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17/10/2023 | FRANCE | N°22NT02125

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 octobre 2023, 22NT02125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2205662 du 1er juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Bearnais, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juin 2022 ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2205662 du 1er juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Bearnais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa vulnérabilité et de l'impact de sa décision sur son nourrisson alors que l'Italie n'a donné aucune garantie sur ses conditions d'accueil avec son enfant ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2022, et des pièces complémentaires produites le 2 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire indique que Mme B... doit être regardée comme étant en fuite, de sorte que son délai de transfert est prorogé jusqu'au 1er décembre 2023. Il conclut au rejet de la requête de l'intéressée.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane, relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Lors de son entretien individuel qui s'est tenu le 1er mars 2022 à la préfecture de la Loire-Atlantique, Mme B... a indiqué être célibataire et avoir dû se prostituer en Italie. Elle était alors enceinte de 37 semaines et précisait en outre souffrir de diabète. L'intéressée, qui est entrée seule en France, a donné naissance le 13 mars 2022 à un enfant, dont le nom du père ne figure pas sur l'extrait d'acte de naissance produit. Si le préfet précise que les autorités italiennes ont été informées les 6 et 7 avril 2022 de la grossesse de Mme B... puis de la naissance de son fils, il ressort des pièces que l'Italie a implicitement accepté leur prise en charge. Par suite, Mme B..., jeune femme isolée accompagnée d'un nourrisson, dont l'état de santé nécessitait la poursuite des soins mis en place lors de sa naissance, doit être regardée comme établissant sa vulnérabilité à la date de l'arrêté litigieux. Dès lors, l'intéressée est fondée à soutenir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert et celui de son fils âgé d'un mois et demi aux autorités italiennes, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En conséquence, l'arrêté litigieux du 27 avril 2022 doit être annulé pour ce motif.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution de l'arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois, de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bearnais, avocate de la requérante, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2205662 du tribunal administratif de Nantes en date du 1er juin 2022 ainsi que l'arrêté du 27 avril 2022 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de Mme B... en Italie sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bearnais, conseil de Mme B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02125
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BEARNAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-17;22nt02125 ?
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