Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... Méhouas a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2018 par lequel le maire de la commune de Langueux (Côtes-d'Armor) ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Free Mobile pour l'implantation d'un pylône de de téléphonie mobile sur une parcelle cadastrée section BD n°115, 31 rue du chemin Noé, ainsi que la décision du 11 décembre 2018 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 1900682 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 décembre 2021, la commune de Langueux, représentée par Me Donias, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2021 ;
2°) à titre principal de rejeter la demande présentée par Mme Méhouas devant le tribunal administratif de Rennes et, à titre subsidiaire, de faire application des dispositions des articles L. 600-5 ou 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge de Mme Méhouas une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la recevabilité de la demande de Mme Méhouas a été admise à tort ;
- les décisions en litige ne méconnaissent pas les articles UY 1 et UY 2 du plan local d'urbanisme ;
- les décisions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 14 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le tribunal n'a pas mis en œuvre les pouvoirs qu'il tire de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- il appartient à la cour de mettre en œuvre les pouvoirs qu'elle tire des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens soulevés par Mme Méhouas ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 25 mars 2022 et 12 juin 2023, Mme A... Méhouas, représentée par Me Corneloup, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Langueux et de la société OTF une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société OTF n'a pas intérêt à intervenir à l'instance ;
- elle a intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par la commune de Langueux ne sont pas fondés ;
- le dossier de déclaration préalable est incomplet et insuffisant ;
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme
- l'arrêté contesté méconnait le principe de précaution.
Le requête et les mémoires enregistrés dans la présente instance ont été communiqués à la société Free mobile qui n'a pas produit de mémoire.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 21 décembre 2022, la société On Tower France (OTF), représentée par Me Martin, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2021 et au rejet de la demande présentée par Mme Méhouas.
Elle soutient que :
- son intervention est recevable ;
- Mme Méhouas n'a pas intérêt à agir ;
- les décisions en litige ne méconnaissent pas les articles UY 1 et UY 2 du plan local d'urbanisme ;
- les décisions en litige ne méconnaissent pas l'article UY 3 du plan local d'urbanisme ;
- les décisions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 14 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le dossier de déclaration préalable n'est pas incomplet ;
- les décisions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ;
- les décisions en litige ne méconnaissent ni les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ni les dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable ;
- les décisions contestées ne méconnaissent pas le principe de précaution.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Laville Collomb, représentant la commune de Langueux et celles de Me Calvo, représentant Mme Méhouas.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 septembre 2018, le maire de la commune de Langueux (Côtes-d'Armor) ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile pour l'installation d'un pylône de téléphonie mobile sur un terrain déjà bâti, cadastré section BD n°115, situé 31 rue du Chemin Noé. La commune de Langueux relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de Mme Méhouas, cet arrêté ainsi que la décision du 11 décembre 2018 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux.
Sur la recevabilité de l'intervention :
2. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.
3. En l'espèce si la société OFT fait valoir que la société Free mobile lui aurait cédé le site supportant la station relais contestée, elle n'en justifie par aucune pièce malgré la fin de non-recevoir opposée sur ce point par Mme Méhouas. Ainsi, son intervention à l'appui de la requête de la commune de Langueux n'est pas recevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
4. Il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision relative à l'occupation du sol régie par le code de l'urbanisme, en particulier lorsqu'une fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir est soulevée en défense, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état d'éléments suffisamment précis et étayés. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme Méhouas réside dans une maison dénommée " villa du domaine de la croix " dont elle est copropriétaire avec sa sœur, qui est située à moins de 190 mètres du terrain d'assiette du projet d'implantation du pylône d'une hauteur de 26, 30 mètres destiné à supporter des antennes relais, tandis que la limite du parc arboré entourant la villa se trouve distante d'environ 100 mètres du projet. Les photographies produites par Mme Méhouas et le relevé altimétrique démontrent qu'en dépit de la présence d'un bâtiment industriel situé entre le parc et le lieu d'implantation du projet, ce pylône est visible depuis sa propriété qui se trouve en surplomb de l'ouvrage litigieux. Dans ces conditions, Mme Méhouas doit être regardée comme justifiant d'un intérêt suffisant à agir contre la décision de non-opposition litigieuse. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune doit être écartée.
En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :
S'agissant de la méconnaissance des dispositions des articles UY 1 et UY 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune :
6. La parcelle d'implantation du projet contesté est située en zone Uya du règlement du plan local d'urbanisme " correspondant aux secteurs d'activités économiques diversifiées d'artisanat, d'industrie, de bureaux ".
7. D'une part, aux termes de l'article UY1 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) / les constructions autres que celles qui sont autorisées à l'article UY2 sont interdites en secteurs Uya et Uyb. En sous-secteurs Uya-Uyb-Uyc les constructions dont la destination n'est pas explicitement autorisée à l'article 2 du présent règlement sont interdites (...) " et aux termes de l'article UY2 dudit règlement : " Sont autorisées en secteur Uya les extensions et les annexes des constructions existantes à destination d'artisanat, d'industrie, de bureaux. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 8 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme : " Sauf dispositions particulières exprimées dans les différents articles des règlements de zones, il n'est pas fixé de règles spécifiques en matière d'implantation, de coefficient d'emprise au sol, de hauteur, d'aspect extérieur, de stationnement et de coefficient d'occupation des sols pour la réalisation : / . D'ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des réseaux d'utilité publique ou d'intérêt collectif (éoliennes, antennes, infrastructures relatives au haut débit,), / . De certains ouvrages exceptionnels tels que les clochers, les silos...dans la mesure où ils ne sont pas interdits dans les articles 1ers des différents règlements de zones. ".
8. En l'espèce, les articles UY 1 et UY 2 du plan local d'urbanisme comportent des dispositions particulières concernant la zone Uy qu'ils régissent. Ces dispositions combinées n'autorisent, notamment pour la zone Uya à laquelle appartient la parcelle d'implantation du projet, que les extensions et les annexes des constructions existantes à destination d'artisanat, d'industrie, de bureaux, dont les antennes relais de téléphonie mobile ne relèvent pas. L'article 8 des dispositions générales du plan local d'urbanisme, qui prévoit qu'il n'est pas fixé de règles spécifiques en matière d'implantation, de coefficient d'emprise au sol, de hauteur, d'aspect extérieur, de stationnement et de coefficient d'occupation des sols pour la réalisation concernant les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des réseaux d'utilité publique ou d'intérêt collectif ne peut trouver à s'appliquer alors, comme il vient d'être dit, que ces installations ne sont pas au nombre de celles limitativement autorisées en zone Uy. Par suite, les décisions en litige méconnaissent les dispositions des articles UY 1 et UY 2 du règlement du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Langueux.
S'agissant de la méconnaissance des dispositions générales de l'article 14 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune :
9. Aux termes de l'article 14 des dispositions générales du plan local d'urbanisme concernant la défense incendie : " D'une manière générale, pour être constructible, un terrain devra bénéficier d'une défense incendie à proximité, présentant des caractéristiques techniques adaptées à l'importance de l'opération et appropriées aux risques. (...) Zones industrielles ou artisanales : la défense extérieure contre l'incendie sera assurée par des bouches ou poteaux d'incendie conformes aux normes, implantés tous les 200 m maximum (...) ".
10. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la parcelle d'assiette du projet cadastrée section BD n°115 se trouverait située à moins de 200 mètres d'un système de défense incendie adapté aux risques que présente l'installation de la station relais de téléphonie mobile, laquelle doit au demeurant s'implanter à proximité d'une menuiserie. A cet égard, il est constant que le point d'eau d'incendie le plus proche est implanté à plus de 380 mètres de la parcelle support de l'opération projetée. Dans ces conditions, les décisions en litige méconnaissent les dispositions de l'article 14 du règlement du plan local d'urbanisme.
11. Il résulte de ce qui précède que les décisions en litige méconnaissent les dispositions des articles UY 1, UY 2 et 14 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. De telles illégalités sont de nature à fonder l'illégalité de l'ensemble de l'arrêté du 28 septembre 2018 portant non opposition à déclaration préalable et de la décision du 11 décembre 2018.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5 et de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
12. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
13. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
14. D'une part, il résulte de l'article UY 2 du règlement du plan local d'urbanisme dans sa rédaction issue de la modification approuvée le 27 février 2020 que les bâtiments et installations nécessaires aux services publics, dans la mesure ou leur installation sur d'autres zones n'est pas possible, sont désormais autorisés au sein du secteur UYc. Ces dispositions ne permettent toutefois pas l'installation d'une station relais de téléphonie mobile sur la parcelle d'implantation qui est située en secteur UYa dudit plan. D'autre part, aucune régularisation de l'arrêté contesté n'est possible s'agissant de la méconnaissance des dispositions de l'article 14 du règlement du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, il n'y a lieu de faire application, ni des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, ni de celles de l'article L. 600-5-1 du même code.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Langueux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions du 28 septembre 2018 et du 11 décembre 2018 du maire de Langueux.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme Méhouas, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Langueux de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Ces dispositions font également obstacle à ce que soit mis à la charge de la société OTF, qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance, le versement à Mme Méhouas de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Langueux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme Méhouas et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la société OTF n'est pas admise.
Article 2 : La requête de la commune de Langueux est rejetée.
Article 3 : La commune de Langueux versera à Mme Méhouas une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme Méhouas est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Langueux, à Mme A... Méhouas, à la société Free Mobile et à la société On Tower France.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
Le président,
S. DEGOMMIER
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03551