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29/09/2023 | FRANCE | N°22NT03525

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 septembre 2023, 22NT03525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest à lui verser la somme de 190 610,60 euros en réparation de ses préjudices et les arrérages échus d'une rente viagère annuelle de

21 326,33 euros du 1er janvier 2018 à la date du jugement ainsi que sa capitalisation à cette date en réparation des préjudices professionnels résultant de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1901326 du 30 septemb

re 2022, le tribunal administratif de Rennes

1°) a condamné le CHU de Brest à verser à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest à lui verser la somme de 190 610,60 euros en réparation de ses préjudices et les arrérages échus d'une rente viagère annuelle de

21 326,33 euros du 1er janvier 2018 à la date du jugement ainsi que sa capitalisation à cette date en réparation des préjudices professionnels résultant de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1901326 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes

1°) a condamné le CHU de Brest à verser à Mme B... la somme de 2 138,90 euros en réparation de ces préjudices sous déduction de la provision de 4 000 euros allouée par le juge des référés et à reverser la différence entre la provision versée et la somme allouée par ce jugement ;

2°) a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 novembre 2022 et 8 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Cartron, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 30 septembre 2022 en ce qu'il a limité la somme que le CHU de Brest est condamné à lui verser à un montant de 2 138,90 euros sous déduction de la provision déjà versée et de la porter à un montant de 190 610,60 euros en réparation de ses préjudices, outre les arrérages échus d'une rente viagère annuelle de 21 326,33 euros du 1er janvier 2018 à la date du jugement ainsi que sa capitalisation à cette date, assorti des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Brest ou, à titre subsidiaire de l'ONIAM, la somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il a rejeté comme irrecevable, sa demande tendant à l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 12 janvier 2014 ;

- la faute de l'établissement public, qui a été relevée par le tribunal administratif de Rennes dans son jugement n° 1603866 du 4 mai 2018, lui a causé un préjudice professionnel, qui doit être réparé par le versement de :

* la somme de 170 610,60 euros au titre de ses pertes de gains professionnels du 1er janvier 2010 au 31décembre 2017 ainsi que d'une rente annuelle viagère de 21 326,33 euros ;

* la somme de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle de son handicap ;

- sa perte de droits à la retraite sera réservée, au cas où une rente annuelle viagère au titre de ses pertes de revenus professionnels ne lui était pas allouée ;

- les sommes perçues au titre de l'allocation adulte handicapé ne peuvent être regardés comme indemnisant son incidence professionnelle.

Par un mémoire enregistré le 28 février 2023, le centre hospitalier universitaire de Brest, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2022 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

2°) de rejeter dans cette même mesure la demande de Mme B... devant le tribunal et de la condamner à rembourser la provision de 4 000 euros qu'elle a perçue en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 12 août 2020.

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué méconnaît l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Rennes dans son jugement n° 1603866 du 4 mai 2018, rendu dans l'instance introduite le

30 août 2016, dès lors que la requérante était en mesure de chiffrer à cette date ses préjudices professionnels et n'a pas réservé ce poste de préjudice ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé recevable la demande portant sur l'indemnisation des pertes de gains professionnels postérieurs au 12 novembre 2014 ;

- Mme B... n'a pas subi de pertes de gains professionnels futurs, dès lors qu'elle n'est pas été privée de toute chance réelle et sérieuse de retrouver un emploi, mais est apte à l'exercice d'un emploi ;

- les conclusions tendant à ce que le préjudice de retraite de l'intéressée soit réservé ne peuvent qu'être rejetées, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de réserver une demande.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Cahu, représentant Mme B... et de Me Goldnadel, représentant le CHU de Brest.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 4 mai 2018 devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest dans la prise en charge dont Mme B..., née le 5 octobre 1982, a fait l'objet en 2005, à l'origine d'une perte de chance de 80 % d'éviter l'aggravation de l'accident vasculaire cérébral dont elle a été victime le 12 juin 2005. Le CHU de Brest a été condamné par ce jugement à verser à Mme B... une somme de 321 617,74 euros en réparation des préjudices causés par sa faute. Le 27 décembre 2018, Mme B... a formé une réclamation préalable auprès du CHU de Brest tendant à l'indemnisation de son préjudice professionnel, à savoir de ses pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle des séquelles dont elle reste atteinte. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par une ordonnance du 12 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a condamné le CHU de Brest à verser à Mme B... une provision de 4 000 euros du chef de l'incidence professionnelle. Par un jugement du 30 septembre 2022, dont Mme B... relève appel en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CHU de Brest à lui verser la somme de 2 138,90 euros sous déduction de la provision déjà allouée et cette dernière à reverser le cas échéant la différence entre la somme susceptible d'avoir été perçue au titre de la provision et le montant de la somme qui lui est allouée par ce jugement. Par la voie de l'appel incident, le CHU demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamné, de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal et de la condamner à rembourser la provision de 4 000 euros qu'elle a perçue en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 12 août 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. La victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Si, une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. Il n'est fait exception à ces règles que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.

3. D'autre part, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, qui était en vigueur à la date à laquelle le CHU de Brest a reçu la réclamation indemnitaire du 7 novembre 2013 formée par la requérante, et dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, les délais de recours contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par ce même article ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa de cet article et, en particulier, dans le cas où la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, la mention des voies et délais de recours.

4. Il n'est pas établi par le CHU de Brest et il ne résulte pas de l'instruction que cet établissement aurait délivré à Mme B... un accusé de réception de sa réclamation indemnitaire du 7 novembre 2013 comportant la mention des voies et délais de recours.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il a rejeté comme irrecevable car tardive, ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 12 janvier 2014. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement en tant qu'il a statué sur ces conclusions.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 12 janvier 2014 et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus de sa demande.

Sur l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal n° 1603866 du 4 mai 2018, opposée par le CHU de Brest :

7. L'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu sur une demande indemnitaire porte sur l'ensemble des chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime, causés par le même fait générateur et dont elle supporte la charge financière, à l'exception de ceux qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, se sont aggravés ou ne se sont révélés dans toute leur ampleur que postérieurement à la première réclamation préalable de la victime ou de ceux qui ont été expressément réservés dans sa demande.

8. A la date de la première réclamation indemnitaire de Mme B..., le

7 novembre 2013, l'état de santé de cette dernière était consolidé depuis plusieurs années, dès lors que la date de cette consolidation a été fixée au 12 juin 2007. Toutefois, l'intéressée soutenait devant le tribunal, dans le cadre de l'instance n° 1603866 qu'elle " est actuellement en recherche d'emploi et sa situation professionnelle définitive, en raison des conséquences de son handicap, n'est pas stabilisée. / Il lui sera donc décerné acte de ce qu'elle sollicitera ultérieurement l'indemnisation des conséquences de l'accident au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice professionnel définitif. ". Il résulte ainsi de l'instruction que Mme B... a réservé ses demandes au titre du préjudice professionnel, c'est-à-dire des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle découlant du dommage subi. L'exception de chose jugée opposée par le CHU à ces demandes doit, dès lors, être écartée.

Sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle :

9. D'une part, lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article

L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. Cette rente n'a, en revanche, pas pour objet de couvrir la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, qui doit faire l'objet d'une indemnisation distincte.

10. D'autre part, la règle tenant à la déduction de la rente des sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels ne trouve à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total du préjudice professionnel subi que la rente indemnise.

11. Il résulte de l'instruction que Mme B... reste atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 50% en raison d'une hémiparésie droite chez une droitière et de troubles de la parole. En particulier, la main droite de l'intéressée n'est pas fonctionnelle. De plus, elle marche en fauchant la jambe et conserve le coude et le poignet droits fléchis. Si Mme B..., qui était âgée de 25 ans à la date de la consolidation de son état de santé, a terminé ses études en 2009 et est titulaire d'un master en administration économique et sociale, elle bénéficie de la qualité de travailleuse handicapée et a été prise en charge par un centre de pré-orientation professionnelle du 1er août 2018 au 31 juillet 2023 afin de l'aider dans la recherche d'un emploi adapté à son handicap. L'expert désigné par le tribunal a relevé, en particulier, que sa dysarthrie l'empêcherait de parler correctement anglais et pouvait être un obstacle dans certains emplois, qu'elle ne pouvait taper rapidement sur un clavier d'ordinateur et que son lieu de travail devait être accessible. Dans ces conditions, la faute du centre hospitalier et le handicap qui en a découlé ont privé Mme B... de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à une activité professionnelle. Ils ont donc directement été la cause d'une perte de gains professionnels et ont eu une incidence professionnelle.

12. En premier lieu, s'agissant de la période allant du 1er janvier 2010, date à compter de laquelle Mme B..., née le 5 octobre 1982, sollicite l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels, jusqu'au 29 septembre 2023, date du présent arrêt, une indemnité en capital sera versée par l'hôpital à l'intéressée au titre de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant également la part patrimoniale du préjudice d'incidence professionnelle qu'elle a subis. Cette indemnité doit être liquidée en se basant sur le montant du salaire mensuel médian net en 2000, année au cours de laquelle l'intéressée est devenue majeure, de 1 375 euros selon les modalités fixées au présent point. Tout d'abord, il y a lieu de calculer le montant total du préjudice professionnel (P), que la rente mentionnée au point 9 a pour objet de réparer, en additionnant ce salaire médian revalorisé, par l'application à chaque échéance annuelle du coefficient de revalorisation mentionné à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, pour chacun des mois écoulés entre le 1er janvier 2010 et le 29 septembre 2023, soit 165 mois et en déduisant de la somme résultant de cette addition l'ensemble des sommes perçues au titre de l'activité salariée de l'intéressée. Le montant maximum pouvant être mis à la charge de l'établissement public est, dès lors, compte tenu du taux de perte de chance retenu, de 80% du montant du préjudice professionnel total (0,8xP). Il y a lieu ensuite de calculer le montant total (C) des sommes versées à Mme B... durant cette même période au titre de l'allocation d'adulte handicapé depuis décembre 2010 et, le cas échéant, de toute autre prestation ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. Afin d'éviter que le montant cumulé de l'indemnisation excède le montant total du préjudice professionnel en cause (P), et pour procéder, s'il est nécessaire, à l'écrêtement du montant maximum pouvant être mis à la charge de l'établissement public, il convient de déterminer la somme à déduire de ce dernier montant, en calculant la différence entre, d'une part, la somme de 80% du montant du préjudice professionnel total (0,8xP) et de la somme des prestations versées à l'intéressée pour compenser ce préjudice (C) et, d'autre part, le montant total du préjudice professionnel (P). Pour fixer l'indemnité en capital à verser à l'intéressée au titre de la période en cause, il y a lieu de déduire le montant de cette différence [(0,8xP+C)-P], s'il est positif, du montant maximal de l'indemnité pouvant être mis à la charge de l'établissement public (0,8xP). Mme B... devra produire tous les justificatifs nécessaires au centre hospitalier pour que ce dernier procède à la liquidation exacte de cette indemnité.

13. En deuxième lieu, s'agissant de la période courant à compter du 30 septembre 2023, une rente mensuelle sera versée par l'hôpital au titre des mêmes préjudices que ceux indiqués au point précédent. Il y a lieu de liquider cette rente en se basant sur un salaire mensuel médian net en 2000 de 1 375 euros, en appliquant les coefficients de revalorisation mentionnés à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Les montants des arrérages mensuels (a) de cette rente sont fixés de la façon suivante : a = 0,8xp - [si positif [(0,8xp+c)-p]] ; c'est-à-dire du montant maximum mensuel pouvant être mis à la charge de l'établissement public, de 80% de la somme (p) obtenue en déduisant du salaire mensuel médian revalorisé les sommes éventuellement perçues mensuellement par Mme B... au titre de la rémunération d'une activité professionnelle, sera soustrait, s'il est positif, selon un principe d'écrêtement, le montant de la différence entre, d'une part, le résultat de l'addition de la somme de 80% du montant du préjudice professionnel total (0,8xp) et de la somme des prestations compensant la perte de revenus professionnels, notamment allocation pour adulte handicapé, ou encore de pensions de retraite pour compenser ce préjudice (c) versées à l'intéressée au cours du mois et, d'autre part, le montant total du préjudice professionnel (p). Cette rente sera ensuite revalorisée annuellement à l'avenir par application des coefficients qui seront légalement fixés. Mme B... produira à l'hôpital les justificatifs des sommes perçues aux titre de ses activités professionnelles ou des prestations ayant pour objet de compenser son préjudice professionnel ou des attestations de non perception des aides issues des organismes sociaux concernés.

14. En troisième lieu, Mme B... fait valoir que le handicap dont elle est atteinte du fait de la faute de l'établissement public l'empêche d'occuper un emploi en adéquation avec son parcours et son diplôme universitaires et la contraint d'envisager un parcours professionnel différent de celui auquel elle aurait pu prétendre sans la survenue de l'accident médical, avec des difficulté d'insertion sur le marché du travail et l'absence de perspective, malgré ses efforts, d'un déroulement de carrière normal. Eu égard à ce qui a été dit au point 10, il y a lieu d'évaluer à 5 000 euros la part personnelle de l'incidence professionnelle de l'intéressée, distincte de la part patrimoniale de l'incidence professionnelle déjà indemnisée par la rente fixée ci-dessus. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, de 80%, il y a lieu d'allouer à ce titre à Mme B..., la somme de 4 000 euros.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que la somme que le CHU de Brest a été condamné, par le jugement attaqué, à lui verser doit être portée aux montants dont les modalités de détermination sont indiqués aux points précédents dans la limite des sommes demandées devant le tribunal. De ces montants devra être déduite la provision de 4 000 euros déjà versée.

Sur les intérêts et la capitalisation :

16. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes qui lui sont allouées aux points 12 et 14 du présent arrêt à compter du 28 décembre 2018, date de réception par le CHU de Brest de sa réclamation indemnitaire préalable. Elle a en outre demandé la capitalisation des intérêts le 14 mars 2019 et a, dès lors, droit également à la capitalisation de ces intérêts à compter du 28 décembre 2019, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais d'instance :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Brest une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 septembre 2022 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 12 janvier 2014.

Article 2 : Le CHU de Brest est condamné à verser à Mme B... en réparation de la perte de revenus professionnels l'indemnité et la rente calculées comme indiqué aux points 12 et 13 du présent arrêt, ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de la part personnelle de l'incidence professionnelle subie. L'indemnité et la somme de 4 000 seront assorties des intérêts à compter du 28 décembre 2018, et de leur capitalisation à compter du 28 décembre 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date. De ces sommes devra être déduite la provision de 4 000 euros déjà versée.

Article 3 : Le jugement du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes en ce qu'il a statué sur les autres demandes que celles mentionnées au point 1 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Brest versera à Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au centre hospitalier universitaire régional de Brest et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 29 septembre 2023.

Le rapporteur,

X. CATROUXLe président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03525
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SARL LE PRADO GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-29;22nt03525 ?
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