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16/01/2024 | FRANCE | N°22NT02000

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 16 janvier 2024, 22NT02000


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. L... F... H... et Mme K... F... G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 12 mai 2021 de l'autorité consulaire française en République émocratique du Congo, refusant de délivrer à Mme K... F... G... et aux enfants A... C... F..., J... M... F... et D... F... B... des visas de long séjo

ur en qualité de membres de famille de réfugié.



Par un jugement nos 2112021, 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L... F... H... et Mme K... F... G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 12 mai 2021 de l'autorité consulaire française en République émocratique du Congo, refusant de délivrer à Mme K... F... G... et aux enfants A... C... F..., J... M... F... et D... F... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement nos 2112021, 2112022 du 25 avril 2022 le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse la délivrance des visas demandés aux enfants A... C... F..., J... M... F... et D... F... B..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés aux intéressés et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2022, Mme K... F... G... et M. L... F... H..., représentés par Me Acheli, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de délivrance du visa demandé par Mme K... F... G... ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer le visa demandé par Mme K... F... G... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme K... F... G... et

M. L... F... H... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision de l'autorité consulaire est entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision de la commission de recours contestée est entachée d'erreur dans l'appréciation du caractère probant des éléments d'état-civil produits lesquels établissent l'identité de Mme K... F... G... et son lien de filiation avec le réunifiant ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. F... H... et de Mme F... G..., une décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, née le

23 septembre 2021, en tant qu'elle refuse la délivrance des visas de long séjour aux enfants A..., J... et D... en qualité de membres de famille de réfugié et a rejeté le surplus de la demande tendant à l'annulation de la même décision en tant qu'elle refuse de délivrer à Mme K... F... G... le visa demandé. M. F... et Mme F... G... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande.

2 . En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

3. Si les requérants font valoir que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'est pas motivée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient demandé à la commission de recours la communication des motifs de sa décision implicite. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. ". Aux termes de l'article L. 561-5 dudit code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ".

5. La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.

6. L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. A l'appui de la demande de visa présentée pour Mme K... F... G..., née le 16 décembre 2002, il a été produit un jugement supplétif de naissance rendu le 25 mai 2018 par le tribunal pour enfants de I... / E..., ainsi que l'acte de naissance établi le

19 octobre 2018 sur la base de ce jugement supplétif. Il ressort des pièces du dossier que le jugement supplétif mentionne à plusieurs reprises dans des termes précis et non stéréotypés que M. L... F... H... a comparu personnellement à l'audience publique, sans assistance judiciaire, et qu'il a déclaré être le père biologique de Mme K... F... G.... Le ministre de l'intérieur relève, sans être contredit, que M. L... F... H... se trouvant en France depuis le 18 janvier 2015 et ayant obtenu le statut de réfugié le 11 mai 2016 ne pouvait se trouver en République démocratique du Congo à la date de l'audience publique ayant donné lieu au jugement supplétif de naissance rendu le 25 mai 2018. Cette circonstance remet en cause l'ensemble des éléments sur lesquels le juge du tribunal pour enfants de I... s'est fondé pour admettre le lien de filiation entre Mme K... F... G... et le réunifiant et permet de conclure au caractère frauduleux de ce jugement supplétif. Par suite, en estimant que l'identité de la demanderesse du visa, et partant, son lien familial à l'égard de M. L... F... H... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une exacte application des dispositions précitées.

8. En troisième lieu, l'identité de la demanderesse du visa et partant son lien de filiation avec le réunifiant n'étant pas établis, la décision de la commission de recours ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux buts dans lesquels elle a été prise.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... H... et Mme F... G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il suit de là que leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... H... et Mme F... G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... F... G..., à M. L... F... H... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président de la formation de jugement,

C. RIVAS

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02000
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : ACHELI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;22nt02000 ?
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