un entretien individuel tel que prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, réalisé avec le concours d'un interprète assermenté de l'association ISM, en soussou, langue que l'intéressée a déclaré comprendre. Il n'est pas démontré que la requérante n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées, par écrit et par oral, et de faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien, ni que celui-ci aurait été excessivement sommaire, le compte-rendu qui en a été établi comportant des informations nombreuses et précises sur la situation de Mme B..., que celle-ci était seul en mesure de porter à la connaissance de l'agent de la préfecture chargé de l'entretien individuel, par le truchement de l'interprète. La requérante a ainsi pu exposer lors de son entretien différents éléments relatifs à sa situation personnelle portant notamment sur sa situation familiale, ses déclarations aux autorités croates, ses conditions de prise en charge en Croatie et son état de santé. Il résulte, en outre, des termes mêmes du compte rendu d'entretien que l'intéressée a été interrogée de manière approfondie sur son parcours migratoire, la circonstance qu'elle n'ait pas été questionnée sur les circonstances dans lesquelles les autorités croates ont procédé au relevé de ses empreintes digitales ne permettant pas de caractériser la méconnaissance des exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que l'association ISM (" Inter Services Migrants Interprétariat ") bénéficie de l'agrément prévu par les dispositions précitées de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accordé, à compter du 10 avril 2023, pour une durée d'un an, par une décision du ministre de l'intérieur du 24 mars 2023 relative à une demande d'agrément, publiée au Journal officiel de la République française le 1er avril 2023.
13. D'autre part, la requérante soutient également qu'il n'est pas établi que l'entretien qui s'est tenu le 10 janvier 2023 a été conduit par une " personne qualifiée " conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement, du fait que le compte-rendu de cet entretien ne comporte pas de mention de la qualité de la personne l'ayant mené. Toutefois, si aucune disposition n'impose la mention, sur le compte-rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, il ressort des pièces que le compte rendu de l'entretien porte mention des initiales de l'agent de la préfecture ayant conduit l'entretien. Cet agent être regardé comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Mme B... n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que cet entretien n'aurait pas été conduit dans les conditions prévues par les dispositions en cause. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté dans toutes ses branches.
14. En deuxième lieu, le système Eurodac est un système de comparaison de données dactyloscopiques qui, en vertu de l'article 1er du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a pour objet de " contribuer à déterminer l'État membre qui, en vertu du règlement (UE) n° 604/2013, est responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans un État membre par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ". Les paragraphes 1 et 2 de l'article 3 du même règlement énoncent qu'Eurodac se compose " d'une base de données dactyloscopiques centrale et informatisée " et " d'une infrastructure de communication entre le système central et les États membres ", et que " Chaque État membre dispose d'un seul point d'accès national ". Selon le paragraphe 3 du même article 3 du règlement, " les données relatives aux personnes " dont les empreintes digitales sont relevées en application des articles 9, 14 et 17 relatifs respectivement à la collecte, à la transmission et à la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d'une protection internationale, et des ressortissants des pays tiers ou apatrides interpellés à l'occasion du franchissement d'une frontière extérieure, ou séjournant illégalement sur le territoire d'un Etat membre, " sont traitées par le système central (...) pour le compte de l'État membre d'origine (...) et sont séparées par des moyens techniques appropriés ". Le paragraphe 2 de l'article 27 du même règlement énonce que " Les autorités des États membres ayant accès (...) aux données enregistrées dans le système central sont celles qui ont été désignées par chaque État membre aux fins prévues à l'article 1er paragraphe 1. Cette désignation précise l'unité chargée d'accomplir les fonctions liées à l'application du présent règlement. Chaque État membre communique sans tarder, à la Commission et à l'agence, la liste de ces unités ainsi que toute modification apportée à celle-ci. L'agence publie la liste consolidée au Journal officiel de l'Union européenne (...) ". La liste des autorités désignées qui ont accès aux données enregistrées dans le système central d'Eurodac conformément à l'article 27, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 603/2013, aux fins prévues à l'article 1er paragraphe 1, dudit règlement, publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 20 juillet 2015, mentionne le service de l'asile, à la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l'intérieur, comme l'unique unité chargée d'accomplir, pour le compte des autorités françaises, les fonctions liées à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013.
15. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le relevé des empreintes digitales de Mme B..., effectué, le 17 juillet 2023 par un agent de la préfecture de la Loire-Atlantique, a été transmis le jour même à la direction de l'asile de la DGEF du ministère de l'intérieur, service régulièrement désigné en application des dispositions précitées de l'article 27 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 pour procéder à l'enregistrement de ce relevé d'empreintes sur Eurodac et à leur comparaison avec les données dactyloscopiques transmises par d'autres Etats membres et déjà conservées dans le système central d'Eurodac, d'autre part, que cette comparaison a produit un résultat positif, ainsi qu'en atteste la lettre de la directrice de l'asile du 10 janvier 2023 adressée au préfet de la Loire-Atlantique. Rien n'indique que l'agent de la direction de l'asile de la DGEF qui a procédé aux opérations d'enregistrement et de consultation du fichier Eurodac mentionnées dans cette lettre n'était pas habilité pour le faire. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de transfert en litige est entachée d'un vice de procédure, faute de justification de cette habilitation. Enfin, si Mme B... soutient ne pas avoir reçu les informations concernant le règlement Eurodac avant le relevé de ses empreintes, auquel d'ailleurs elle a consenti dans le cadre de sa demande d'asile, cette circonstance n'est pas susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur le sens de la décision prise ou de l'avoir privée d'une garantie. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur ces points, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté dans toutes ses branches.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Si Mme B... se prévaut de son état de vulnérabilité du fait de sa qualité de demandeur d'asile et de son parcours migratoire éprouvant, elle ne justifie pas de liens familiaux privilégiés et les circonstances invoquées ne suffisent pas pour estimer que le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
18. En dernier lieu, pour le surplus, Mme B... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge aux points 4 et 11 du jugement attaqué et tirés de ce que l'arrêté contesté du 9 février 2023 décidant son transfert aux autorités croates ne méconnait ni l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatifs au droit à l'information ni, pour les mêmes motifs les stipulations 2 de l'article 3 du même règlement et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ont été reprises par l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2023 décidant son transfert aux autorités croates. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions de la requérante aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
Le rapporteur, Le président,
O. COIFFET O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23NT02370 2
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