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31/10/2023 | FRANCE | N°23NT00409

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 31 octobre 2023, 23NT00409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités bulgares, ensuite, d'enjoindre à cette autorité de délivrer une attestation de demande d'asile et d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, subsidiairement de réexaminer sa demande, et ce dans les meilleurs délai, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des articles L.

761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités bulgares, ensuite, d'enjoindre à cette autorité de délivrer une attestation de demande d'asile et d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, subsidiairement de réexaminer sa demande, et ce dans les meilleurs délai, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2300047 du 16 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 février 2023, M. B..., représenté par Me Béarnais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités bulgares ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de délivrer une attestation de demande d'asile et d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, et subsidiairement de réexaminer sa demande dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 16 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- l'arrêté de transfert méconnait les dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 33 de la Convention de Genève ;

- l'arrêté de transfert méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire de production de pièce, enregistrés les 5 juin et 11 juillet 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête et informe la cour que M. B... est en fuite et que le délai d'exécution du transfert est reporté au 16 juillet 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;

- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, né le 15 février 2003 à Logar (Afghanistan) et entré irrégulièrement en France le 10 septembre 2022, a sollicité l'asile le 9 novembre suivant. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait déjà présenté une demande d'asile auprès des autorités bulgares le 5 septembre 2022 puis auprès des autorités autrichiennes le 20 septembre 2022. Saisies le 17 novembre 2022 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités bulgares ont, explicitement donné leur accord le 30 novembre 2022. Par un arrêté du le 21 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. B... aux autorités bulgares. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 16 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. M. B... relève appel de ce jugement. Par un mémoire du 11 juillet 2023 informe la cour que, M. B... ayant pris la fuite, le délai d'exécution du transfert est reporté au 16 juillet 2024.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013, aux termes desquelles : " Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou sœurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa sœur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette sœur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la sœur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit ".

3. Si M. B..., qui invoque le bénéfice de ces dispositions, fait valoir qu'il est dépendant de son frère qui réside légalement sur le territoire français en ce qu'il pourvoit à ses besoins et l'accompagne dans ses démarches administratives, il ne ressort pas cependant des pièces du dossier que le requérant remplirait les conditions posées par ces dispositions, alors qu'il n'établit souffrir d'aucune maladie grave ou d'un handicap grave démontrant qu'il serait effectivement dépendant de l'assistance de son frère. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 sera écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

6. Si M. B... fait état de la situation particulière dans laquelle se trouve la Bulgarie, confrontée à un afflux massif de réfugiés et de la dégradation des conditions matérielles d'accueil offertes aux demandeurs d'asile par les autorités de cet Etat notamment depuis 2021, il produit plusieurs documents généraux, notamment des articles de presse des années 2021 et 2022 mentionnant des difficultés d'accès à la procédure d'asile, des cas de refoulements illégaux aux frontières avec violences par les forces de l'ordre ou encore des cas de mauvais traitements physiques infligés aux ressortissants étrangers à l'occasion de leur interception, telles que la mise en cage par les gardes-frontières. Toutefois, ces éléments, qui ne relatent pas de mauvais traitements infligés à des demandeurs d'asile dans le cas de transfert, ne permettent ni de considérer que les autorités bulgares ne sont pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ni de supposer que, compte tenu de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, le requérant courrait dans cet Etat membre de l'Union européenne un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par ailleurs, l'arrêté contesté n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de l'éloigner vers son pays d'origine mais uniquement de le transférer en Bulgarie, responsable de sa demande d'asile. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'une décision définitive d'éloignement a été prise à son encontre ni que M. B... ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités bulgares tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut désormais en Afghanistan depuis le mois d'août 2021, ni que les autorités bulgares n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels il serait exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3.2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent entre écartés.

7. En troisième lieu, si le frère de M. B... réside sur le territoire français sous couvert d'une carte de résident, le requérant, qui a vécu en Afghanistan jusqu'à l'âge de 18 ans et qui est entré très récemment sur le territoire français, n'établit pas que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, pour le surplus, M. B... se borne à reprendre devant le juge d'appel le même moyen que celui invoqué en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge, tirés de ce que l'arrêté contesté du décidant son transfert aux autorités bulgares ne méconnait pas l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêtés du décidant son transfert aux autorités bulgares. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.

Le rapporteur, Le président,

O. COIFFET O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23NT00409 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00409
Date de la décision : 31/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BEARNAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-31;23nt00409 ?
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