Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n°2305259 du 10 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, et des pièces enregistrées le 17 octobre 2023 -non communiquées- Mme B..., représentée par Me Néraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 23 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;
2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, s'agissant de la réponse au moyen tiré du défaut d'examen de sa vulnérabilité et de son état de santé, du moyen tenant à l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 et du moyen tenant au défaut d'examen du risque de violation des articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de transfert en Espagne ;
- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;
- la décision de transfert méconnait l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 :
* il n'est pas démontré que son droit à l'information a été garanti dès le début de la procédure d'asile ;
* elle n'a pas pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile et dans une langue comprise, dès lors qu'elle est analphabète ;
- au moment de sa prise d'empreintes, Mme B... n'était pas informée des éléments relatifs à l'utilisation de ses empreintes et données personnelles ;
- les conditions de son entretien individuel méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 :
* le premier juge a inversé la charge de la preuve en retenant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'entretien n'avait pas été mené par une personne qualifiée en droit national ;
* le résumé d'entretien est incomplet ;
* il n'a pas été mené par une personne qualifiée en droit national ;
- la décision de transfert contestée ne repose pas sur un examen adapté de sa situation personnelle et de sa vulnérabilité et se contente d'une analyse erronée de son seul état de santé ;
- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle méconnait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 :
* elle présente une vulnérabilité particulière ;
* il n'existe aucune garantie de continuité de son suivi médical ;
- la décision de transfert méconnait les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment en raison de sa vulnérabilité et de ses problèmes de santé et les rapports et articles produits démontrent l'existence d'obstacles sérieux à l'accès à la procédure d'asile et aux conditions matérielles d'accueil en Espagne ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- et les observations de Me Néraudau, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 18 janvier 2023. Le 26 janvier 2023, elle a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique. Par un arrêté du 23 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Espagne, Etat responsable de sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 10 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a expressément répondu aux moyens soulevés par la requérante, tirés du défaut d'examen de sa vulnérabilité et de son état de santé, de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 et du moyen tenant au défaut d'examen du risque de violation des articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de transfert en Espagne, dans les paragraphes 12 à 14 dudit jugement. Cette motivation est suffisante en l'espèce. Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le jugement attaqué, en ce qu'il aurait effectué un contrôle identique pour les trois moyens invoqués, ne relève pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il convient de rejeter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de transfert contestée par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, dans les paragraphes 4 et 5 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, en vertu de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application de ce règlement doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de cet article, dans une langue qu'il comprend. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, le 26 janvier 2023, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, date à laquelle elle a également été reçue en entretien individuel, le guide du demandeur d'asile ainsi que les brochures portant information générale sur la procédure de demande d'asile dans l'Union européenne et information sur la procédure Dublin, dans leur version en langue française, que Mme B... a expressément déclaré comprendre, ainsi qu'il ressort du résumé signé de son entretien individuel. Les informations contenues dans ces brochures lui ont également été communiquées oralement lors de l'entretien individuel. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas compris les informations délivrées dès lors qu'elle est analphabète, le résumé d'entretien signé par ses soins ne comprend aucune réserve en ce sens. Dans ces conditions, Mme B... a pu bénéficier d'une information complète et effective en temps utile et elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 23 mars 2023 méconnaitrait l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
6. En troisième lieu, l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données dispose que : " 1. Lorsque des données à caractère personnel relatives à une personne concernée sont collectées auprès de cette personne, le responsable du traitement lui fournit, au moment où les données en question sont obtenues, toutes les informations suivantes : / a) l'identité et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du représentant du responsable du traitement ; / b) le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données ; / c) les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel, ainsi que la base juridique du traitement ; / d) lorsque le traitement est fondé sur l'article 6, paragraphe 1, point f), les intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers ; / e) les destinataires ou les catégories de destinataires des données à caractère personnel, s'ils existent ; et / f) le cas échéant, le fait que le responsable du traitement a l'intention d'effectuer un transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers ou à une organisation internationale, et l'existence ou l'absence d'une décision d'adéquation rendue par la Commission ou, dans le cas des transferts visés à l'article 46 ou 47, ou à l'article 49, paragraphe 1, deuxième alinéa, la référence aux garanties appropriées ou adaptées et les moyens d'en obtenir une copie ou l'endroit où elles ont été mises à disposition ; / 2. En plus des informations visées au paragraphe 1, le responsable du traitement fournit à la personne concernée, au moment où les données à caractère personnel sont obtenues, les informations complémentaires suivantes qui sont nécessaires pour garantir un traitement équitable et transparent : / a) la durée de conservation des données à caractère personnel ou, lorsque ce n'est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ; b) l'existence du droit de demander au responsable du traitement l'accès aux données à caractère personnel, la rectification ou l'effacement de celles-ci, ou une limitation du traitement relatif à la personne concernée, ou du droit de s'opposer au traitement et du droit à la portabilité des données ; / c) lorsque le traitement est fondé sur l'article 6, paragraphe 1, point a), ou sur l'article 9 point a), l'existence du droit de retirer son consentement à tout moment, sans porter atteinte à la licéité du traitement fondé sur le consentement effectué avant le retrait ; / d) le droit d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle ; (...) 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 ne s'appliquent pas lorsque, et dans la mesure où, la personne concernée dispose déjà de ces informations ".
7. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il en va de même de l'invocation de la méconnaissance des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Dans ces conditions, la circonstance que Mme B... n'aurait pas reçue l'information prévue par ces dispositions avant le relevé de ses empreintes est sans incidence sur la légalité de la décision portant transfert auprès des autorités espagnoles. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
9. Les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, et en particulier les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Il ressort notamment du compte-rendu d'entretien signé par Mme B... que l'intéressée a été reçue en entretien individuel le 26 janvier 2023et qu'elle a pu exposer différents éléments précis et circonstanciés relatifs à sa situation personnelle, notamment sur sa santé, les conditions de son arrivée sur le territoire européen et de son séjour en Espagne. En relevant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'entretien n'avait pas été mené par une personne qualifiée en droit national, le premier juge s'est fondé sur les éléments objectifs du dossier et n'a pas inversé la charge de la preuve. En outre, le résumé d'entretien individuel de Mme B... mentionne qu'il a été mené par un agent habilité de la préfecture de Loire-Atlantique et ce même agent a apposé ses initiales sur le résumé d'entretien. Ces éléments sont suffisants pour établir que cet entretien a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les conditions de son entretien " Dublin " méconnaissent les articles 5 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
10. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de Mme B..., au regard notamment de sa situation personnelle et de sa vulnérabilité.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
13. L'intéressée n'apporte aucun élément de nature à établir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités espagnoles, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et aurait méconnu les dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les " douleurs et le stress post-traumatique " dont se plaint la requérante seraient de nature à empêcher un transfert vers l'Espagne, ni qu'un suivi adapté ne pourrait être mis en œuvre dans ce pays dont le système médical est comparable à celui de la France. Les différentes pièces produites attestant de rendez-vous médicaux, en particulier au service PASS du CHU de Nantes le 23 mai 2023, ne permettent pas de justifier de la nécessité d'un suivi médical en France. En outre, l'arrêté du 23 mars 2023 n'est pas entaché d'un défaut de prise en compte de la vulnérabilité de Mme B..., en sa qualité de demandeur d'asile. Enfin, la seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par l'Espagne, l'intéressée serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement vers la Guinée, ne saurait caractériser la méconnaissance par l'Espagne de ses obligations.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ".
15. L'Espagne étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités espagnoles répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
16. Mme B... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Espagne, mais les éléments dont elle se prévaut, notamment les différents rapports d'organisation non gouvernementales et articles de presses produits, ne permettent pas d'établir que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités espagnoles, qui ont accepté explicitement de la prendre en charge, dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision de transfert en cause méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques que connaît l'Espagne.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation du jugement du 10 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire par lequel ledit préfet a décidé son transfert vers l'Espagne, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er: La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- Mme Gélard, première conseillère
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2023.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT02006