La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2024 | FRANCE | N°21NT03680

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 16 janvier 2024, 21NT03680


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Cancale (Ille-et-Vilaine) à lui verser la somme de 275 800 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison des fautes commises par les services de l'urbanisme de cette commune.



Par un jugement n° 1903628 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes n'a pas admis l'intervention de M. B... A.

.., de Mme I... A..., de M. D... A..., de Mme H... A... et de M. E... A... et a rejeté la dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Cancale (Ille-et-Vilaine) à lui verser la somme de 275 800 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison des fautes commises par les services de l'urbanisme de cette commune.

Par un jugement n° 1903628 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes n'a pas admis l'intervention de M. B... A..., de Mme I... A..., de M. D... A..., de Mme H... A... et de M. E... A... et a rejeté la demande de M. G... A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 décembre 2021 et 9 novembre 2022, M. G... A..., représenté par Me Troude, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner la commune de Cancale à lui verser la somme de 275 800 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de sa demande préalable du 9 mars 2019, en réparation des préjudices nés de l'impossibilité opposée à tort à deux acquéreurs de ses biens immobiliers de réaliser leur projet, avant leur vente à un prix inférieur à des tiers ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cancale la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a considéré que M. B... A..., Mme I... A..., M. D... A..., Mme H... A... et M. E... A... étaient intervenants à l'instance alors qu'ils étaient parties et avaient donné mandat à M. G... A... et à son conseil pour les représenter ; en tout état de cause il s'agissait d'une requête collective avec désignation d'un représentant unique ;

- le maire de Cancale a commis une faute en sollicitant un avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ; celui-ci n'était pas requis pour le projet des époux C..., lequel ne comportait aucun changement de destination en l'absence d'une exploitation agricole préexistante, au regard des locaux accessoires existants et alors que les bâtiments étaient précédemment utilisés comme habitation ou en ruine ;

- les biens immobiliers entrant dans le champ de l'article L. 151-12 du code de l'urbanisme, les dispositions des articles A 1 et A 2 du plan local d'urbanisme ne pouvaient fonder des refus de permis de construire ;

- la commune a commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité par ses conseils erronés, ses erreurs et tergiversations ; notamment la modification du plan local d'urbanisme du 9 mai 2016 a retardé les projets et a découragé les investisseurs ; elle n'a pas été impartiale dans le traitement des demandes ;

- il sera indemnisé pour un total de 143 200 euros dont 92 600 euros au titre de la différence entre le prix de vente de leur bien accepté par les époux C... et le prix accepté par les premiers acquéreurs de l'ensemble immobilier, et 50 600 euros en raison du différé de paiement de la vente de leur bien entre le 31 mars 2016 et le 20 décembre 2018, ainsi que de 132 600 euros correspondant à la différence entre le prix de vente de leur bien accepté par la SCI du Plateau Les Halles et celui accepté par les premiers acquéreurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, la commune de Cancale, représentée par Me Donias, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en première instance MM. B..., D... et E... A... et Mmes I... et H... A... ont présenté une intervention irrecevable pour les motifs retenus par le tribunal administratif de Rennes ; au surplus, leur demande indemnitaire était tardive en tant qu'elle était présentée par ces personnes ;

- M. A... n'est pas recevable à demander l'allocation d'une indemnité de 132 000 euros au titre de la différence entre le prix de vente de leur bien accepté par la SCI du Plateau et le prix accepté par les acquéreurs ; sa première demande indemnitaire ne portait que sur deux chefs de préjudice distincts ;

- la demande de permis de construire présentée par M. et Mme C... aurait pu être refusée pour d'autres motifs que celui mentionné qu'il s'agisse du pigeonnier ou du hangar et en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; s'agissant du projet de la société du Plateau Les Halles, outre les motifs retenus par le jugement, le projet contrevient à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- la demande indemnitaire globale demandée est inférieure à la somme des préjudices invoqués ; M. A... ne peut prétendre à être indemnisé personnellement que d'un 1/6ème des sommes demandées en raison de l'existence d'une indivision ;

- pour le reste, les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Troude, représentant M. A..., et de Me Laville-Collomb, représentant la commune de Cancale.

Deux notes en délibéré, présentées pour M. A..., ont été enregistrées le 9 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., Mme I... A..., M. D... A..., M. G... A... et M. E... A... ont hérité, au décès le 10 octobre 2014 de leur mère Mme B... J... épouse A..., de la pleine propriété d'un ensemble de parcelles d'une contenance totale d'environ 1,9 hectare, situé au lieudit Le Val ès Cerfs à Cancale (Ille-et-Vilaine), supportant un corps de ferme composé notamment d'un logement principal, d'une ancienne cidrerie, d'un pigeonnier et d'un hangar. Ils ont signé un premier compromis de vente le 13 juin 2015 avec les époux C... au prix de 460 000 euros, auquel une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours a été ajoutée par avenant du 22 juin 2015. Toutefois, par arrêté du 31 mars 2016, le maire de Cancale a refusé de délivrer le permis de construire sollicité par M. et Mme C.... Les consorts A... ont ensuite signé un deuxième compromis de vente le 17 mars 2017 avec la société Plateau Les Halles, au prix de 500 000 euros, sous réserve d'une condition suspensive équivalente. Cependant, après des contacts avec les services d'urbanisme de la commune de Cancale, la société Plateau Les Halles a renoncé à déposer un dossier de demande de permis de construire et à poursuivre son achat. Après avoir été démarchés par une nouvelle société les consorts A... ont vendu leurs biens immobiliers à M. Baron et à Mme F... au prix de 367 400 euros par un acte authentique du 20 décembre 2018. Par un premier courrier daté du 9 mars 2019, les consorts A... ont demandé à la commune de Cancale de les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison des fautes commises par les services de l'urbanisme de cette commune, fautes qui seraient à l'origine de la vente, en 2018, de leur bien à un prix moindre que ceux précédemment négociés. Le 23 juillet 2020 ils ont sollicité une indemnisation complémentaire pour un montant total réévalué de 275 800 euros. Le maire de Cancale a rejeté explicitement ces demandes les 13 mai 2019 et 29 juillet 2020. Par un jugement du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes n'a pas admis l'intervention présentée par MM. B..., D... et E... A... et Mmes I... et H... A... et a rejeté la demande présentée par M. G... A... tendant à être indemnisé pour 275 800 euros des préjudices invoqués.

Sur la régularité du jugement attaqué en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance en tant qu'elle aurait été présentée par MM. B..., E... et D... A... et Mme H... A... :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. " et aux termes de l'article R. 411-5 de ce code : " Sauf si elle est signée par un mandataire régulièrement constitué, la requête présentée par plusieurs personnes physiques ou morales doit comporter, parmi les signataires, la désignation d'un représentant unique. (...) ". Aux termes de l'article R. 632-1 du même code : " L'intervention est formée par mémoire distinct. (...) ".

3. M. A... soutient que c'est à tort que le jugement attaqué a écarté la demande en tant qu'elle était présentée par MM. B..., E... et D... A... et Mme H... A... et l'a analysée comme une intervention qu'il n'a pas admise.

4. Il résulte de l'instruction que la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes le 13 juillet 2019 a été présentée par le seul M. G... A..., avec mention de son domicile, tandis que, par un ultime mémoire enregistré le 14 septembre 2020, sans que la demande de M. G... A... leur ait été communiquée par le tribunal administratif de Rennes, et après l'expiration du délai de recours contentieux, MM. B..., E... et D... A... et Mme H... A... se sont présentés devant les premiers juges comme requérants, avec mention de leurs adresses respectives, communication de mandats donnés à M. G... A... pour agir en leur nom dans " la procédure de demande de dommages et intérêts " et indication que M. G... A... était le représentant des consorts A.... Or, dans le cadre de l'instance qu'il a introduit seul devant ce tribunal, et qui n'était donc pas une requête collective au sens de l'article R. 411-5 du code de justice administrative, M. G... A... était l'unique partie demandeuse à l'instance alors même qu'il pouvait être regardé par ailleurs comme le gestionnaire des biens de l'indivision le liant au reste de sa fratrie. Aussi le mémoire du

14 septembre 2020, en tant qu'il émanait de ses frères et sœurs, ne pouvait être regardé que comme un mémoire en intervention à l'appui de la demande. Or, faute d'être présenté par un mémoire distinct, cette intervention ne pouvait être admise en application de l'article R. 632-1 du code de justice administrative. Par suite, c'est sans irrégularité que le jugement attaqué a analysé la demande de MM. B..., E... et D... A... et Mme H... A... comme une intervention, qui n'a pas été admise, la demande présentée par M. G... A... demeurant par ailleurs recevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. M. A... soutient que la responsabilité fautive de la commune de Cancale est engagée du fait de la délivrance de renseignements erronés et d'un refus de permis de construire illégal le 31 mars 2016 à M. et Mme C..., puis, ultérieurement, du fait de renseignements également erronés donnés à la société Plateau Les Halles. Le comportement reproché à la commune aurait concouru à leurs renoncements respectifs à l'achat du bien immobilier de l'indivision A... en 2016, puis en 2017.

En ce qui concerne le refus de permis de construire opposé le 31 mars 2016 par le maire de Cancale au projet de M. et Mme C... et le traitement par la collectivité de leur demande :

6. Aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable le 31 mars 2016 : " Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / (...) 2° Désigner, en dehors des secteurs mentionnés à l'article L. 151-13, les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le changement de destination est soumis, en zone agricole, à l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime (...). ". Et aux termes de l'article L. 151-12 de ce code : " Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières et en dehors des secteurs mentionnés à l'article L. 151-13, les bâtiments d'habitation existants peuvent faire l'objet d'extensions ou d'annexes, dès lors que ces extensions ou annexes ne compromettent pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. (...) ".

7. L'article R. 151-27 du code de l'urbanisme dispose par ailleurs que : " Les destinations de constructions sont : / 1° Exploitation agricole et forestière ; / 2° Habitation (...). ". Aux termes de l'article R. 421-14 du même code : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : / (...) c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 / (...). Pour l'application du c du présent article, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal. ".

8. Aux termes du règlement du plan local d'urbanisme de Cancale en vigueur le

31 mars 2016 : " La zone A est une zone agricole à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. (...) " et aux termes de son article A1 : " En zone A sont interdites les constructions, installations ou utilisations du sol non exclusivement liées et nécessaires à l'exploitation agricole et aux services publics ou d'intérêt collectif. (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que les consorts A... ont signé le 13 juin 2015 avec M. et Mme C... un compromis de vente de leur bien immobilier situé au lieu-dit Le Val ès Cerfs, classé en zone A au plan local d'urbanisme, et ont saisi le maire de Cancale le 22 juin suivant d'une demande de modification du plan local d'urbanisme afin de permettre aux acquéreurs de leur bien de réaliser leur projet de rénovation du corps de ferme à des fins d'habitat. Ils y précisaient que celui-ci n'était plus le siège de l'exploitation agricole de M. E... A... et qu'une activité légumière n'y était pas envisageable. Le 3 juillet 2015, le maire de Cancale les a informés qu'il était à la recherche d'une solution afin de permettre le changement de destination demandé, éventuellement au terme d'une modification du plan local d'urbanisme. Sans attendre le terme de la procédure de modification du plan local d'urbanisme engagée consécutivement en 2015, M. et Mme C... ont déposé une demande de permis de construire le 4 février 2016, laquelle a été rejetée le 31 mars 2016 par le maire de Cancale, au motif que la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, saisie pour avis conforme sur le fondement du 2° de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme alors en vigueur en raison du changement de destination de certaines des constructions objet de la demande de permis de construire, n'avait pas émis un avis favorable à la totalité de ce projet dans un avis du 8 mars 2016. En conséquence du refus de permis de construire, les époux C... ont renoncé à leur achat des biens des consorts A.... La modification simplifiée du plan local d'urbanisme de Cancale permettant notamment les changements de destination d'anciens bâtiments agricoles classés en zone A a été adoptée le

9 mai 2016 par le conseil municipal.

10. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le corps de ferme objet des projets de construction de M. et Mme C... a servi de siège d'exploitation au père des consorts A..., lequel était exploitant agricole jusqu'au transfert de cette exploitation à l'un de ses fils, M. E... A..., en 1988. Si M. G... A... soutient désormais que le transfert du siège de l'exploitation de M. E... A... a été effectué en 1989, dans un courrier du 22 juin 2015 adressé au maire de Cancale, signé notamment par M. E... A..., les consorts A... indiquaient toutefois que ce " transfert (...) n'a jamais été effectué lors de la construction de son habitation ". Les parents des consorts A... ont vécu à cet endroit jusqu'à leurs décès respectifs en 1993 et 2014, sans qu'il soit établi que le corps de ferme n'aurait plus été utilisé pendant cette période à des fins d'exploitation agricole. Aussi ce corps de ferme, dont une partie a été édifiée sans permis de construire du fait de son ancienneté, est resté habité jusqu'au projet de vente. D'autre part, si le corps de ferme comprenait un logement principal dans sa partie la plus ancienne, il comprenait également à proximité immédiate, mais séparé au moins par un bâtiment à usage de germoir à pommes de terre, un bâtiment qualifié d'" ex cidrerie " dans la notice architecturale du projet des époux C..., et décrit comme un bâtiment abritant une pièce à usage de cellier surmonté d'un grenier dans le compromis de vente signé en 2015. Ce dernier document mentionne également un pigeonnier situé à l'écart du corps de ferme. Or à tout le moins ces bâtiments, l'ancienne cidrerie et le pigeonnier, sont les supports d'une exploitation agricole et il n'est pas établi qu'ils auraient perdu les caractéristiques d'une telle destination agricole, alors même que dans les années précédant le projet de vente de 2015 ils auraient pu avoir un usage distinct du fait du décès de M. A... père et de l'âge de sa conjointe survivante. Il est constant par ailleurs que le projet des époux C... consistait précisément à changer la destination de ces bâtiments afin de les habiter après leur restructuration. Enfin si M. A... se prévaut des dispositions de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, celles-ci ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce alors, d'une part, qu'elles ont pour objet de définir les travaux entrant dans le champ du permis de construire et d'autre part que l'ancienne cidrerie et le pigeonnier mentionnés ne constituent pas du fait de leurs caractéristiques et de leur localisation des locaux accessoires du logement principal. S'il est également soutenu que le pigeonnier était en réalité une ruine, une telle assertion n'est pas corroborée par l'instruction dès lors que la notice architecturale du projet de construction mentionne que " les murs existants en pierre sont conservés et rénovés selon diagnostic " et qu'une toiture sera posée. Pour ce motif, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 151-12 du code de l'urbanisme applicable aux seuls bâtiments d'habitation. Dans ces conditions les consorts A... ne sont pas fondés à soutenir que le projet de construction des époux C... n'impliquait pas nécessairement un changement de destination de certains des bâtiments objets de ce projet.

11. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'à la date de l'arrêté de refus de permis de construire, nonobstant la mention erronée dans un visa de cette décision d'une modification du plan local d'urbanisme de Cancale approuvée le 1er février 2016, la délibération permettant en application de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme de désigner des bâtiments susceptibles de faire l'objet d'un changement de destination n'était pas intervenue, cette modification n'ayant été approuvée que par une délibération du 9 mai 2016. De plus, ainsi qu'exposé au point 8, il résulte également de l'instruction que les dispositions précédentes du plan local d'urbanisme de Cancale ne comportaient pas de dispositions permettant leur mise en œuvre.

12. Dans ces conditions, indépendamment du motif opposé par le maire de Cancale à la demande de permis de construire de M. et Mme C..., il ne pouvait être fait droit, en l'état de la réglementation applicable dans cette zone à la date du refus de permis de construire, à leur projet de construction prévoyant notamment, ainsi qu'il résulte de la notice architecturale de leur projet, un changement de destination de certains des bâtiments à destination agricole du corps de ferme des consorts A... en habitation. Aussi ce projet de construction, contrevenant aux dispositions applicables à la zone A du plan local d'urbanisme de la commune, ne pouvait qu'être rejeté. En conséquence, l'illégalité fautive de la décision de refus de permis de construire du 31 mars 2016 opposée par la commune de Cancale n'est pas établie.

13. M. A... soutient par ailleurs que la responsabilité de la commune serait engagée du fait des renseignements erronés qui leur ont été délivrés, ainsi qu'à M. et Mme C..., préalablement à la demande de permis de construire présentée par ces derniers. Ceci expliquerait, avec les délais mis pour instruire la demande de permis de construire, la renonciation par M. et Mme C... à l'achat de leur propriété. Cependant, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, les dispositions du plan local d'urbanisme opposables à la date de la signature du compromis de vente de la propriété des consorts A... avec M. et Mme C... ne permettaient pas la réalisation du projet de ces derniers en ce qu'il impliquait le changement de destination de bâtiments agricoles en bâtiments d'habitation. Les intéressés en ont été informés dès le courrier du 3 juillet 2015 du maire de Cancale. La commune, alors même qu'elle n'y était pas tenue, a ensuite rapidement engagé une procédure de modification de son plan local d'urbanisme afin de permettre la mise en œuvre des dispositions du 2° de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme et le changement de destination de certains bâtiments agricoles. Or si cette modification du plan local d'urbanisme, adoptée le 9 mai 2016, était de nature à permettre la réalisation d'un projet tel que celui de M. et Mme C... prévoyant le changement de destination de bâtiments agricoles existants, ces derniers ont toutefois choisi ne pas poursuivre en ce sens. Par ailleurs, il n'appartenait pas à la commune, avant le dépôt de la demande de permis de construire de M. et Mme C..., ou lors de l'instruction de leur demande, de leur exposer précisément quelles étaient les parties de leur projet susceptibles de justifier un refus de permis de construire. Enfin, aucune tardiveté fautive de la commune n'est observable dans l'instruction de la demande des époux C..., lesquels ont déposé leur demande de permis le 4 février 2016 et se sont vus opposer un refus le 31 mars suivant. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune serait engagée du fait de la délivrance de renseignements erronés.

14. Enfin les circonstances que le plan local d'urbanisme de Cancale aurait connu des évolutions ultérieures permettant, outre des changements de destination des bâtiments agricoles, l'extension de constructions existantes et qu'à l'occasion de l'examen de projets immobiliers ultérieurs de tiers, la commune aurait répondu plus rapidement, et favorablement, aux demandes des pétitionnaires ne sont pas de nature à identifier une faute de cette collectivité à l'égard des consorts A....

En ce qui concerne l'examen par la commune de Cancale du projet de construction présenté par la société Plateau les Halles :

15. Il résulte de l'instruction que les consorts A... ont conclu le 17 mars 2017 avec la société civile immobilière Plateau les Halles un compromis de vente pour les biens immobiliers précédemment identifiés situés à Cancale, sous réserve de l'obtention d'un permis de construire par l'acquéreuse pour un projet annexé à ce document, avec dépôt de cette demande en mairie au plus tard le 17 mai 2017. Il résulte des termes d'un courrier du 29 mai 2017 de l'architecte de la société acquéreuse qu'après une réunion le 15 mai 2017 entre les représentants de cette société, le maire de Cancale et un directeur de cette collectivité, ainsi que deux architectes, que " la faisabilité du projet " est apparue " compromise " compte tenu de la nécessité, non clairement contestée par l'auteur du courrier, de procéder à une ou des modifications préalables du plan local d'urbanisme et d'incertitudes juridiques s'avérant incompatibles avec le calendrier précité.

16. Les affirmations de M. A... selon lequel le projet de construction non formalisé et envisagé par cette société ne nécessitait aucune modification préalable du plan local d'urbanisme ni consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ne sont pas étayées, alors qu'il résulte du courrier précité que l'architecte du projet, professionnel du bâtiment et auteur de ce projet, ne conteste pas la nécessité de procéder à de telles modifications et relève pour l'essentiel une incompatibilité entre le calendrier d'adoption de ces modifications et celui que s'était fixé la société Plateau les Halles, professionnelle de l'immobilier. Du reste, la société ne présentera pas même une demande de permis de construire. Le même courrier souligne également que " la volonté de la mairie de faire aboutir le projet semble manifeste, car elle a bien conscience de l'intérêt public du projet présenté. ". Par ailleurs, le délai compris entre la signature du compromis de vente et la réunion du 15 mai suivant entre le maire de Cancale et les acquéreurs potentiels du bien n'atteste d'aucune volonté de repousser l'examen de ce projet, alors surtout que la commune n'était toujours pas saisie d'une demande de permis de construire. Enfin, la circonstance qu'une autre société s'est vue délivrer le 10 décembre 2018 un certificat d'urbanisme opérationnel positif sur le tènement des consorts A... est ici sans incidence s'agissant d'un projet distinct de celui de la société Plateau les Halles, présenté plus d'un an après, et alors qu'une nouvelle procédure de modification du plan local d'urbanisme avait été engagée. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune de Cancale serait engagée en raison de la délivrance d'informations erronées à la société Plateau les Halles ou du comportement partial de son maire décidé à entraver le projet de cette société et plus largement la réalisation de la vente de leurs biens par les consorts A....

17. En conséquence, la responsabilité pour faute de la commune de Cancale à l'égard de M. A... n'est pas engagée.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. A.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Cancale.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. G... A... versera à la commune de Cancale la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... et à la commune de Cancale.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

Le président de la formation de jugement, rapporteur,

C. RIVAS

L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,

C. ODY

L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,

C. ODY

Le président de la formation de jugement, rapporteur,

C. RIVAS

L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,

C. ODY

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03680
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET TROUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;21nt03680 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award