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14/11/2023 | FRANCE | N°23NT01189

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 novembre 2023, 23NT01189


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2010554 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 24 avril et 28 août 2023, M. B..., représenté par Me Rodrigues Devesas,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2010554 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 avril et 28 août 2023, M. B..., représenté par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet, en estimant que l'authenticité de son état-civil n'était pas établie, a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité tchadienne, né le 1er juillet 2002, qui est entré irrégulièrement en France en août 2018 et qui a été confié au conseil départemental de la Loire-Atlantique par un jugement d'assistance éducative du 2 octobre 2019, a demandé au préfet de ce département la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-14 et L. 313-15, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 juillet 2020, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours a fixé le pays de destination. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2023, dont M. B... relève appel.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais repris à l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Pour justifier le refus de délivrer un titre de séjour, le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que l'acte de naissance de M. B... est apocryphe dès lors qu'il " n'est pas conforme à la législation locale ", que, sans jugement supplétif intervenu, ses parents ont déclaré en 2018 sa naissance seize ans plus tard, soit au-delà d'un délai légalement imparti de trois mois à compter de la date de naissance, et que l'acte a été établi par les services d'une commune et non dans une préfecture. Toutefois, les références faites à la législation tchadienne ne permettent pas de remettre en cause l'identité de M. B... alors même qu'il a pu verser en appel la copie d'un jugement supplétif du 5 septembre 2022, au demeurant postérieur à la date de l'arrêté contesté. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les conclusions de la police aux frontières sur le caractère contrefait de l'acte de naissance de M. B... ne suffisent ni à établir le caractère frauduleux du jugement supplétif d'acte de naissance, ni à remettre en cause le caractère probant de l'ensemble de ce document d'état civil produit par l'intéressé. Il s'ensuit que le préfet a fait une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que M. B... ne justifiait pas de son état civil et en refusant, pour ce motif, de lui délivrer la carte de séjour qu'il a sollicitée sur le fondement de l'article L. 313-15 du même code.

6. Si le préfet de la Loire-Atlantique a également fondé son refus de délivrer à M. B... un titre de séjour sur ce fondement au motif qu'il n'était pas dénué d'attaches familiales au Tchad, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait pris la même décision, après avoir porté une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif, présenté comme étant surabondant.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

8. Le présent arrêt implique nécessairement, mais seulement, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet réexamine la situation de M. B.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rodrigues Devesas, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2023 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 6 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rodrigues Devesas une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01189
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-14;23nt01189 ?
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