Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 24 novembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie) refusant de délivrer à M. B... A... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.
Par un jugement n° 2114716 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août et 4 novembre 2022, Mme C... A... et M. B... A..., représentés par Me Chauvière, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de 10 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision de la commission est entachée d'un défaut de motivation ;
- M. A... a droit à un visa en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... et Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A... a été enregistrée le 21 décembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante française née le 14 février 1978, a épousé le
20 mars 2017 à Bagnolet M. B... A..., ressortissant algérien né le 27 mai 1989. Par une décision implicite, née le 24 novembre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Alger refusant de délivrer à M. B... A... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un jugement du 25 avril 2022, dont M. et Mme A... relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires ou diplomatiques de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, sur la base d'éléments précis et concordants, que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.
3. Il ressort des écritures du ministre que pour rejeter le recours formé par Mme A... contre la décision des autorités consulaires françaises à Alger la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'existence d'une fraude au mariage. A cette fin, le ministre fait valoir que les intéressés ont produit une attestation manifestement frauduleuse et qu'il n'existe pas de preuve de communauté de vie.
4. Il ressort des pièces du dossier présentées pour la première en appel par les époux A... que le couple, qui s'est rencontré en 2015, a vécu ensemble au domicile de Mme A... avant leur mariage conclu, sans opposition de l'autorité judiciaire, le 20 mars 2017. Ils sont devenus les parents d'une enfant née le 4 juin 2018. Un contrat de travail et des bulletins de paie de 2019 attestent du fait que le couple disposait d'un domicile commun jusqu'au départ de M. A... en Algérie la même année. Les pièces versées attestent également du maintien depuis lors de relations par messagerie et de la persistance d'un bail établi aux deux noms du couple en France. La circonstance que le ministre a des doutes sur l'auteur d'une attestation censée émaner de Mme A... et produite à l'appui de la demande de visa ne suffit pas à établir le caractère frauduleux du mariage contracté en 2017, tout comme la circonstance que M. A... s'est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour, avec une obligation de quitter le territoire français, en 2020, soit après son départ pour l'Algérie en 2019. Dans ces conditions, en se fondant sur le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. A.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Chauvière de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2114716 du 25 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes et la décision née le 24 décembre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B... A... un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chauvière une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.
Le président de la formation de jugement, rapporteur,
C. RIVAS
L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,
C. ODY
Le président de la formation de jugement, rapporteur,
C. RIVAS
L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,
C. ODY
Le président de la formation de jugement, rapporteur,
C. RIVAS
L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,
C. ODY
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02655