Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2215984 du 22 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mars 2023, M. B..., représenté par Me Guilbaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 décembre 2022 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 17 octobre 2022 portant transfert vers l'Autriche ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il précise que M. B... a été transféré en Autriche, et soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel le préfet a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités autrichiennes :
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent (...) b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...). ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, si M. B... a été reçu en entretien individuel le 11 octobre 2022 à la préfecture de police de Paris et qu'il a signé le résumé de cet entretien, ce compte-rendu, qui ne mentionne aucune observation de la part de l'intéressé, est seulement revêtu d'un cachet sommaire d'un service, ne contient aucune signature de la personne ayant mené l'entretien, aucune mention sur l'identité de cette personne, ni même de simples initiales désignant un agent de la préfecture nommément identifié ou identifiable. En défense, le préfet reconnaît que ce cachet " ne permet pas d'identifier l'agent ayant conduit l'entretien mais seulement d'individualiser les cachets au sein du bureau de l'accueil ". Il n'apporte aucun élément de nature à établir la qualité de cet agent. Dans ces conditions, l'entretien dont a bénéficié M. B..., ne saurait être regardé comme ayant été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner puis de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
4. L'exécution du présent arrêt implique seulement, par application des dispositions précitées, qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par M. B... et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
5. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Guilbaud, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Guilbaud de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2215984 du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes ainsi que l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 17 octobre 2022 portant transfert de M. B... aux autorités autrichiennes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Sous réserve que Me Guilbaud renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, l'Etat versera à Me Guilbaud, avocate de M. B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00598