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10/11/2023 | FRANCE | N°22NT00237

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 22NT00237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A..., Mme F... B... I... et Mme D... G... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 décembre 2018 de l'autorité consulaire française en République centrafricaine refusant de délivrer à Mme F... B... I..., à Mme D... G... A... et à J... B..., des visas d'entrée et de long séjour en qualité de membr

es de famille d'un réfugié.

Par un jugement n° 2007447 du 7 juin 2021, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A..., Mme F... B... I... et Mme D... G... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 13 décembre 2018 de l'autorité consulaire française en République centrafricaine refusant de délivrer à Mme F... B... I..., à Mme D... G... A... et à J... B..., des visas d'entrée et de long séjour en qualité de membres de famille d'un réfugié.

Par un jugement n° 2007447 du 7 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé le refus de visa opposé à Mme D... G... A... et à K... B... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande en tant que celle-ci concernait le refus de visa opposé à Mme F... B... I....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier 2022 et 15 mars 2022, Mme C... A... et Mme F... B... I..., représentées par Me Lucas, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2019 de la commission de recours en ce qu'elle porte refus de délivrance d'un visa à Mme F... B... I... ;

2°) d'annuler, dans cette mesure, la décision du 20 mars 2019 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F... B... I... le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent que le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par Mme A... et Mme B... I... n'est pas fondé.

Mme C... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante centrafricaine née le 15 août 1963, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 avril 2016. Le 28 septembre 2017, Mme F... B... I..., Mme D... G... A... et J... B..., ses enfants allégués, nés respectivement les 20 décembre 2000, 24 mars 2002 et 19 février 2009, ont sollicité, auprès de l'autorité consulaire française en République centrafricaine, des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié. Par des décisions du 13 décembre 2018, cette autorité a rejeté leurs demandes. Par une décision du 20 mars 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Par un jugement du 7 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours en tant qu'elle portait refus de visa à Mme D... G... A... et à J... B... et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à l'annulation du refus de visa opposé à Mme F... B... I.... Mme C... A... et Mme F... B... I... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande dirigées contre la décision du 20 mars 2019 de la commission de recours en ce qu'elle porte refus de délivrance d'un visa à Mme F... B... I....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...). ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux ou révélerait une situation contraire à la conception française de l'ordre public international.

5. Pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée en faveur de Mme F... B... I..., la commission de recours s'est fondée sur ce que l'identité et le lien de filiation de l'intéressée avec Mme C... A... n'étaient pas établis.

6. Pour justifier de l'identité de Mme B... I... et du lien de filiation l'unissant à Mme A..., les requérantes produisent, pour la première fois en appel, un jugement supplétif d'état-civil du tribunal de grande instance de Bangui n° 2321 du 19 août 2013 ainsi qu'une copie intégrale de l'acte de naissance n° 2000 00 06 12 575 établi le 22 août 2013 en transcription de ce jugement par un officier d'état-civil du deuxième arrondissement de la ville de Bangui. Ces documents, qui comportent les mentions essentielles et suffisantes pour déterminer l'identité des personnes qui y figurent, font état de la naissance de Mme F... B... H... à Bangui, le 20 décembre 2000, née de l'union de M. E... B... et de Mme C... A....

7. Les seules circonstances que ce jugement supplétif est intervenu treize ans après la naissance de l'intéressée et qu'il comporte des coquilles et des fautes d'orthographe ne sont pas de nature à établir que ce jugement présenterait un caractère frauduleux. Par ailleurs, si le ministre de l'intérieur fait valoir que ce jugement, rendu à la seule requête de M. E... B..., sans que Mme A... n'ait été partie à l'instance, ne pouvait indiquer que le lien de filiation de l'enfant était reconnu par ses deux parents, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause le lien de filiation de l'intéressée vis-à-vis des deux parents indiqués par ce jugement. Dans ces conditions, l'identité de Mme B... H... et son lien de filiation avec Mme A... doivent être regardés comme établis par le jugement supplétif produit. Le ministre de l'intérieur ne saurait, dès lors, utilement soutenir que l'acte de naissance établi en transcription de ce jugement l'aurait été prématurément au regard du délai d'appel à l'encontre du jugement.

8. Par suite, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que la filiation et l'identité de Mme B... H... n'étaient pas établies.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et Mme B... H... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2019 de la commission de recours en tant qu'elle porte refus de délivrance d'un visa de long séjour à Mme B... H....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme B... H.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Lucas, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme C... A... et de Mme F... B... I... tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2019 de la commission de recours en ce qu'elle porte refus de délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Mme F... B... H....

Article 2 : La décision du 20 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée en tant qu'elle porte refus de délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Mme F... B... H....

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F... B... H... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Lucas une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Mme F... B... I... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00237
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LUCAS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-10;22nt00237 ?
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