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29/09/2023 | FRANCE | N°22NT01068

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 septembre 2023, 22NT01068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 285 684,62 euros, à parfaire en cas de modification du taux de rachat des cotisations sociales, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2011, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison du défaut d'affiliation au régime général de sécurité sociale et au régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques pour

la période courant du 1er juin 1970 au 1er juin 1984 au titre d'opérations de pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 285 684,62 euros, à parfaire en cas de modification du taux de rachat des cotisations sociales, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2011, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison du défaut d'affiliation au régime général de sécurité sociale et au régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques pour la période courant du 1er juin 1970 au 1er juin 1984 au titre d'opérations de prophylaxie collective exercées dans le cadre du mandat sanitaire qui lui a été délivré par le préfet de la Mayenne.

Par un jugement n° 1807100 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, M. A..., représenté par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 285 684,62 euros, sauf à parfaire, pour tenir compte notamment d'une éventuelle modification à intervenir du taux de rachat des cotisations sociales, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est privé de motifs, dès lors que les premiers juges ont omis d'analyser les pièces qu'il avait produites afin de justifier du bien-fondé de ses prétentions à l'appui du mémoire en réplique enregistré le 11 mai 2021 ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en estimant que l'attestation de son expert-comptable n'était pas suffisamment probante ;

- l'Etat a commis une faute en s'abstenant de l'affilier au régime général de la sécurité sociale (CARSAT) et au régime complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC), et sa responsabilité est engagée à ce titre ;

- il a droit à une indemnité correspondant au montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter en lieu et place de l'État, son employeur, pour la période allant du 1er juin 1970 au 1er juin 1984, ainsi qu'au versement des pensions de retraite correspondant à cette activité au titre de la période comprise entre le 1er juillet 2007, date de son admission à la retraite, et la date du versement par l'Etat des cotisations omises ;

- il appartient à l'administration de reconstituer le montant des salaires perçus, au regard des documents dont elle dispose nécessairement en sa qualité d'employeur ; en toute hypothèse, il justifie de l'étendue de son préjudice par la production d'une attestation de son expert-comptable ;

- il a droit au versement de la somme de 73 712,34 euros au titre des cotisations de la CARSAT, 50 196,43 euros au titre des arrérages de pension de retraite de la CARSAT, 9 983 euros au titre des cotisations de l'IRCANTEC et 151 792,79 euros au titre des arrérages de pension de retraite de l'IRCANTEC ;

-à supposer que l'attestation de l'expert-comptable soit insuffisante pour établir les rémunérations perçues, une estimation forfaitaire de l'assiette des cotisations peut être arrêtée en application de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ; les opérations de prophylaxie collectives portent sur des périodes supérieures à 90 jours et les opérations de police sanitaire interviennent tout au long de l'année de sorte que l'exercice de son mandat sanitaire porte sur une période d'activité de plus de 90 jours, la condition tenant à une durée minimale d'activité prévue par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale étant alors remplie ; en toute hypothèse, il n'y a pas lieu de faire une application stricte de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ; le recours à une évaluation forfaitaire a été recommandé par le secrétaire général du ministère de l'agriculture ainsi que par une circulaire ministérielle du 6 mars 2013 ;

- le préjudice subi du fait de l'absence de l'immatriculation à la CARSAT et à l'IRCANTEC ne saurait ni être laissé sans réparation, ni être évalué à une somme inférieure à 119 167,27 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, conclut au rejet de la requête de M. A....

Il fait valoir que les préjudices invoqués ne sont pas établis en l'absence de tout justificatif personnel de rémunération permettant d'établir la réalisation effective d'une activité par M. A... dans le cadre de son mandat sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

-la loi n°89-412 du 22 juin 1989 ;

- le décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraites complémentaires des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a exercé la profession de vétérinaire à titre libéral jusqu'au 1er juillet 2007, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite. Il déclare avoir été investi d'un mandat sanitaire du 1er juin 1970 au 1er juin 1984, dans le cadre duquel il aurait réalisé des missions de prophylaxie et de police sanitaire pour le compte de l'État, au sens de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime. Par un courrier du 10 décembre 2012, M. A... a alors saisi l'administration d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant du défaut de versement par l'État des cotisations dues par l'employeur au régime général de la sécurité sociale (CARSAT) et au régime complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC). Le ministre chargé de l'agriculture et de l'alimentation lui a proposé une assiette de cotisations égale à zéro, en raison de l'absence de justificatif personnel de rémunération. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes la condamnation de l'État à lui verser la somme de 285 684,62 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi du fait de la non déclaration par l'Etat de diverses cotisations sociales pour les opérations qu'il a effectuées pour son compte en vertu d'un mandat sanitaire délivré par le préfet de la Mayenne. M. A... relève appel du jugement du 11 janvier 2022, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui ont visé et analysé le mémoire enregistré le 11 mai 2021 présenté pour M. A..., ont pris en considération ce mémoire ainsi que les pièces qui y étaient annexées. Ils ont en outre suffisamment motivé leur réponse aux moyens invoqués par M. A....

3. En second lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur d'appréciation est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En vertu des dispositions de l'article 215-8 du code rural issues de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique, reprises jusqu'à l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 relative à la modernisation des missions des vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire à l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime, puis, en substance, à l'article L. 203-11 de ce code : " [Les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire] sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une activité libérale. Ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 1990 ". Jusqu'à cette date, les vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire devaient être regardés comme des agents non titulaires de l'État relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'État. A ce titre, l'Etat avait l'obligation, dès la date de prise de fonction, d'assurer leur immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) en application des dispositions, d'une part, de l'article R. 312-4 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, des articles 3 et 7 du décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraite complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, et de verser les cotisations correspondant aux rémunérations perçues en vertu des actes de prophylaxie.

5. Par ailleurs, aux termes du II de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale : " (...) Lorsque le montant de la rémunération perçue par l'assuré n'est pas démontré, un versement de cotisations ne peut être effectué qu'au titre d'une période d'activité accomplie pour le compte du même employeur et correspondant soit à une période continue d'au moins quatre-vingt-dix jours, soit à des périodes discontinues d'une durée totale d'au moins quatre-vingt-dix jours sur une même année civile. Dans ce cas, les cotisations sont calculées sur une assiette forfaitaire, fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l'agriculture, dans les conditions prévues aux alinéas précédents. ".

6. Si M. A... demande à la cour de condamner l'État à l'indemniser des conséquences dommageables résultant de son absence d'affiliation aux différents régimes de retraite au titre de son mandat sanitaire, il lui appartient toutefois d'apporter un commencement de preuve quant à l'exercice effectif d'une activité dans le cadre de ce mandat pendant la période considérée, la détention d'un tel mandat, qui ne constitue qu'une habilitation à exercer les missions correspondantes pour des fonctions qui demeurent, au surplus, l'accessoire d'une activité principale, n'emportant pas, par elle-même, la réalisation d'actes à ce titre.

7. Afin de justifier de la réalité de l'exercice d'une activité exercée pour le compte de l'Etat dans le cadre du mandat sanitaire dont il était investi, M. A... se borne à produire un arrêté tronqué du préfet de la Mayenne du 1er décembre 1970 le chargeant en sa qualité de vétérinaire-sanitaire de l'exécution de cet arrêté ainsi qu'une lettre du directeur des services vétérinaires du département de la Mayenne datée du 19 janvier 1971 le chargeant d'une mission de police sanitaire afin de recenser les animaux d'une exploitation infectée de brucellose. Ces éléments, qui ne concernent qu'une courte période comprise entre le 1er décembre 1970 et le 19 janvier 1971, ne sont pas de nature à justifier que M. A... aurait effectué, au cours des années en litige, ces prestations, de manière continue ou discontinue, sur des périodes d'activité supérieures aux seuils mentionnés à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, l'attestation d'un expert-comptable du 27 novembre 2017 produite par le requérant, qui ne mentionne que des revenus annuels synthétiques et indique, sans autre précision ni justification, que ces montants correspondent à " l'activité de prophylaxie ", ne permet pas davantage d'établir que de telles rémunérations ont été perçues par M. A... au titre des missions réalisées dans le cadre de son mandat sanitaire. A défaut d'apporter tout commencement de preuve de ce qu'il a effectivement exercé une activité dans le cadre de ce mandat, à tout le moins sur une période continue d'au moins quatre-vingt-dix jours, ou sur des périodes discontinues d'une durée totale d'au moins quatre-vingt-dix jours sur une même année civile, il ne peut utilement se prévaloir de l'instruction ministérielle du 9 avril 2013, laquelle renvoie à une circulaire " Caisse nationale d'assurance vieille " du 29 octobre 2009, ni de la circulaire ministérielle du 6 mars 2013 faisant référence au mécanisme de l'évaluation forfaitaire.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

La rapporteure,

J. Lellouch

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01068
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-29;22nt01068 ?
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