Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 1er mai 2022 par lequel le préfet de la Mayenne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 2209559 du 27 février 2023 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a, par son article 1er, annulé l'arrêté du 1er mai 2022, par son article 2, a enjoint au préfet de la Mayenne de procéder au réexamen de la situation personnelle de Mme B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et par son article 3 a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2023, le préfet de la Mayenne demande à la cour d'annuler l'article 1er de ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2023 Mme B..., représentée par Me Renda, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Mme A... B... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante camerounaise, née le 2 avril 1993 entrée régulièrement en France en 2013, a été interpellée le 1er mai 2022, alors qu'elle conduisait un véhicule terrestre à moteur sans permis. Elle a été placée en rétention administrative, et la vérification de sa situation a révélé qu'elle se maintient de façon irrégulière en France depuis 2015. Par un arrêté du 1er mai 2022 le préfet de la Mayenne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Par un jugement du 27 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal a annulé l'arrêté contesté. Le préfet de la Mayenne relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Mme B... se prévaut d'avoir fixé en France le centre de ses intérêts personnels, compte tenu de sa présence en France depuis 2013, de sa relation de concubinage avec un ressortissant français depuis sept ans, de la naissance de son fils en France en 2019 et de la résidence sur le territoire français de sa sœur. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le titre de séjour obtenu par l'intéressée à raison de son mariage avec un ressortissant français n'a été valable que jusqu'en 2015 et qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire national depuis cette date. La requérante n'établit l'existence d'une communauté de vie avec un ressortissant français que depuis le 21 août 2021 soit moins d'un an avant la décision contestée. Alors que la requérante ne justifie pas d'une particulière intégration sociale et professionnelle, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Cameroun où elle a vécu la majorité de sa vie et conserve des attaches familiales et que son fils, né de père inconnu, y poursuive sa scolarité. Par suite, le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; ".
6. La décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à Mme B... comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 3, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation de Mme B... doivent être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 1er mai 2022. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1 : L'article 1er du jugement n° 2209559 du 27 février 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mai 2022 du préfet de la Mayenne ainsi que les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT00856 2
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