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21/11/2023 | FRANCE | N°23NT01461

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 novembre 2023, 23NT01461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de leur demande d'asile.

Par un jugement n°2304700, 2304702 du 26 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023, M.

G... et Mme F..., représentés par Me Prélaud, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de leur demande d'asile.

Par un jugement n°2304700, 2304702 du 26 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023, M. G... et Mme F..., représentés par Me Prélaud, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ainsi que les arrêtés du 13 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de leur remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de leur conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013, soulevé indépendamment du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- la motivation des arrêtés de transfert est insuffisante ;

- les arrêtés de transfert sont entachés d'un vice de procédure tiré de l'absence d'habilitation de l'auteur de la consultation du fichier " Visabio ", en méconnaissance de l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les arrêtés de transfert méconnaissent les dispositions de l'article 21 du règlement n° 604/2013, en l'absence de décision sur la demande de prise en charge du troisième enfant du couple, le jeune D... :

* il n'est pas établi que l'Italie a été saisie d'une requête aux fins de prise en charge de l'enfant D..., né le 22 février 2023 et que cet Etat ait accepté sa responsabilité à l'égard de cet enfant ;

- les arrêtés de transfert méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant :

* le préfet n'a pas tenu compte de leur vie privée et familiale sur le territoire français ;

- les arrêtés de transfert méconnaissent l'article 4 du règlement n°604/2013, faute d'avoir bénéficié de toutes les informations requises, par écrit ou à défaut expliqué oralement, et dans une langue qu'ils comprennent ;

- ils n'ont pas bénéficié d'un entretien individuel préalablement à la notification des décisions de transfert, conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 :

* l'entretien n'a pas respecté les règles de confidentialité ;

* il n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ;

- les arrêtés de transfert méconnaissent l'article 3-2 du règlement n°604/2013 en raison des défaillances systémiques constatées en Italie dans la procédure d'asile et l'accueil des demandeurs d'asile ;

- les arrêtés de transfert sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation, elles méconnaissent l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;

- les arrêtés de transfert méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, dès lors qu'ils sont susceptibles de subir des traitements inhumains et dégradants en Italie ;

- les arrêtés de transfert méconnaissent les dispositions de l'article L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'ils justifient être en situation de particulière vulnérabilité, dès lors que, outre la vulnérabilité intrinsèque liée à leur statut de demandeur d'asile, ils sont accompagnés de leurs trois enfants mineurs, dont le dernier est âgé d'à peine un mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation des requêtes et au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il a décidé d'abroger les arrêtés portant transfert des intéressés vers l'Italie.

Le préfet de Maine-et-Loire a produit, le 3 octobre 2023, l'arrêté du 29 septembre 2023 portant abrogation de l'arrêté de transfert de M. G... vers l'Italie.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- et les observations de Me Prélaud, représentant M. G... et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. M. G... et sa conjointe Mme F..., ressortissants arméniens, déclarent être entrés régulièrement en France le 7 décembre 2022. Le 21 décembre 2022, leurs demandes d'asile ont été enregistrées au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Visabio a révélé que les intéressés étaient chacun en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois lors du dépôt de leurs demandes d'asile, délivrés par les autorités italiennes. Saisies par les autorités françaises, le 28 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par accords explicites du 22 février 2023. Par deux arrêtés du 13 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de les transférer aux autorités italiennes pour l'examen de leurs demandes d'asile. Par un jugement du 26 avril 2023, dont M. G... et Mme F... relèvent appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution des décisions de transférer M. G... et Mme F... vers l'Italie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 26 avril 2023 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que ces arrêtés auraient reçu exécution pendant leur période de validité. Par suite, les arrêtés en cause sont caducs à la date du présent arrêt. La France, devenue responsable de la demande d'asile des intéressés, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus, doit donc leur délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et instruire cette demande. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. G... et de Mme F... tendant à l'annulation des arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes.

Sur les frais liés au litige :

5. M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de mille (1 000) euros, à verser à Me Prélaud avocate des requérants. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressée.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes de M. G... et de Mme F... tendant à l'annulation des arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de leur demande d'asile.

Article 2 : L'Etat versera la somme de mille (1 000) euros à Me Prélaud en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., à Mme B... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- Mme Gélard, première conseillère

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2023.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01461
Date de la décision : 21/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : PRELAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-21;23nt01461 ?
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