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21/11/2023 | FRANCE | N°23NT01829

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 novembre 2023, 23NT01829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n°2303730 du 18 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin et le 27 septembre 2023, Mme

B..., représentée par Me Desfrançois, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n°2303730 du 18 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin et le 27 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Desfrançois, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 15 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 :

* il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ;

* elle n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ;

- les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 :

* il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national ;

- elle méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile :

* depuis le 5 décembre 2022, l'Italie a indiqué, via une circulaire, suspendre les transferts dans le cadre de la procédure Dublin ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressée vers l'Italie.

Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de Mme B... vers l'Italie.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- et les observations de Me Néraudau, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de République du Congo, est entrée régulièrement en France le 14 novembre 2022. Le 29 novembre 2022, sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique de la préfecture de Loire-Atlantique La consultation du fichier " Visabio " a révélé que l'intéressée était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois lors du dépôt de sa demande d'asile, délivré par les autorités italiennes. Saisies par les autorités françaises, le 8 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par accord explicite. Par un arrêté du 15 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer l'intéressée aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer Mme B... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 18 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Sur les frais liés au litige :

5. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Desfrançois, avocat des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'il perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Desfrançois en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Desfrançois et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- Mme Gélard, première conseillère

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01829
Date de la décision : 21/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : DESFRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-21;23nt01829 ?
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