Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n°2303904 du 18 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, M. A..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 16 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;
2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision de transfert méconnait l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 13 du règlement général sur la protection des données du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 :
* il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ;
* il n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile ;
- au moment de sa prise d'empreintes, M. A... n'était pas informé des éléments relatifs à l'utilisation de ses empreintes et données personnelles ;
- les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 :
* l'exigence de confidentialité n'a pas été respectée ;
* le résumé d'entretien est incomplet ;
* il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national et le premier juge a inversé la charge de la preuve en retenant qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que l'entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée ;
- contrairement à ce qu'a estimé le préfet et le premier juge, à la date de la décision contestée, l'exécution des arrêtés de réadmission était suspendue, ce qui explique l'absence de réponse des autorités italiennes à la demande de prise en charge de l'intéressé ;
- la décision de transfert méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie qui n'est plus en capacité matérielle de reprendre en charge des demandeurs d'asile ;
- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il craint de subir des mauvais traitements en cas de renvoi en Guinée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'il a décidé d'abroger l'arrêté portant transfert de l'intéressé vers l'Italie.
Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de M. A... vers l'Italie.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
- le règlement (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- et les observations de Me Néraudau, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, déclare être entré irrégulièrement en France le 30 novembre 2022. Le 7 décembre 2022, il a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé que l'intéressé avait irrégulièrement franchi la frontière italienne dans les 12 mois du dépôt de sa première demande, le préfet a saisi les autorités italiennes le 12 décembre 2022 d'une demande de prise en charge de M. A.... Après accord implicite de ces autorités, par arrêté du 16 février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de remettre M. A... aux autorités italiennes. M. A... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'étendue du litige :
2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer M. A... vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 18 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc leur délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes.
Sur les frais liés au litige :
5. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Néraudau, avocate du requérant. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes.
Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Néraudau en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- Mme Gélard, première conseillère
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT01517