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24/10/2023 | FRANCE | N°22NT02005

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 octobre 2023, 22NT02005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL le Club 37 a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2015.

Par un jugement n° 1905655 du 27 avril 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 juin 2022, le 17 mars et le 30 mars 2023, ce der...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL le Club 37 a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2015.

Par un jugement n° 1905655 du 27 avril 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 juin 2022, le 17 mars et le 30 mars 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SARL le Club 37, représentée par Me Drévès, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la signature de son gérant sur le procès-verbal du 2 juin 2015 ne vaut pas acceptation de son contenu mais simplement accusé réception de ce document ;

- l'administration conserve la charge de la preuve des centilisations des verres d'alcool qu'elle entend retenir, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;

- contrairement à la lecture de l'administration fiscale, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires des Côtes d'Armor ayant bien validé un taux de 6 cl pour l'ensemble des boissons alcoolisées hormis le champagne, il convient de substituer cette centilisation à celle de 4 cl retenue à tort par l'administration ;

- l'administration n'ayant pas établi le caractère délibéré des anomalies relevées, elle ne pouvait faire application de la majoration pour manquement délibéré.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 décembre 2022 et le 23 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL le Club 37 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Drévès, pour la SARL le Club 37.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Club 37, qui exploite une discothèque à Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) sous l'enseigne " Le Club 37 ", a fait l'objet les 20 et 24 décembre 2014 et 6 janvier 2015 d'un contrôle de billetterie diligenté par les agents de la brigade de contrôle et de recherche de ce département en application des dispositions de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, à l'issue duquel un procès-verbal d'infraction a été dressé le 20 janvier 2015. À compter du 30 avril 2015, la SARL Le Club 37 a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 28 février 2015. À l'issue de cette vérification, l'administration a, par proposition de rectification du 9 décembre 2015 dans le cadre de la procédure contradictoire visée aux articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales, rejeté la comptabilité de la société le Club 37, procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires et lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités. Après notification de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires des Côtes-d'Armor le 8 mars 2017, la SARL Le Club 37 a été reçue le 11 avril 2017 dans le cadre du recours hiérarchique, puis le 3 mai 2018 dans le cadre de l'interlocution départementale. Après avoir vainement présenté une réclamation contre ces impositions supplémentaires et ces rappels, la SARL Le Club 37 en a demandé la décharge au tribunal administratif de Rennes. Par un jugement du 27 avril 2022, ce tribunal a rejeté sa demande. La SARL Le Club 37 relève appel de ce jugement en indiquant expressément dans ses écritures d'appel reprendre les seuls moyens visés ci-dessus.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Pour reconstituer les chiffres d'affaires réalisés en 2012 et 2013 par la SARL Le Club 37, l'administration a procédé à la détermination des achats revendus en analysant les factures d'achats et en prenant en compte la variation des stocks. À partir des achats revendus, l'administration a déterminé, pour chaque catégorie de boissons, un chiffre d'affaires " bouteilles " et un chiffre d'affaires " verres " à partir d'une grille tarifaire et d'une centilisation prédéfinie initialement sur la base d'un procès-verbal de relevé de prix signé le 2 juin 2015 par le gérant et non assorti d'une quelconque remarque de sa part concernant notamment une centilisation de 11 cl pour les coupes de champagne et 4 cl pour les verres d'alcool. Suite aux investigations menées par le vérificateur, la proposition de rectification du 9 décembre 2015 a finalement retenu pour les verres d'alcool une centilisation de 4 cl pour les verres d'alcool avec mélange, 6 cl pour les verres d'alcool pur et 6 cl pour les coktails et maintenu le dosage de 11 cl pour le champagne. La société requérante ne peut donc en tout état de cause sérieusement soutenir que l'administration fiscale aurait considéré comme définitivement établies les centilisations retenues dans le procès-verbal du 2 juin 2015. Enfin, l'administration a également appliqué des correctifs aux chiffres d'affaires en retenant un abattement pour pertes, offerts et consommation du personnel, de 5 % pour les alcools et boissons non alcoolisées vendues au verre, de 2 % pour les ventes en bouteille et de 10 % pour le champagne.

3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au juge saisi d'une contestation portant sur des impositions mises à la charge d'une société dont la comptabilité a été écartée comme non probante et qui ont été soumises à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, afin d'attribuer la charge de la preuve, de rechercher si l'administration s'est conformée à cet avis. Toutefois, il appartient à la société qui conteste avoir à supporter la charge de la preuve de produire des éléments de nature à établir que l'administration ne s'y est pas conformée. À défaut, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions supplémentaires incombe à la société.

5. La société requérante soutient que l'administration conserve la charge de la preuve des centilisations des verres d'alcool qu'elle entend retenir, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. Tout d'abord, il est constant que l'administration a retenu le dosage de 15 cl finalement retenu par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 10 février 2017. Il ne résulte pas de l'instruction que ladite commission aurait été induite en erreur par l'administration en ce qu'elle aurait indiqué qu'elle avait retenu dans sa reconstitution une centilisation de 6 cl pour tous les autres alcools y compris les alcools mélangés. Si la commission a indiqué maladroitement " que, pour les autres consommations, le service a retenu en définitive une centilisation de 6 cl conforme aux demandes de la société et qu'il n'y avait pas lieu dès lors de modifier cette centilisation ", elle a pour autant conclu très clairement qu'à l'exception du champagne et des ventes de bière, elle entendait confirmer les rectifications opérées par l'administration opérées sur la base du dosage de 4 cl pour les verres d'alcool avec mélange et de 6 cl pour les verres d'alcool pur et les coktails. Dès lors, l'administration s'étant conformée à cet avis en maintenant les centilisations de 4 cl pour les alcools mélangés et de 6 cl pour les alcools purs et les cocktails, il en résulte que la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions supplémentaires mises à la charge de la SARL Le Club 37 incombe à cette dernière comme l'ont relevé les premiers juges.

6. Enfin, la société requérante n'apporte en appel aucun élément démontrant le caractère sommaire ou radicalement vicié de la méthode de reconstitution retenue, laquelle a tenu compte des données propres à son activité et, d'autre part, ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

8. A supposer que la société requérante ait entendu contester le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification sur ce point, en précisant que les minorations de recettes, telles qu'elles ressortent, en dernier lieu, de la reconstitution de recettes effectuée par le vérificateur, s'élèvent à 13 % et 47 % des chiffres d'affaires déclarés au titre des exercice clos en 2012 et 2013 et que par suite, compte tenu de la répétition, de l'importance des minorations constatées ainsi que des anomalies affectant la comptabilité de la SARL Le Club 37, l'administration a suffisamment motivé l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

9. Par les éléments dont elle fait état, énoncés au point précédent, l'administration démontre l'existence d'un manquement de la société requérante et d'une intention délibérée de celle-ci d'éluder l'impôt et justifie l'application de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de ce qui précède que la SARL Le Club 37 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le Club 37 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Club 37 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

Le rapporteur

A. PenhoatLe président

G. Quillévéré

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 22NT020052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02005
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLEVERE
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET YANN DREVES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-24;22nt02005 ?
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