Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Ramat Manekzai Dowlatzai a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 novembre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, ensemble la décision du 17 janvier 2020 rejetant son recours gracieux, ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme de 18 100 euros.
Par un jugement n°2001310 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 et 27 décembre 2021, M. Manekzai Dowlatzai, représenté par Me Chauvel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2019 par laquelle l'OFII a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, ainsi que la décision du 17 janvier 2020 rejetant son recours gracieux ;
3°) la décharge de l'obligation de payer la somme de 18 100 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure, des lors qu'en méconnaissance du principe général des droits de la défense, le procès-verbal mentionnant que les services de police auraient constaté l'infraction aux dispositions du code du travail ne lui a pas été communiqué, ne lui permettant pas de vérifier la régularité du contrôle ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure tiré de l'irrégularité du procès-verbal à l'origine de la contribution qui lui a été infligée, dès lors que son employé n'a pas pu avoir recours à un interprète compétent dans sa langue natale ;
- la décision contestée et entachée d'une erreur de fait, il n'était pas assisté d'une personne le jour de la grande braderie de Rennes et il travaille toujours seul.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, l'OFII conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. Manekzai Dowlatzai ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les services de police ont constaté, lors d'un contrôle effectué le 26 juin 2019 sur le stand d'une braderie à Rennes, que le gérant de ce stand, M. Manekzai Dowlatzai, était accompagné d'un ressortissant afghan qui ne disposait pas de titre de séjour l'autorisant à travailler en France. L'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a alors notifié, par un courrier du 18 novembre 2019, sa décision de mettre à sa charge une somme de 18 100 euros au titre de la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail. Le recours gracieux formé par l'intéressé le 13 décembre 2019 a été rejeté par une décision du 17 janvier 2020. M. Manekzai Dowlatzai relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2021 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2019, ainsi que la décision du 17 janvier 2020 rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention./ L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler.(...) " Aux termes de l'article R. 8253-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 et notifie sa décision à l'employeur ainsi que le titre de recouvrement ".
3. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise d'ailleurs désormais que les sanctions " ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".
4. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution, qui revêt le caractère d'une sanction administrative.
5. Le refus de communication du procès-verbal ne saurait toutefois entacher la sanction d'irrégularité que dans le cas où la demande de communication a été faite avant l'intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale à la charge de l'intéressé, prononce la sanction. Si la communication du procès-verbal est demandée alors que la sanction a déjà été prononcée, elle doit intervenir non au titre du respect des droits de la défense mais en raison de l'exercice d'une voie de recours. Un éventuel refus ne saurait alors être regardé comme entachant d'irrégularité la sanction antérieurement prononcée, non plus que les décisions consécutives, même ultérieures, procédant au recouvrement de cette sanction.
6. En premier lieu, le directeur général de l'OFII, se fondant sur un procès-verbal d'infraction du 26 juin 2019, fait valoir qu'il a informé M. Manekzai Dowlatzai, par un courrier du 14 octobre 2019 reçu le 15 octobre 2019, qu'il avait employé un travailleur démuni d'un titre de séjour et d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée et qu'il était susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail. Par ce même courrier, il a informé le requérant qu'il disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. M. Manekzai Dowlatzai, qui a d'ailleurs présenté des observations par un courrier en date du 13 décembre 2019, n'a pas demandé à l'OFII, avant l'intervention de la décision contestée, la communication de ce procès-verbal. Le requérant, qui se borne à soutenir que le procès-verbal du 26 juin 2019 ne lui a pas été communiqué, ne soutient ni même n'allègue que le courrier du 14 octobre 2019, sur la base duquel les manquements ont été établis, ne mentionnait pas son droit de demander la communication dudit procès-verbal d'infraction. Dans ces conditions, M. Manekzai Dowlatzai a été informé, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et a été mis à même de solliciter en temps utile la communication du procès-verbal en cause. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les contributions litigieuses auraient été établies à l'issue d'une procédure irrégulière méconnaissant le principe général des droits de la défense.
7. En deuxième lieu, il ressort du procès-verbal d'audition du 26 juin 2019 que l'employé du requérant a bénéficié de l'assistance d'un interprète en langue perse qu'il comprenait. En tout état de cause, à supposer même que le procès-verbal de l'audition de l'employé du requérant qui s'est déroulée le 26 juin 2019 soit irrégulier, dès lors qu'il n'a pas pu avoir recours à un interprète compétent dans sa langue natale, cette circonstance est sans incidence tant sur la régularité de la procédure qui a conduit à l'adoption de la sanction contestée que sur son bien-fondé, dès lors que cette sanction repose seulement sur les constatations effectuées lors du contrôle qui s'est déroulé sur le stand en question le 26 juin 2019. Dans ces contions, le moyen selon lequel la décision contestée serait entachée d'un vice de procédure tiré de l'irrégularité du procès-verbal à l'origine de la contribution qui lui a été infligée, dès lors que son employé n'a pas pu avoir recours à un interprète compétent dans sa langue natale, est inopérant.
8. En dernier lieu, il appartient au juge administratif de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.
9. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal établi par les services de police qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, qu'à la suite d'un contrôle de police réalisé le 26 juin 2019, il a été constaté que M. Manekzai Dowlatzai était en action de travail avec son employé afghan, lors d'une braderie à Rennes, en y déballant des sous-vêtements et en les étiquetant. Il n'est pas contesté que cet employé ne disposait pas de titre de séjour l'autorisant à travailler en France. Dans ces conditions, les infractions prévues à l'articles L. 8251-1 du code du travail étant constituées du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers en situation de séjour irrégulier et démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, M. Manekzai Dowlatzai n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait.
10. Il résulte de ce qui précède que M. Manekzai Dowlatzai n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. Manekzai Dowlatzai au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. Manekzai Dowlatzai la somme réclamée par l'OFII au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Manekzai Dowlatzai est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Rahmat Manekzai Dowlatzai et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21NT03661