Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société " Lahaye Packaging " a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler :
- la décision du 25 juin 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les contributions spéciales et forfaitaires prévues aux articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la décision du 19 août 2019 de rejet de son recours gracieux, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer ces sommes ;
- le titre de perception émis le 12 novembre 2019 à son encontre pour le recouvrement de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
- le titre de perception émis le 9 décembre 2019 à son encontre pour le recouvrement de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
Par un jugement n°1905206, 202904 et 203317 du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne les 12 novembre et 9 décembre 2019 et rejeté le surplus des conclusions de la société " Lahaye Packaging ".
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2021, l'OFII, représenté par Me De Froment, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 avril 2019 en tant qu'il a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne les 12 novembre et 9 décembre 2019 ;
2°) le rejet de la demande de la société " Lahaye Packaging " présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société " Lahaye Packaging " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a relevé l'incompétence de l'ordonnateur des titres de perception émis les 12 novembre et 9 décembre 2019 ;
- les autres moyens soulevés par la société " Lahaye Packaging " dans sa demande initiale devant le tribunal ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2021, la société " Lahaye Packaging " conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'OFII ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne conclut à la mise hors de cause du comptable public de l'Essonne.
Il soutient que seul le ministre de l'intérieur, assurant la tutelle de l'OFII, est autorisé à liquider les recettes par émission des titres de perception correspondants et que le comptable est uniquement chargé d'en assurer le recouvrement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2020-163 du 26 février 2020 ;
- l'arrêté du 18 juillet 2019 relatif au recouvrement des recettes des ordonnateurs principaux de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
- et les observations de Me Leduc, substituant Me Collet, représentant la société Lahaye Packaging.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 juillet 2018, un procès-verbal d'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail a été dressé à l'encontre de la société " Lahaye Packaging ", pour l'emploi de deux salariés démunis d'autorisations de travailler et de titre de séjour sur le territoire national. Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par une décision du 25 juin 2019, mis à la charge de la société " Lahaye Packaging " la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 14 280 euros, ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 4 862 euros, soit une amende d'un montant total de 19 142 euros. Par une décision du 19 août 2019, le directeur général de l'OFII a rejeté le recours gracieux de la société " Lahaye Packaging ". Les titres de perception relatifs à la contribution spéciale et à la contribution forfaitaire ont été émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 12 novembre 2019 et le 9 décembre 2019. Par le jugement attaqué du 25 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces titres de perception et a rejeté le surplus des demandes de la société " Lahaye Packaging ". L'OFII demande l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne les 12 novembre et 9 décembre 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. / Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette contribution comme en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines. ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...)/ Sont applicables à la contribution forfaitaire prévue au premier alinéa les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale (...) ". Aux termes de l'article R. 5223-24 du code du travail relatif à l'organisation de l'OFII : " Le directeur général est ordonnateur secondaire à vocation nationale pour l'émission des titres de perception relatifs à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 et de ceux relatifs à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". L'article R. 8253-4 de ce même code dispose : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ". Enfin, en vertu de l'article 10 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les ordonnateurs prescrivent l'exécution des recettes et des dépenses. La qualité d'ordonnateur est conférée, pour les personnes morales mentionnées aux 1°, 4°, 5° et 6° de l'article 1er, dans les conditions prévues aux titres II et III. Pour les personnes morales mentionnées aux 2° et 3° de l'article 1er, elle est régie par la loi. Les ordonnateurs sont principaux ou secondaires. Les ordonnateurs peuvent déléguer leur signature et se faire suppléer en cas d'absence ou d'empêchement. Les ordonnateurs, leurs suppléants ainsi que les personnes auxquelles ils ont délégué leur signature sont accrédités auprès des comptables publics assignataires relevant de leur compétence, selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé du budget. ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. / Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si les services de l'Etat assurent pour le compte de l'OFII le recouvrement des créances afférentes aux contribution spéciale et forfaitaire dues par l'employeur d'un travailleur étranger non autorisé à travailler, il n'appartient qu'au directeur général de l'Office, en sa qualité d'ordonnateur secondaire, après avoir constaté et liquidé la contribution, d'émettre le titre de perception correspondant qui est ensuite transmis, conformément à l'article 11 du décret du 7 novembre 2012, au comptable public chargé du recouvrement.
3. En l'espèce, les titres de perception litigieux ont été émis les 12 novembre et 9 décembre 2019 par M. A..., nommé directeur de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur à compter du 19 septembre 2016, par décret du 15 septembre 2016, régulièrement publié au Journal officiel de la République française. Ces titres de perception n'ont pas été émis par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sa qualité d'ordonnateur, mais par le ministre de l'intérieur. Par suite, les titres de perception en litige, qui, en contradiction avec ce qui a été dit au point précédent, n'ont pas été émis par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou par une personne relevant de son autorité à laquelle il aurait délégué sa signature, ont été pris par une autorité incompétente et doivent, par suite être annulés.
4. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne les 12 novembre et 9 décembre 2019.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société " Lahaye Packaging ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'OFII demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejetée.
Article 2 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à la société Lahaye Packaging une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Lahaye Packaging est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à société Lahaye Packaging et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21NT03242